Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation :

Vous êtes parfaitement libre de contester mon analyse, mais je vous demande de faire confiance à l'administration de l'État pour ce qui est des chiffres qu'elle fournit à la représentation nationale de façon générale sur ce qui se passe dans notre pays. Je maintiens que la réalité des faits et des chiffres n'est pas portée par les lycéens.

J'en viens à la raison pour laquelle le Premier ministre et nous-mêmes avons pensé qu'il était nécessaire d'établir un plan d'attractivité pour les étudiants internationaux. Il faut, là aussi, regarder la réalité. La France n'est plus dans les vingt pays qui voient progresser le nombre d'étudiants internationaux qui s'inscrivent dans les formations qu'elle propose. Le nombre global d'étudiants qui souhaitent une mobilité internationale doublera au cours des dix prochaines années, passant de 4,5 millions à plus de 9 millions.

Les établissements partenaires des établissements français et Campus France expliquent par plusieurs raisons ce manque d'attractivité. Il tient d'abord à la médiocrité de notre accueil, qui se traduit notamment par une redoutable complexité administrative à l'arrivée des étudiants. Cela tient aussi à ce que ce nombre grandissant d'étudiants internationaux souhaitent de plus en plus étudier dans un contexte de plurilinguisme : ils souhaitent venir en France pour apprendre la langue et la culture françaises, et ce que la France peut leur apporter, y compris en termes de liberté d'expression, mais ils souhaitent aussi avoir accès à des formations dans d'autres langues que le français.

Enfin, nous sommes évidemment très attachés au système redistributif français, ce pourquoi, comme l'a indiqué le Premier ministre, nous n'envisageons pas d'augmenter les frais d'inscription pour les étudiants étrangers dont les familles installées en France contribuent par le paiement de taxes et d'impôts à alimenter le budget qui nous permet de dispenser une éducation gratuite. Mais ce même attachement au système redistributif nous a conduit à conclure que nous devons parvenir à doubler le nombre d'étudiants internationaux en France et, dans le même temps, à faire plus contribuer ceux d'entre eux qui peuvent payer leur formation – et les étudiants francophones en font la démonstration quand ils s'inscrivent au Canada, où les droits d'inscription n'ont rien à voir avec les droits d'inscription français, ou quand ils s'inscrivent au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Arabie Saoudite, en Turquie ou en Chine, pays où, là encore, les droits d'inscription demandés aux étudiants internationaux n'ont rien à voir avec les droits d'inscription français. Visiblement, un certain nombre des étudiants en mobilité internationale ont les moyens de payer des droits d'inscription plus élevés.

Nous avons cependant indiqué aux établissements d'enseignement supérieur que, pour toutes les formations pour lesquelles il existe des accords avec des établissements partenaires, pour tous les étudiants étrangers installés en France et pour tous les étudiants internationaux pour lesquels ils estiment qu'il faut déroger à ces droits d'inscription, leurs conseils d'administration sont fondés à le faire dans le cadre de l'autonomie des établissements. Mais nous leur avons dit aussi que, lorsque des étudiants internationaux ont les ressources nécessaires pour payer des droits d'inscription – dont le nouveau montant représente seulement le tiers du coût réel des études et est considérablement moins élevé que celui demandé aux étudiants internationaux dans l'immense majorité des pays –, il est bon que, conformément au système redistributif qui caractérise la société française, les droits d'inscription réglés par ces étudiants-là permettent de mieux accueillir la totalité des étudiants internationaux.

Cette mesure n'est évidemment pas prise isolément, et je suis navrée de constater que l'on s'attache à un seul point d'un projet qui en comprend de très nombreux autres qui, tous, vont dans le sens de l'attractivité. Ainsi, nous allons tripler les capacités de bourses offertes par le Gouvernement français aux étudiants internationaux, soit par le ministère des affaires étrangères, soit directement par les établissements. Ensuite, nous allons faire en sorte que les visas délivrés aux étudiants internationaux soient d'une durée permettant sans difficulté d'obtenir des titres de séjour – c'est, vous le savez, l'un des problèmes récurrents auxquels ils se heurtent, et qui les fait souvent se trouver dans une situation inconfortable. Nous avons aussi travaillé avec le ministère de l'intérieur à l'organisation par les préfectures de points d'accueil dans les établissements d'enseignement, où les étudiants internationaux pourront satisfaire aux formalités administratives. Nous leur avons également étendu la possibilité de la garantie de loyer, ce qui simplifiera grandement les choses pour des jeunes gens qui, actuellement, ne peuvent louer d'appartement faute d'avoir un compte en banque en France, compte qu'ils ne peuvent ouvrir car ils n'ont pas d'adresse sur notre territoire… J'ajoute que tous les étudiants internationaux bénéficieront de cours de français langue étrangère lorsque le français n'est pas leur langue maternelle, et que nous augmenterons le nombre de formations offertes dans d'autres langues que le français. Nous avons aussi fait en sorte que les nouveaux titulaires d'un master ou d'un doctorat ne soient pas obligés de rentrer chez eux pour demander depuis leur pays d'origine des visas de travail, mais qu'ils puissent rester en France à l'issue de leur stage et être directement embauchés par les entreprises qui souhaitent les maintenir en poste sous contrat. Ces nombreuses améliorations contribueront à renforcer l'attractivité de la France pour les étudiants internationaux.

Nous avons aussi travaillé avec les pays qui envoient des étudiants se former en France pour déterminer comment co-construire – et non pas leur donner clé en main – des offres de formation permettant à leurs jeunes ressortissants d'obtenir des diplômes français mais aussi de contribuer au développement de leurs pays respectifs. J'ai entendu dire que cela ne concernait que l'Afrique. Il se trouve que nous sommes effectivement en train de travailler à un campus franco-sénégalais et à un campus franco-tunisien ; mais les premiers campus de ce type ont vu le jour en Inde, à Singapour et en Chine, et ils ont démontré que lorsque les jeunes sont formés chez eux à des compétences utiles au développement de leur pays, qu'ils sont accompagnés par des établissements français et dans certains cas par des entreprises françaises, cela permet de développer les pays considérés tout en bénéficiant aux entreprises françaises qui, lorsqu'elles s'installent dans ces pays, y trouvent une main-d'oeuvre qualifiée formée « à la française ».

Nous avons donc défini un processus global, dans lequel l'augmentation des droits d'inscription pour une fraction des étudiants internationaux constitue finalement l'un des éléments d'attractivité. En effet, le dernier point que je tiens à souligner, et je pense que les universitaires qui sont dans cette salle ne me contrediront pas, c'est que l'on a beaucoup de mal à expliquer à l'étranger que des formations de qualité soient offertes pour moins de 200 euros. La seule manière de faire, c'est de dire qu'elles coûtent 10 000 euros en France, puisque c'est le coût moyen d'un étudiant, mais qu'elles sont très largement subventionnées par l'État, ce qui était et sera toujours la réalité.

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