Intervention de Sylvain Brial

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 15h00
Sécurisation de l'exercice des praticiens diplômés hors union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Brial :

La proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des praticiens diplômés hors Union européenne s'inscrit plus généralement dans le cadre de la lutte contre la désertification médicale.

Le groupe Libertés et territoires est particulièrement attentif à ce sujet. La difficulté d'accès aux soins est un problème pour chaque Français, dans les villes comme dans les territoires, en métropole comme outre-mer. La vocation de notre groupe est de porter la parole de chaque territoire, notamment ceux que l'on entend le moins – zones rurales, de montagne, territoires ultramarins, banlieues.

La désertification médicale les concerne en premier lieu. Même les zones urbaines sont maintenant touchées. C'est un souci pour tous au quotidien : pénurie de médecins à l'hôpital public, urgences saturées, disparité des implantations territoriales des spécialistes... La situation, déjà critique, va s'aggraver du fait de nombreux départs à la retraite. Les solutions proposées à ce jour ont échoué. Afin de pallier les carences de l'État, les communes, les groupements de communes, les départements ou encore les régions, ont tenté d'apporter des réponses innovantes d'urgence dans un domaine hors de leurs compétences. Les élus locaux, en première ligne face au désarroi de leurs administrés, ont développé des dispositifs pour améliorer l'accès aux soins. Ils ont fait appel à des professionnels de santé avec des diplômes étrangers.

Nous devons traiter aujourd'hui la prolongation de cette solution. Il serait impossible pour une grande majorité d'hôpitaux français de fonctionner sans ces médecins. Partout, le recours à ces praticiens venant hors de l'Union européenne est indispensable. À Dreux, en Eure-et-Loir, par exemple, leur nombre a presque doublé en l'espace de sept ans. Depuis 2010, la France a perdu 6,8 % de ses généralistes. Selon les projections du Conseil national de l'Ordre des médecins, le CNOM, elle en perdra autant d'ici à 2025. Renoncer à recourir aux praticiens étrangers placerait la plupart des hôpitaux français dans une situation intenable, ce que nous ne souhaitons pas.

La désertification médicale est un problème complexe. L'accès aux soins se pose quotidiennement pour les Français. Il faut apporter une solution immédiate et c'est pourquoi le groupe Libertés et territoires votera ce texte.

La désertification médicale ne concerne pas seulement la médecine libérale mais également les établissements de santé et les hôpitaux. Nous ne pouvons nous satisfaire de solutions expérimentales prises dans l'urgence, ni accepter de fragiliser l'ensemble de notre service public hospitalier par un manque de visibilité dans les recrutements.

La France n'a pas les moyens de mettre fin à l'exercice de ces milliers de médecins étrangers et de fragiliser plus encore notre système de santé. Il faut les assurer du cadre légal qui les accueille. La situation déjà très critique de notre système de santé ne supporterait pas une telle coupe dans les effectifs. La suppression annoncée du numerus clausus ne produira d'effets positifs que d'ici à dix ans. Ces médecins étrangers font vivre notre système. Cette proposition n'est que temporaire puisqu'elle prend fin en 2020. Les professionnels de santé sont trop peu nombreux mais, surtout, ils sont inégalement répartis dans les territoires. Ce constat inquiète tout particulièrement les députés de notre groupe.

Dans son rapport annuel, le CNOM pointe les inégalités territoriales qui se creusent avec des baisses de densité encore plus fortes dans les départements déjà affectés par la désertification médicale. Une augmentation du nombre de médecins ne garantit malheureusement pas une meilleure répartition territoriale. Il faut s'assurer que leur recrutement bénéficie à l'ensemble du territoire et notamment aux zones les plus isolées. Il a été dit en commission que prolonger le délai de deux ans devrait permettre de définir un dispositif pérenne d'intégration de ces praticiens étrangers mais rien n'a été proposé.

Le concours de la liste A devrait devenir la voie unique. Il serait, par conséquent, judicieux d'augmenter le nombre maximum de places. Il conviendrait également de s'assurer d'une juste répartition des praticiens en fonction des spécificités et des besoins régionaux. Il apparaît donc nécessaire que le second concours soit réformé. Le dernier concours de la liste C remonte à 2017. Ainsi, des centaines de praticiens ne peuvent obtenir une autorisation pérenne d'exercer. Le présent texte ne fait aucune proposition visant à améliorer l'accueil des praticiens étrangers.

La commission d'enquête sur l'accès aux soins des Français a formulé des recommandations. Son rapporteur, président de notre groupe, Philippe Vigier, a proposé d'inscrire au tableau de l'Ordre tout médecin titulaire d'un diplôme étranger exerçant en France. Cela impliquerait de réviser la procédure d'autorisation d'exercice pour dispenser des lauréats de la période probatoire de trois ans, à condition qu'ils s'engagent à exercer à titre libéral.

L'adoption de la présente proposition de loi ne doit pas laisser entendre que de simples ajustements remettront sur pied notre système de santé, grandement fragilisé. Ce texte est nécessaire, mais le problème de la désertification médicale est complexe. Il ne s'agit pas seulement d'un manque de médecins : le phénomène s'accompagne d'une inégalité territoriale, symptomatique d'une fracture territoriale généralisée à l'ensemble des services publics. Il nous faut donc un plan de santé bien plus ambitieux, qui prenne en compte ces spécificités territoriales, et l'ensemble du groupe Libertés et Territoires fera des propositions fortes en ce sens.

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