Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du lundi 17 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Permettez-moi tout d'abord de revenir sur le scandale de Ford Blanquefort, parce que c'est aussi dans l'actualité et en lien avec l'utilisation de l'argent public. « Trahison » : monsieur le ministre, vous avez lâché le mot et il est bien choisi pour décrire la scandaleuse décision du groupe américain. À la veille de Noël, 850 personnes privées d'emplois ! Vous êtes révolté, écoeuré ? Nous aussi !

Oui, mais une fois qu'on a dit cela, que fait-on ? Combien de temps supporterons-nous encore de tels camouflets ? Combien de temps tolérerons-nous que les grands groupes mondiaux empochent des millions d'euros d'aides publiques – pour le groupe Ford, cela s'élève à 45 millions d'euros ces dernières années, dont 8 millions au titre du CICE – tout en refusant de vous répondre et même de vous prendre au téléphone ? Cette désinvolture n'a que trop duré, car il y a Ford, mais il y a aussi General Electric, qui promet à la France de créer 1 000 emplois avant d'en détruire des centaines puis de renoncer avec cynisme à ses engagements initiaux. Il y a aussi Carrefour, qui engrange 134 millions d'euros au titre du CICE en 2016 – montant donné par les syndicats et jamais contesté par la direction – , avant de mettre en oeuvre le plan de destruction de l'emploi que l'on connaît.

Oui, ils sont nombreux ceux qui se moquent ouvertement de l'État sans jamais subir de sanction. Alors, monsieur le ministre, allez au bout de votre colère légitime. Jeudi, vous avez déclaré que vous étiez écoeuré par le choix de Ford, qui ne se justifie que par « sa décision de faire monter son cours en bourse ». Nous vous proposons une solution : remettre à l'ordre du jour la proposition de loi contre les licenciements boursiers que les députés communistes ont déposée en 2012. Exigez aussi le remboursement de toutes les aides versées en pure perte aux grands groupes qui délocalisent. Ce seraient autant de recettes nouvelles pour notre budget.

Vous avez fait de la maîtrise du déficit budgétaire l'alpha et l'oméga de votre politique, vous venez de le rappeler ici. Mais où est la logique quand on lâche dans la nature 40 milliards d'euros de CICE sans le moindre fléchage, sans la moindre exigence de résultat pour notre économie, pour l'emploi, alors que des services publics sont en tension, comme nos hôpitaux ?

Vous voyez bien, avec Ford et General Electric, que les promesses n'engagent que ceux qui les croient. L'argent public versé à ces grands assistés de la République ruisselle en fait dans le portefeuille des actionnaires. Voilà pourquoi il faut remettre à plat votre politique fiscale. Les gilets jaunes aujourd'hui et les syndicats avant eux ne demandent rien d'autre, et c'est pourquoi nous demandons le renvoi en commission de ce budget injuste pour la majorité de nos concitoyens – mais pas pour une minorité d'entre eux. Et pourtant, malgré ce qui monte dans le pays, en nouvelle lecture, dans le projet de loi de finances, il n'y a toujours rien pour augmenter les recettes.

Il n'y a rien sur l'impôt de solidarité sur la fortune, devenu pour vous un véritable totem auquel il serait sacrilège de toucher. C'est pourtant un des moyens de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État, au nom de la solidarité, l'un des piliers de notre République. Nous demandons son rétablissement depuis des mois, et nous sommes tellement satisfaits de voir que cette demande est enfin reprise par une majorité des Français – mais pas par la majorité de cette assemblée. Vous ne touchez pas à l'ISF alors qu'en 2017, les 358 700 redevables à cet impôt affichaient un patrimoine de 1 028 milliards d'euros ! Vous croyez vraiment qu'ils sont à 3 milliards ou 5 milliards d'euros près ? En revanche, pour le budget de l'État, c'est un sacré trou dans le tapis : 5 milliards d'euros manquants, c'est 40 % du budget total de l'enseignement supérieur. C'est pourtant aux étudiants étrangers de payer des frais d'inscription en hausse pour compenser des trous dans leur budget, et c'est pour cela que nos étudiants manifestent aussi.

Il n'y a rien non plus, en nouvelle lecture, dans votre projet de loi de finances, pour rétablir une fiscalité plus juste sur le capital. Vous nous parlez tous les jours du coût du travail, ça, on l'a bien compris. Mais on a compris aussi que votre grande priorité, c'est alléger la fiscalité du capital. Et voilà le résultat : selon l'INSEE, en 2018, l'industrie française continue de perdre des parts de marché et des emplois, avec 2 600 emplois supprimés au cours des six premiers mois de l'année.

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