Notre système de santé souffre, de longue date, d'une inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire, ce qui entraîne à la fois d'importantes difficultés de recrutement de personnels médicaux pour les hôpitaux et d'accès aux soins pour nos concitoyens. Dès lors, pour assurer la continuité des soins et occuper des postes laissés durablement vacants, de nombreux établissements de santé ont recruté des praticiens titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne – « PADHUE » est le nom que l'on donne à ces praticiens à diplôme hors Union européenne.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2007 a voulu sécuriser l'exercice de ces praticiens en instaurant un dispositif d'autorisation temporaire accompagné d'une procédure dérogatoire d'autorisation de plein exercice sur examen dit de liste C. Sous réserve d'avoir exercé au moins trois années dans des établissements de santé français et d'avoir été recruté avant le 3 août 2010, ces praticiens ont la possibilité de continuer à exercer temporairement, sous la responsabilité d'un praticien de plein exercice, à condition de passer cet examen de liste C. Celui-ci a été aménagé en 2012, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Door, à travers une proposition de loi laissant davantage de place à l'évaluation des compétences cliniques et de la maîtrise du français par les praticiens concernés. En cas de réussite à cet examen, les praticiens sont invités à exercer pendant une période probatoire d'un an, au terme de laquelle ils peuvent obtenir une autorisation de plein exercice.
L'instauration de cette procédure dérogatoire visait à reconnaître le travail effectué chaque jour par ces professionnels au service des patients sans les contraindre à passer par la procédure de droit commun dite liste A, qui prend la forme d'un concours n'offrant qu'un nombre de places très limité – environ 650 en 2018, toutes spécialités confondues. L'autorisation temporaire d'exercice devait initialement prendre fin le 31 décembre 2011, mais à cette date, plusieurs milliers de praticiens à diplôme hors Union européenne n'avaient pas encore obtenu d'autorisation de plein exercice. Cette autorisation temporaire a donc été prolongée par deux fois, en 2012 d'abord, puis en 2016.
À ce jour, même si aucun décompte officiel n'est disponible, on estime que 400 à 500 PADHUE exercent encore sous le régime de l'autorisation temporaire d'exercice, soit parce qu'ils n'ont pas passé l'examen dérogatoire de la liste C, soit parce qu'ils ne l'ont pas obtenu. Or ces professionnels de santé se trouvent à nouveau aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile puisqu'ils ne sont autorisés à exercer leurs fonctions que jusqu'au 31 décembre 2018.
Pour éviter une interruption soudaine de l'autorisation d'exercer des PADHUE à cette date, ce qui aurait des effets désastreux en termes de continuité des soins, l'article 42 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une immigration réussie proposait de prolonger de deux ans le dispositif d'autorisation temporaire d'exercice. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré cet article au motif qu'il constituait un cavalier législatif, ce qui a plongé dans l'inquiétude, et à juste titre, les praticiens concernés et les établissements de santé dans lesquels ils exercent. Ainsi, si nous ne légiférons pas avant le 31 décembre de cette année, plusieurs centaines de praticiens médicaux devront cesser d'exercer dès le 1er janvier 2019, ce qui placerait en grande difficulté les services hospitaliers au sein desquels exercent ces professionnels, et poserait donc une réelle difficulté en termes de santé publique.
La proposition de loi que j'ai déposée, et qui a été adoptée par la commission des affaires sociales au cours de sa réunion du 28 novembre, vise à répondre à cette difficulté en prolongeant de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2020, l'autorisation temporaire d'exercice accordée aux PADHUE recrutés avant le 3 août 2010. Je tiens à souligner le consensus qui s'est dégagé lors de cette réunion : chacun a reconnu l'urgence à légiférer sur cette question, car nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne et qui permettent, aujourd'hui encore, d'assurer la continuité des soins dans de nombreux services hospitaliers, en particulier dans les territoires très touchés par la désertification médicale ou dans certaines spécialités délaissées par les médecins.
Je souligne que l'article unique de la proposition de loi n'apporte pas de réponse pérenne à la situation des PADHUE. L'urgence dans laquelle nous place la date butoir du 31 décembre 2018 ne permettait pas de construire, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et dans les délais impartis, un dispositif durable.
Cependant, comme je l'ai indiqué en commission des affaires sociales, il ressort des auditions que j'ai conduites avec la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé, qu'un dispositif pérenne et structurel devrait voir le jour dans les prochains mois pour intégrer, au sein de notre système de santé, les praticiens à diplôme hors Union européenne et les sortir ainsi de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent souvent, sous réserve qu'ils justifient des exigences professionnelles requises pour exercer. Compte tenu de la reconnaissance que nous devons à ces praticiens au regard de leur investissement quotidien dans nos hôpitaux, je serai particulièrement vigilant, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, à ce que ce dispositif permette de les intégrer de manière pérenne au système de santé français. Mais je serai tout aussi vigilant quant à l'effectivité du contrôle de leurs compétences afin que la capacité professionnelle des praticiens qui obtiendront une autorisation de plein exercice soit incontestable. Dans l'attente de ce dispositif, qui viendra dans un second temps, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, dont chacun saura reconnaître le caractère d'urgence.