– La cinquième génération de standards de téléphonie mobile, dite 5G, est annoncée comme une innovation de rupture. Face à un certain emballement, vos rapporteurs ont voulu identifier les enjeux technologiques réels derrière le concept quelque peu commercial de « révolution 5G ».
Les standards de téléphonie mobile ont pour origine le travail de normalisation effectué par l'Union internationale des télécommunications (UIT), agence des Nations unies spécialisée dans les technologies de l'information et de la communication. L'UIT s'appuie sur un groupe chargé des questions techniques et d'exploitation relatives aux radiocommunications. En 2013, ce groupe a commencé à préparer un nouveau standard IMT – International Mobile Telecommunications – appelé IMT-2020, comme il l'avait fait dans les années 2000 pour définir la 4G, qui porte le nom de standard IMT Advanced. L'UIT s'appuie sur un regroupement mondial d'organismes de standardisation en télécommunications, appelé le 3GPP – 3rd Generation Partnership Project.
La norme IMT-2020, ou 5G, répond à la question des limites de la 4G, tout en se situant dans le prolongement de celle-ci : elle ne correspond pas à un saut technologique de grande envergure. Il s'agit d'évoluer dans la continuité afin de relever les défis posés par les limites du standard actuel, qui sont l'engorgement des réseaux dans des zones à trafic ponctuel élevé, comme lors de grands rassemblements, l'incapacité à fournir un accès aux réseaux à une grande quantité d'objets connectés et l'existence de délais de latence.
Les technologies mobiles ont évolué au rythme des innovations technologiques et des demandes sociales : le déploiement de la 5G devrait ainsi accompagner l'ultra-connectivité de la société. La cinquième génération de standards de téléphonie mobile ira plus loin qu'une simple augmentation des débits. L'impact devrait être important non seulement en termes techniques, mais aussi pour l'économie et la société.
L'Office n'a pas souhaité aborder toutes les questions posées par la 5G. Les réseaux mobiles sont de plus en plus au coeur du quotidien de nos concitoyens, ce qui pose de nombreuses questions politiques, économiques, sociétales et de cohésion territoriale, notamment autour de leurs usages. Il incombera aux commissions des affaires économiques et du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat d'étudier précisément ces enjeux.
La connexion 5G en ultra haut débit permettra plus qu'une simple amélioration de la qualité de diffusion des vidéos en ultra haute définition ; elle garantira la couverture de besoins spécifiques dans des secteurs variés ainsi que les usages liés à l'internet des objets. Les communications entre une grande quantité d'objets connectés devraient être facilitées, dans le cadre de réseaux plus fiables, avec une très faible latence. L'innovation introduite par la 5G se situe d'abord à ce niveau : permettre des communications massives, quasiment en temps réel, grâce à l'optimisation des bandes de fréquence par des modulations numériques plus complexes et un meilleur pointage des faisceaux. Ces avancées doivent conduire à assurer la couverture de besoins spécifiques dans des secteurs parfois critiques. Je pense à l'énergie, tant au niveau de la production, du stockage que du transport d'énergie lui-même ; à la santé, avec la question des diagnostics médicaux et des opérations à distance en temps réel ou téléchirurgie ; et aux transports, parce qu'ils demanderont, à l'heure des véhicules autonomes, des temps de réaction très courts, surtout en cas d'accident. D'autres secteurs, comme les médias ou l'industrie, tireront profit de la 5G. La réalité virtuelle comme la réalité augmentée seront, en outre, facilitées.
Les initiatives pour développer la 5G sont nombreuses. La France s'oriente vers l'adoption de ce nouveau standard. En juillet 2018, a été publiée la feuille de route 5G de la France et le programme de travail correspondant de l'Arcep. Des expérimentations sont en cours depuis cet automne et une consultation publique sur l'attribution des bandes de fréquence vient d'être ouverte. En 2019, l'appel à candidatures pour les attributions de fréquences sera lancé.
Les incertitudes sont nombreuses quant au choix des bandes de fréquences, dont le spectre est très congestionné. Trois bandes sont envisagées, toutes au-dessus de la limite supérieure de la très haute fréquence, qui est de 300 mégahertz : 700 mégahertz ; 3,5 gigahertz et 26 gigahertz. Chacune d'entre elles présente des spécificités : la première a l'avantage d'une latence réduite, mais présente une capacité limitée ; la seconde ne peut pas couvrir tout le territoire et imposera de recourir en complément à des bandes basses pour assurer une couverture plus complète ; la troisième est très directive et ne fonctionne donc qu'en l'absence d'obstacles entre l'émetteur et le récepteur, ce qui convient davantage à la structure géographique et à l'habitat des États-Unis qu'à ceux de la France.
Ces trois bandes de fréquences sont déjà occupées, notamment par des utilisateurs gouvernementaux qui travaillent sur l'espace, la météorologie ou dépendent du ministère de l'intérieur ou de celui de la défense. Il faudra donc faire cohabiter la 5G avec ces réseaux ou les exproprier, puis les faire déménager au sein du spectre. Les choix à opérer sont complexes, car il faudra maximiser la mobilisation de la bande passante disponible et harmoniser ces choix au niveau international, ou au moins européen. La 5G ne va pas faire disparaître la 4G : ces réseaux vont coexister et, dans un premier temps, la 5G servira surtout à désengorger les réseaux 4G, qui saturent dans les zones de densité importante et à haut niveau de trafic. Après cette amélioration des performances, des changements qualitatifs pourront intervenir dans un deuxième temps autour de nouvelles fonctionnalités pour nos sociétés. Elles concerneront, en particulier, les usages liés au temps réel et à la gestion des objets connectés.
Les investissements pour les réseaux d'infrastructures seront importants. Des travaux seront nécessaires pour évoluer d'une antenne 4G à une antenne 5G. Ils sont toutefois à relativiser parce que le même support pourra être utilisé simultanément au travers de cellules dites multitechnologiques et parce qu'une grande partie des progrès en la matière seront virtualisés, c'est-à-dire qu'ils passeront plus largement par des couches logicielles que par des couches physiques. Ces investissements, tout type de réseaux confondu, ont d'ailleurs représenté, pour les opérateurs de télécommunications, 10 milliards d'euros pour les services fixes et mobiles en 2017, dont trois milliards d'euros pour les seuls mobiles. Cette virtualisation impliquera une certaine vigilance en termes de sécurité des réseaux.
Les préoccupations associées à l'exposition des particuliers aux ondes électromagnétiques des radiofréquences seront de plus en plus grandes à mesure que se développeront ces technologies, d'autant que l'impact de ces dernières sur la santé continue de faire l'objet de débats scientifiques. Les études menées ont reconnu les radiofréquences comme cancérogènes possibles, mais les effets biologiques observés n'ont pas encore apporté la preuve d'un risque certain sur l'homme en matière de cancérogénicité. Il faut noter, de plus, que les fréquences hautes, dont certaines seront utilisées par la 5G, pénètrent moins le corps humain, ce qui peut sembler, a priori, rassurant. Ces préoccupations légitimes appellent une plus grande transparence, afin de permettre un déploiement dans un climat de confiance.
En conclusion, l'Office formule les recommandations suivantes.
En matière de santé publique, il faut que le monde de la recherche, et en particulier l'Anses, dispose de données précises émanant des opérateurs et des constructeurs d'antennes, tant sur l'exposition et la durée d'exposition que sur les technologies utilisées par les antennes. Il convient aussi de garantir le financement de l'appel à projets de recherche de l'Anses sur les risques liés à l'exposition aux radiofréquences ; de poursuivre les expérimentations 5G en cours et de lancer dès 2019 des pilotes 5G « grandeur nature » ; et, enfin, de conduire des travaux de concertation avec les collectivités territoriales et les entreprises pour favoriser la mutualisation des réseaux et des conditions d'accès spécifiques au réseau 5G pour certains usages ciblés.