Intervention de Dominique Potier

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 16h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

M. Fugit nous a interrogés sur la vision globale. Au-delà des discours sur le partage de la terre, des questions socio-économiques auxquelles je suis attaché, de la volonté de privilégier ceux qui en ont besoin sur ceux qui en ont les moyens et de la régulation du marché foncier, une autre obligation morale, une urgence écologique s'impose aujourd'hui. Aujourd'hui, on ne peut plus dire qu'on ne sait pas. Nous savons que du foncier dépend la souveraineté alimentaire et la survie de l'humanité face au changement climatique. À la veille de l'effondrement, nous devons changer nos manières de penser.

Il ne faut pas, de façon théorique, opposer le rural peu dense à l'agriculture. J'ai eu la chance de travailler sur un SCoT, sur un établissement public de coopération intercommunale, sur des reconversions de friches industrielles, sur des partages de la terre. Partout les gens se sont mobilisés, et ils ne reviendront jamais en arrière. Il en va de même pour l'agroécologie : ceux qui la pratiquent ne reviendront jamais en arrière. M. Michel Heinrich, le président de la Fédération nationale des SCoT, explique qu'à chaque révision de SCoT, on passe du facteur 2 des propositions initiales de diminution du foncier constructible au facteur 4, et ce avec l'adhésion des élus, parce qu'ils ont intégré une culture de redécouverte de la valeur du foncier, d'autres manières d'habiter et d'autres qualités d'habitat. Ne créons pas de résistances hors de propos au regard de l'enjeu de la préservation du foncier, imaginons plutôt l'urbanisme du futur et des mécanismes financiers accessibles à tous.

Le livret vert vise, à l'instar du livret A, à créer une épargne populaire encadrée par l'État, ouvrant droit à des prêts bonifiés de long cours pour les trois familles d'acteurs que nous voulons privilégier sur le marché du foncier français. Il s'agit, entre le prix du fermage, le prix du livret vert et le prix des taux bonifiés, de créer un mécanisme de prix vertueux obéissant à une logique de capitalisme vertueux de long terme, à l'opposé du CAC 40 ou de la spéculation. Il s'agit pour l'État d'instaurer un système de juste économie, correspondant aux besoins du monde agricole et au renouvellement des générations.

Le lien avec la PAC est capital. On peut trahir le droit français, le déformer, le contourner, et être récompensé par plus de primes. Il s'agit de remettre le droit en cohérence, non seulement pour la France mais aussi pour l'ensemble des nations. Nous proposons une PAC qui privilégie les actifs et la régulation plutôt que la prime à l'agrandissement, qui est forcément un appauvrissement. J'insiste sur la dimension internationale du sujet. Les questions de la terre ne sont pas des questions nationales, mais des questions de souveraineté des peuples, et d'abord des paysanneries, pour répondre au défi alimentaire, au défi climatique et au défi de la biodiversité. Les régulations dures que je propose sur les sociétés, la définition de l'actif agricole et l'autorité publique ne sont pas contradictoires avec les innovations entrepreneuriales et territoriales engagées en France. Je doute que des clusters ou des volontarismes puissent répondre à un défi aussi important que celui que nous voulons relever. Si Debatisse, Pisani et le général de Gaulle avaient laissé faire l'agriculture, nous n'aurions pas le paysage et la force agricoles que nous avons aujourd'hui. Nous aurions un paysage de firmes, appauvrissant nos paysages, notre agriculture et notre biodiversité. Mon éloge de la régulation est tout à fait conforme à l'esprit d'entreprise et à l'esprit d'innovation des territoires.

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