Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du lundi 17 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Gageant que le rapport de force créé par les gilets jaunes serait de nature à renouer le dialogue, je voudrais vous soumettre un budget qui pourrait répondre à la double et légitime demande de ces derniers : la justice fiscale – ce n'est pas nécessairement moins d'impôt – et des services publics en nombre suffisant. Le présent texte ne répondant à aucune de ces deux exigences, je montrerai comment instaurer un budget d'un nouveau type.

Le vôtre s'obstine à appliquer le principe d'une politique fiscale allégée pour les plus riches, les entreprises du CAC 40 et leurs actionnaires, qui n'auront même pas à assumer la fameuse hausse de 100 euros annoncée. Il prive donc l'État de recettes importantes et, par conséquent, de services publics de qualité.

L'aumône de 100 euros accordée aux citoyens, par une augmentation déjà prévue de la prime d'activité et par la défiscalisation des heures supplémentaires, ne fera qu'empirer le mal, sans parler du non-respect de la règle des 3 %, si chère au Gouvernement. Nous ne savons pas comment vous parviendrez à résoudre cette équation.

On pourrait pourtant emprunter un autre chemin, qui permettrait de satisfaire cette double exigence citoyenne, tout en équilibrant le budget de la nation. Conjuguer une fiscalité plus juste et davantage de recettes est en effet possible.

Pour cela, il faut d'abord taxer le capital et la finance. Rétablir l'ISF et les droits de succession, supprimer la flat tax et taxer davantage les transactions financières, cela rapporterait 14,5 milliards. Avec ces recettes nouvelles, on pourrait financer une hausse du RSA – le revenu de solidarité active – et du minimum vieillesse à hauteur de plus de 1 000 euros, et rétablir le pouvoir d'achat des fonctionnaires en rattrapant le gel du point d'indice.

Outre la fiscalité sur le capital, la justice fiscale impose de rendre l'impôt sur le revenu plus progressif, en instaurant un barème de quatorze tranches, ce qui amènerait dans les caisses de l'État 10 milliards supplémentaires, avec lesquels on pourrait rénover nos universités, construire 15 000 logements étudiants et 200 000 logements publics, dès 2019.

Alors que les gilets jaunes protestent contre la vie chère, il est temps de taxer davantage les produits de luxe. Cela rapporterait 5 milliards, de quoi ouvrir 10 000 places en maisons de retraite ou 70 000 places en crèches, par exemple.

Enfin, on invoque un légitime souci écologique. Pourquoi ne pas abroger la niche fiscale sur le kérosène, ce qui permettrait de récupérer 3,5 milliards ?

Nous vous avons ainsi présenté un ensemble de mesures qui permettraient de récupérer 52 milliards.

Monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen en nouvelle lecture du projet de budget 2019, vous auriez dû vous saisir de l'une ou l'autre de ces propositions. Malheureusement, vous n'en ferez rien. Certains des amendements présentés et refusés en commission n'ont d'ailleurs pas pu être déposés à nouveau en séance.

La justice fiscale réclamée à cor et à cri par le pays, je l'ai dit, ce n'est pas plus ou moins d'impôt : c'est un impôt mieux réparti, servant à financer des oeuvres utiles à la collectivité et assurant la dignité et les droits sociaux de chacun. À l'inverse de ce que vous faites, il s'agit de graver dans le budget cette revendication de bon sens des gilets jaunes : que les gros paient gros et les petits, petit.

Mais ce mouvement, qui agrège et agite toutes les classes, ne se nourrit pas seulement de l'indignation fiscale. Il traduit aussi le sentiment d'impuissance dans lequel les citoyens se trouvent confinés, un sentiment que l'on peut parfois ressentir au sein de cet hémicycle. La revendication d'un référendum d'initiative citoyenne est le symptôme le plus manifeste d'une démocratie représentative ne représentant plus grand monde, sinon quelques fortunés. Dans l'histoire de France, rappelez-vous, mes chers collègues, l'exaspération fiscale a souvent été le point de départ de grandes conquêtes démocratiques.

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