… alors qu'un tel argument ne peut être retenu cette année.
Pourtant, que n'avons-nous entendu durant l'été 2017 ! Le ministre de l'action et des comptes publics annonçait qu'il voulait « rendre la loi de finances initiale plus sincère » et « mettre un terme aux sous-budgétisations initiales qui jettent un doute sur sa sincérité ». Or, en matière de sous-budgétisation, nous en avons pour notre compte – le tout avec le soutien de la Cour des comptes, dont le silence sur la situation actuelle m'étonne.
Oui, votre budget est insincère. Pour rappel, l'article 32 de la loi organique relative aux lois de finances dispose : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. » Si l'insincérité budgétaire est conçue comme l'action qui consiste à inscrire dans la loi de finances des informations ou des données contraires à celles dont on a connaissance, il semble qu'il s'agisse là d'une insincérité budgétaire absolue.
Insincérité, d'abord, sur le niveau de déficit public. L'article liminaire de votre projet de loi de finances fait en effet apparaître un niveau de déficit public de 2,8 % du PIB pour 2019 alors qu'en même temps, le Premier ministre a annoncé hier, dans une interview aux Échos, un niveau de déficit à « 3,2 % pour 2019 ». Or, à l'heure où je vous parle, le Gouvernement n'a déposé aucun amendement tendant à inscrire dans la loi un niveau de déficit de 3,2 %.
Insincérité aussi en matière de niveau de dépenses publiques. Dans cette même interview aux Échos, le Premier ministre indique en effet : « Dans le cadre de l'exécution du budget 2019, nous devrons trouver d'1 à 1,5 milliard d'euros d'économies. » Or le projet de loi de finances pour 2019 que vous nous soumettez ne fait nullement état de ces nouvelles économies. Il y a donc trois solutions : soit vous faites des coupes sur la sécurité sociale sans le dire, ce qui fragilisera encore plus les hôpitaux et l'ensemble des soignants, soit vous ne faites pas ces économies supplémentaires, soit vous procédez à des gels de crédits sans le dire. Quel que soit le scénario que vous retiendrez, votre pilotage des finances publiques sera marqué du sceau de l'insincérité et du mensonge.
Insincérité également en matière de recettes. Le budget que vous imposez à votre majorité pour 2019 fait apparaître 414 milliards d'euros de recettes, qui incluent les 4 milliards d'euros de taxes énergétiques supplémentaires. Or, dans l'urgence, vous avez dû renoncer à ces 4 milliards d'euros, mais ces montants n'apparaissent toujours pas dans le projet de loi qui nous est soumis, notamment parce que le Sénat a rejeté votre amendement sur l'article d'équilibre, contestant vos calculs sur le coût des amendements qu'il a adoptés en première lecture.
Insincérité enfin – même si elle n'est pas de nature constitutionnelle – dans la conduite de votre dialogue avec les entreprises. Vous vous affichez en effet en gouvernement business friendly mais, chaque année, à moins de deux semaines de la clôture de leur exercice comptable, pour celles qui clôturent au 31 décembre, vous demandez aux entreprises quelques milliards d'euros supplémentaires – 5 milliards l'an dernier, sans doute 3 milliards cette année. Cette insincérité est tellement criante que le président de l'Assemblée nationale a été dépêché hier à votre secours pour dire qu'« il n'y aura pas de carabistouille » et que vous tiendrez vos promesses. Chacun sait bien que, quand on est obligé de tenir de tels propos, c'est sans doute pour masquer la réalité – celle, précisément, de vos carabistouilles.
Venons-en à l'injustice du budget 2019. Depuis votre premier budget, débattu à l'automne 2017, nous vous alertons sur l'injustice de votre politique économique, qui se solde aujourd'hui par son inefficacité. Nous vous avons alertés et vous avons proposé des solutions alternatives sérieuses, chiffrées, budgétisées, qui vous auraient évité l'écueil flagrant de l'insincérité budgétaire. Nos deux propositions de contre-budget pour 2018 et 2019 étaient construites autour du fil conducteur suivant : réduire les inégalités et soutenir la reprise économique. Après dix-huit mois d'exercice du pouvoir, les résultats sont là : vous avez accru les inégalités et dégradé la reprise économique.