Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Je me suis engagé dans cette mission parce que je voyais dans mon département et dans ma région, la Picardie, naguère surnommée le grenier à blé de la France, disparaître un certain nombre de terres agricoles au profit de pôles logistiques et plus généralement de béton, ce qui me saignait le coeur. L'équivalent d'un département français est artificialisé, c'est-à-dire bétonné, tous les sept ans ! À cela s'ajoutent, chez moi, un grand nombre de friches industrielles. Pourquoi, au lieu de construire de nouveaux bâtiments, ne pas rééquiper les bâtiments existants ?

Lors du déplacement à Toul, nous avons vu des bâtiments d'entreprises, d'hôpitaux, de gares laisser derrière eux des pertes d'emplois, des services en moins, de la taxe professionnelle en moins, et sur la revente desquels on cherche encore à faire du profit. Comme cette revente ne se réalise pas instantanément, on crée durablement des verrues au coeur des villes ou en banlieue dans les territoires. Il faut exercer une pression sur ceux qui partent, services publics ou entreprises privées, en créant une obligation de cession à la collectivité pour un euro symbolique.

L'après-midi, en Lorraine, lors d'une table ronde à la préfecture de Nancy, je notais ce propos du président de la chambre d'agriculture : « L'hémorragie de paysans continue, seulement un sur deux est renouvelé ». Sylvestre Chagnard, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), ajoutait : « Le phénomène s'accélère : en 2016, plus de la moitié des terres vont à l'agrandissement, moins de la moitié à l'installation. » J'ai alors relevé une contradiction entre des intérêts immédiats et individuels et un intérêt lointain et collectif. Les intérêts immédiats, ce sont les habitants qui veulent des pavillons avec des petits jardins, les agriculteurs qui veulent revendre leurs terrains au meilleur prix et qui ont tout intérêt à les rendre constructibles, les maires qui veulent être réélus immédiatement et qui cherchent à satisfaire leurs administrés.

Pour que prévale l'intérêt lointain et collectif sur cette somme d'intérêts individuels et immédiats, il faut d'évidence, pour moi, une loi foncière qui sorte, partiellement ou totalement, la terre du marché. Il faut des engagements et un calendrier pour une loi foncière, une loi pour lutter contre l'artificialisation et contre la spéculation, mais aussi une loi « pour » : pour protéger et partager, pour mener la transition écologique et pour maintenir ou développer une agriculture familiale et paysanne.

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