Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation :

Absolument, mais si nous souhaitons maintenir un système redistributif dans les années à venir, nous devons tenir compte de l'augmentation massive prévisible du nombre d'étudiants venant de pays tels que l'Inde, l'Indonésie, la Chine ou encore les pays d'Amérique du Sud. Je conteste absolument que cette mesure ait quoi que ce soit à voir avec le manque de places dans l'enseignement supérieur – créations de places auxquelles, je le rappelle, le budget alloue 55 millions d'euros.

Je réaffirme une nouvelle fois ce à quoi le Premier ministre s'est engagé, que j'ai répété plusieurs fois et qui figure dans le dossier de presse : il n'y aura pas de généralisation de l'augmentation des droits d'inscription. Nous en resterons à ce qui a été défini : nous estimons qu'un tiers des étudiants internationaux présents sur le territoire sont capables de contribuer au système redistributif que nous mettons en place et qui est assorti de l'ensemble des mesures d'accompagnement que j'ai mentionnées.

Il nous paraît important que le plus de lycéens possible aient accès aux formations dispensées par les IFSI. Or les frais liés au concours et le coût des classes préparatoires nous semblaient assez dissuasifs pour un certain nombre d'entre eux. C'est pourquoi, en lien avec les instituts, nous avons souhaité que l'examen des dossiers se fasse par le biais de la procédure Parcoursup. Notre objectif est de réduire le coût d'entrée dans ces formations sans, évidemment, en amoindrir la qualité.

J'en viens à l'orientation qui démarre dès la classe de seconde et à la nouvelle réforme du baccalauréat. Comme il l'a démontré avec l'accès aux études de santé, le Gouvernement s'attache à rompre autant qu'il est possible avec le fonctionnement en silos de l'enseignement supérieur. Cela signifie que le choix de certaines spécialités en classe de première ou de terminale ne préfigurera en rien l'inscription dans l'enseignement supérieur ; simplement, chacun comprendra que quiconque veut entreprendre des études de santé après avoir suivi une première année de philosophie ou de droit devra acquérir quelques bases de biologie. C'est pourquoi les cursus peuvent se construire en majeures et en mineures : ce n'est pas parce que vous n'avez pas choisi initialement la biologie que vous êtes incapable de l'apprendre. Ce que nous essayons de faire, et qui commence à se mettre en place dans les établissements, c'est de prendre les jeunes avec les connaissances qu'ils ont et de déterminer comment construire les chemins qui les amèneront là où ils veulent aller. Ainsi en finira-t-on avec le déterminisme qui fait que, dès la classe de quatrième ou de troisième, on est rangé dans une case dont on ne peut plus sortir sinon avec une extrême difficulté. C'est pourquoi nous mettons en avant les campus où l'on considère l'apprentissage comme une autre forme de pédagogie et où l'on démarre par le savoir-faire pour aller vers le savoir. C'est pourquoi nous estimons que l'accès aux études de santé doit pouvoir se faire après d'autres premières années d'enseignement supérieur que l'actuelle première année commune aux études de santé (PACES) qui se conclut par un concours quelque peu archaïque. Chacun doit pouvoir trouver son chemin et se réaliser.

Les lycéens s'inquièteraient de ce qui a été qualifié de « restriction de l'accès à l'université ». Je me limiterai à redonner les chiffres sans les commenter : 27 000 bacheliers supplémentaires ont été accueillis dans les universités à la rentrée 2018. Je veux bien que l'on dise que nous avons restreint l'accès aux universités, mais je veux aussi que l'on rappelle ce nombre. Considérer qu'accueillir 27 000 bacheliers supplémentaires dans l'enseignement supérieur, c'est en restreindre l'accès, voilà une perception que je ne partage pas.

Les réponses automatiques n'auront rien d'obligatoire. On pourra utiliser cette possibilité si on le souhaite, ou continuer d'attendre que les réponses arrivent et mûrir sa décision, comme cela a été observé. Le phénomène a commencé d'être documenté sur une base seulement statistique, puisque le système n'est en place que depuis un an. Les sociologues membres du comité de suivi de la loi documenteront plus finement ce qu'ont demandé les lycéens et selon quelles modalités, pour nous aider à vérifier que l'application du dispositif correspond bien à la philosophie qui le sous-tend : supprimer, autant que faire se peut, biais social et autocensure.

S'agissant de la sectorisation, je reconnais sans tergiverser qu'avoir mis en place des aides à la mobilité dans la deuxième phase de la procédure était tardif ; je prends la responsabilité de ce défaut d'anticipation. Nous devrons indiquer dès le début l'existence des aides à la mobilité sur la plateforme Parcoursup comme on indique les places en internat, de façon que les jeunes construisent leur projet en sachant sur quelles aides ils peuvent compter. Nous consacrerons 30 millions d'euros à ces aides, un montant suffisant pour autoriser l'accompagnement le plus large possible et permettre aux futurs étudiants de se préparer à temps à quitter le domicile familial et à prendre leur autonomie.

Vous avez autorisé l'accès aux formations professionnelles et technologiques des bacheliers professionnels et des bacheliers technologiques en mentionnant dans la loi ORE l'existence de quotas, ce qui a profondément modifié les choses. La précédente législation faisait état d'une ambition énoncée en pourcentage ; vous avez souhaité que l'on passe d'une ambition à un quota, inscrit dans la plateforme Parcoursup. Cela signifie que l'on appelle prioritairement, jusqu'à un certain pourcentage, les bacheliers professionnels et les bacheliers technologiques dans les BTS et dans les IUT.

J'ai demandé aux équipes pédagogiques des STS et des IUT de travailler aussi à une offre de formation professionnalisante plus étoffée, à même de répondre à ceux des bacheliers généraux qui se sentent plus rassurés à l'idée de suivre des formations délivrant un premier diplôme dont ils savent qu'il leur donnera potentiellement accès au marché du travail. Se projeter dans des études longues, notamment quand on est issu d'une famille où personne n'en a suivi, est parfois compliqué, et l'on peut se dire qu'obtenir un diplôme à « bac+2 » ou à « bac+3 » est déjà bien. Et puis, il peut se trouver aussi parmi les bacheliers généraux des jeunes qui s'auto-censurent. Il faut donc prendre garde à ne pas se limiter à des associations lapidaires – « baccalauréat professionnel veut dire BTS », « baccalauréat technologique signifie IUT », « baccalauréat général implique licence » – sans offrir la possibilité d'une licence professionnelle, car le cursus « licence, master et éventuellement doctorat » peut effrayer certains bacheliers généraux. Il faut trouver l'équilibre nécessaire grâce à des passerelles ; je pense que les propositions qui émaneront de la concertation iront en ce sens.

Nous devons aussi nous pencher sur la manière dont nos écoles d'ingénieurs et nos écoles de commerce sont alimentées – et la réalité, c'est qu'elles le sont, pour beaucoup d'entre elles, par des étudiants ayant démarré leurs études en STS ou en IUT. Or nous n'avons pas trop d'ingénieurs ou trop de diplômés « bac+5 » en général, mais juste le nombre suffisant. En revanche, nous manquons de diplômés « bac+2 » et « bac+3 ». Nous devons donc établir davantage de passerelles pour ne pas perdre, si je puis dire, les jeunes gens qui veulent aller jusqu'à un diplôme « bac+5 ». Il faut pour cela leur donner la sécurité d'un premier diplôme professionnalisant de premier cycle de l'enseignement supérieur. Nous y travaillons, comme nous travaillons à la question de l'orientation, qui ne s'arrête pas au moment du baccalauréat mais qui se poursuit au long du premier cycle, au cours duquel s'affirment les choix des étudiants. J'ai rencontré de très nombreux étudiants qui visaient un DUT et qui, à l'issue de ce DUT, se sont dit : « Après tout, pourquoi ne pas aller jusqu'au niveau du master ? » Ce mouvement aussi doit être accompagné, car il contribue à la richesse de notre jeunesse et de notre pays.

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