Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 21h30
Réforme de la caisse des français de l'étranger — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Bien des éléments sur lesquels je reviendrai ont déjà été évoqués.

Il était prévu que je m'exprime en premier dans cette discussion générale. J'ai cependant tenu à laisser cette place à M. Door, qui doit faire cent cinquante kilomètres pour rentrer chez lui. Sans doute rappellerai-je dans cette intervention certains éléments qui ont déjà été signalés, mais, pour une fois que nous nous penchons sur un texte à peu près consensuel, c'est un plaisir de le défendre. Je regrette d'ailleurs que notre collègue ne le vote pas.

La Caisse des Français de l'étranger a été créée par la loi du 13 juillet 1984 à l'initiative des sénateurs – jusqu'en 2012, il n'y avait pas de députés représentant les Français établis hors de France – , en particulier de M. Jean-Pierre Cantegrit, qui a présidé son conseil d'administration depuis sa création jusqu'en 2015.

Elle a été conçue comme le prolongement de la sécurité sociale française pour des personnes effectuant une partie de leur carrière hors de nos frontières, le plus souvent dans le cadre de contrats d'expatriation, avec une prise en charge de la protection sociale par l'entreprise et un retour programmé en France.

Depuis le renouvellement de son conseil d'administration, en 2015, c'est l'excellent Alain-Pierre Mignon qui préside à ses destinées avec dynamisme et talent. Son diagnostic et ses projets pour la CFE sont à l'origine de la proposition de loi que nous examinons.

Aujourd'hui, on dénombre 1,8 million de Français inscrits sur les listes électorales consulaires, mais on estime entre 2,5 et 3 millions le nombre de Français qui font briller la France à l'étranger.

Parmi eux, 200 000 sont adhérents à la Caisse des Français de l'étranger, soit 8 % à peine. De ce fait, la CFE accuse un problème d'attractivité. Alors que le nombre d'assurés décroît, année après année, depuis 2014, le taux d'adhésion est très faible, particulièrement parmi les jeunes, ainsi que l'a rappelé Mme la rapporteure.

À ce constat s'ajoutent des mutations importantes dans le profil des expatriés, ainsi que dans leurs conditions d'expatriation. Le profil classique de l'expatrié change. Ce n'est pas la même chose que de travailler au sein d'un grand groupe ou d'une administration, statut désormais minoritaire, et d'être retraité, étudiant ou employé dans une entreprise locale.

Le modèle économique actuel de la CFE ne correspond donc plus aux attentes des Français de l'étranger, ce dont je puis témoigner, étant, dans cette assemblée, l'un des plus anciens députés à les représenter. Ces derniers recherchent d'abord une couverture pour les soins lors de leurs séjours temporaires fréquents en France, ainsi qu'une couverture complémentaire en cas de soins, voire d'hospitalisation dans l'État de résidence.

Ce diagnostic pessimiste appelait une réaction vigoureuse. En effet, à terme, l'équilibre de la Caisse est menacé. Il était urgent d'adapter, d'actualiser son modèle économique. Cette réflexion a conduit à envisager des mesures nouvelles, qui justifient les évolutions législatives dont nous débattons.

Déposée le 12 mai 2017, sous la précédente législature, par le sénateur Jean-Yves Leconte, la proposition de loi est le fruit d'un travail minutieux réalisé au Sénat en concertation avec la direction de la CFE elle-même.

Elle vise deux objectifs fondamentaux, qui reprennent le diagnostic évoqué plus haut. Son premier volet tend à rénover l'offre tarifaire de la Caisse. Le second a pour finalité de refondre les modalités de prise en charge des frais des affiliés, en affichant désormais des garanties claires et en permettant la prise en charge en tiers payant des frais hospitaliers.

Face au déficit d'attractivité dont souffre la CFE, un des objectifs affichés du texte est d'accroître le nombre de ses adhérents afin de mieux mutualiser son financement et de renforcer le lien entre nos compatriotes de l'étranger et la France.

La proposition de loi envisage de déléguer à la CFE la possibilité d'adapter l'offre tarifaire et les garanties en fonction de l'évolution des besoins de nos compatriotes expatriés. Cette réforme est un acte de confiance envers le conseil d'administration de la Caisse, qui a été associé à toutes les étapes de sa conception.

La Caisse a en effet souhaité lancer une réforme des cotisations, selon une logique tarifaire assise sur l'âge et la composition de la famille de l'assuré. Cette réforme globale, rendant à la fois plus simple et plus lisible le dispositif tarifaire qui serait arrêté par le conseil d'administration de la CFE, se substituera au dispositif actuel, qui comptait – le chiffre est inimaginable, mais un de nos collègues l'a déjà rappelé – 600 tarifs possibles.

Le produit JeunExpat Santé lancé en juin 2017 constitue une première étape très réussie de cette ambitieuse réforme structurelle. Toutefois, celle-ci ne remet pas en cause les fondements de caisse de sécurité sociale de la CFE, en particulier ses valeurs de solidarité associées. Ainsi, le dispositif de catégorie aidée, qui permet la prise en charge par le budget d'action sociale de la Caisse d'une partie des cotisations pour les Français de l'étranger les plus modestes, sera renforcé dans le cadre de cette réforme, ce qui me semble très important.

La Caisse souhaite également mieux définir les garanties qu'elle offre à ses clients et assurer un plus large accès en tiers payant dans un nombre beaucoup plus important d'établissements de soins. Dans cette optique, elle a lancé une expérimentation en Asie, en Afrique et en Israël. Il s'agit de la prise en charge en tiers payant des frais hospitaliers à hauteur d'un taux tarifaire, en lien avec un partenaire disposant d'un réseau de soins.

Avec cette réforme, la Caisse pourra désormais adapter les règles de prise en charge des soins pour les rendre plus lisibles et plus simples à gérer afin de garantir un meilleur service, sans s'écarter des tarifs pratiqués en France pour des soins analogues. En effet, il n'est pas question pour la CFE de sortir de son rôle de caisse de sécurité sociale de base.

En revanche, la loi lui permettra de conclure des partenariats avec des assureurs complémentaires pour offrir à ses clients une prise en charge complète des soins qu'ils engagent. C'était l'une des difficultés à laquelle était confrontée la CFE. En renvoyant ses assurés à un assureur complémentaire pour leur garantir cette prise en charge à 100 %, elle courait le risque, dans un contexte très concurrentiel, de perdre des clients – ce qui s'est d'ailleurs produit. Cela fragilisait encore davantage son équilibre financier.

Le premier chapitre du texte, dont les dispositions ont été regroupées au Sénat, ouvre également la possibilité aux ressortissants européens de s'inscrire, ce qui est important, à une offre de la CFE, en conformité avec nos engagements communautaires.

En l'état, en effet, le cadre juridique n'autorise la CFE qu'à accepter l'affiliation des seuls ressortissants français, au mépris du principe de non-discrimination entre citoyens de l'Union européenne, de l'espace économique européen et de la Suisse. Cette situation, vous le savez, a d'ailleurs conduit à la condamnation de la CFE par la Cour de cassation.

En l'absence de texte clair, la Caisse accepte aujourd'hui ces personnes de fait, lorsqu'elles sollicitent leur adhésion. Nous rectifions donc une disposition qui n'a plus lieu d'être.

Il est prévu par ailleurs que l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs pour les adhérents actuels de la CFE ne s'opère que progressivement, afin surtout de ne pas pénaliser les tranches d'âge les plus élevées.

La proposition de loi initiale prévoyait également une refonte de la représentation des assurés au sein du conseil d'administration de la Caisse. Alors qu'une réflexion est en cours sur une évolution de la représentation des Français établis hors de France, il a paru sage à nos collègues sénateurs de différer la réforme prévue, en attendant les conclusions de ces travaux. Nous nous rangeons totalement à cette position d'équilibre.

La version issue du Sénat propose cependant deux innovations pertinentes. En premier lieu, elle donne des pouvoirs accrus au conseil d'administration de la CFE, particulièrement en matière de lutte contre la fraude. En second lieu, elle inscrit dans la loi le principe d'une représentation paritaire au conseil d'administration, à laquelle nous sommes bien sûr très favorables.

Sans la moindre hésitation, le groupe UDI, Agir et indépendants, et le député des Français de l'étranger que je suis accueillent très favorablement cette proposition de loi. Je félicite la rapporteure pour son travail, qui nous permet de progresser positivement dans l'adaptation de la CFE aux réalités socio-économiques des Français de l'étranger en 2018.

Nous voterons donc le texte sans proposer d'amendements complémentaires, pour favoriser son adoption et son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.

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