Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 17 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Commençons par ce dernier point. Vous avez hérité, en 2017, d'une économie générant 2,2 % de croissance économique, c'est-à-dire capable de créer de la richesse supplémentaire. Vous êtes en train de la faire plonger car, cette année, la croissance économique devrait se situer autour de 1,5 %. Elle est désormais très lointaine, la période où vous pouviez écrire, dans le programme de stabilité 2018-2022, que la reprise à l'oeuvre en 2017 résultait du « retour de la confiance des milieux économiques suite à l'élection présidentielle de mai 2017 ». La différence entre 2,2 % et 1,5 % de croissance est de l'ordre de 17 milliards d'euros. En d'autres termes, si l'économie française avait continué sur sa lancée, elle aurait créé 17 milliards d'euros de richesses de plus en 2018, ce qui aurait permis d'engranger dans les caisses publiques près de 8 milliards d'euros de recettes en plus.

Cette chute de la croissance vous est imputable et vous ne pourrez pas vous en dédouaner. Ce que vous avez mis en oeuvre semble témoigner d'une méconnaissance des mécanismes et des ressorts de notre économie. En France, la croissance économique a trois moteurs : la consommation interne, qui contribue pour 60 % à la création de richesse ; le commerce extérieur, pour 20 % ; l'investissement, pour 20 %. Or votre politique économique n'a activé aucun de ces trois moteurs. Il n'est donc pas étonnant que nous subissions un ralentissement de la croissance économique. Pire, par endroits, vous avez fragilisé celui de ces moteurs qui compte le plus dans notre création de richesse : la consommation interne.

Cette dernière, vous l'avez fragilisée avec votre politique fiscale, en réduisant drastiquement le pouvoir d'achat des 8 millions de retraités qui, au 1er janvier 2018, ont subi la hausse de la CSG, ou celui des 15 millions de nos concitoyens qui n'ont d'autre choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler tous les jours et à qui vous avez fait supporter cette année 3,7 milliards d'euros de hausse de fiscalité énergétique. Je rappelle que, sur le quinquennat, vous vouliez leur faire supporter 55 milliards d'euros de plus.

Ce montant de 55 milliards d'euros était tellement délirant qu'ici même, le 17 octobre dernier, votre ministre d'État, François de Rugy, m'a accusée de « faire peur aux Français en agitant des chiffres énormes », comme s'il fallait cacher ces derniers et surtout comme si vous pensiez que les Français pourraient ne pas s'en rendre compte par eux-mêmes. Oui, ces chiffres étaient énormes, mais ils étaient justes – ils ne faisaient que refléter la réalité du quotidien de nos concitoyens – et, face à la mobilisation des gilets jaunes, vous avez dû vous rendre à l'évidence.

Résultat des courses : avec votre politique économique, la croissance et la consommation des ménages français ont reculé en 2018.

Quant à la balance de notre commerce extérieur va connaître un nouveau record de son déficit, avec un montant avoisinant sans doute les 65 milliards d'euros. Bien sûr, le prix de l'énergie pèse négativement dans cette balance, mais il existe aussi des facteurs sur lesquels nous pouvons agir et sur lesquels, depuis dix-huit mois, vous n'avez pas fait grand-chose. Ainsi, lors de la discussion budgétaire, vous avez refusé tout ce qui pouvait soutenir l'exportation des PME et des ETI, comme le crédit d'impôt pour l'embauche d'une personne dédiée à l'export ou pour les dépenses de prospection commerciale.

L'investissement, enfin, souffre lui aussi d'un manque de dynamisme. Cela n'a d'ailleurs pas échappé à France Stratégie, qui lui a dédié cet automne un rapport cosigné, entre autres, par Louis Gallois. Deux observations apparaissent : l'investissement est concentré sur un nombre restreint de grandes entreprises, ce qui laisse les PME et les ETI en dehors de la dynamique ; en outre, l'investissement des entreprises françaises dans les machines et équipements est plus faible que celui des entreprises des autres pays européens. Là aussi, vous avez refusé de poursuivre le suramortissement de 40 % que notre majorité avait précédemment voté.

En faisant passer notre économie sous la barre des 2 % de croissance, vous la faites entrer dans une zone dangereuse où la dynamique de création d'emplois ne suffit plus pour faire baisser le chômage. En somme, depuis dix-huit mois, vous dilapidez, de votre seul fait, les avancées dont vous avez hérité en matière de croissance et de finances publiques.

J'en viens à l'injustice qui caractérise votre politique fiscale. Depuis 1981, il existe un pacte républicain en vertu duquel les Français détenteurs des patrimoines les plus élevés contribuent à la cohésion nationale par l'impôt de solidarité sur la fortune. Au cours des trente dernières années, ce pacte a été rompu une seule fois : en 1986. Que vous le vouliez ou non, messieurs les ministres, ce pacte fait partie de notre ADN républicain, qui commande le consentement à l'impôt. En le rompant, vous rompez le consentement à l'impôt et fragilisez par conséquent la cohésion de notre pays. Si vous avez la curiosité de consulter quelques cahiers de doléances rédigés par les gilets jaunes, il ne pourra vous échapper que cet aspect fait partie des premières revendications. Consentir à l'impôt ne peut se faire qu'avec un certain niveau de justice sociale et avec l'assurance que chacune et chacun sont réellement mis à contribution. Or la réalité est que la quasi-suppression de l'ISF rapportera au 1 % des Français les plus aisés 71 000 euros de cadeaux fiscaux sur la durée du quinquennat.

Permettez-moi, messieurs les ministres, de finir par une anecdote pour illustrer cette casse du pacte républicain. Comme de nombreux collègues ici présents, je rencontre les gilets jaunes. Voyez-vous, sur les ronds-points, j'ai rencontré de nombreux anciens emplois aidés, qui, à la suite de votre décision du mois d'août 017, se sont retrouvés sans emploi. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, nous sommes passés de 2 200 créations d'emplois par an à moins de 500 ; …

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