Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 17 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Le Premier ministre, dans Les Échos, a évoqué une fourchette comprise entre 3,5 et 4 milliards. Ils proviennent, pour 2,5 milliards, d'une augmentation de recettes, issue notamment de l'impôt sur les sociétés, des taxes GAFA – dont on attend le contenu avec impatience – et d'une révision de la niche Copé, pour 200 millions d'euros. En revanche, du 1 à 1,5 milliard d'économies, on ignore tout : nous sommes donc impatients sur ce point car vous n'en avez rien dit dans votre intervention, monsieur le ministre.

Tout cela se solderait par un déficit de 3,2 %. Vous avez toutefois oublié que la situation économique, tant en France qu'à l'étranger, se dégrade, non seulement de manière ponctuelle – de l'ordre de 0,1 point selon vos estimations – à la fin de l'année 2018, mais également pour 2019. La Banque de France elle-même estime que la croissance atteindra 1,5 point à la fin de l'année 2018 et qu'il en sera de même l'année prochaine – certains prévoient même 1,3 – , alors que vous aviez prévu deux fois 1,7. Si vous ajoutez l'impact sur nos recettes d'une moindre croissance, le déficit atteindra 3,4 points avec, non plus une réduction, mais une augmentation du déficit structurel.

Deuxième critère : ce budget est-il économiquement efficace ? Il serait, paraît-il, favorable aux entreprises puisqu'il se traduirait par 18,8 milliards supplémentaires en leur faveur. C'est tout à fait inexact, car vous intégrez, pour atteindre cette somme, les 20 milliards du basculement du CICE en exonérations de charge, opération qui n'aura aucune incidence sur le résultat des entreprises puisque la baisse des charges a déjà été comptabilisée dans leurs comptes de 2018. En 2019, il s'agira donc, pour elles, d'une simple opération de trésorerie, et l'on dit d'ailleurs que vous envisageriez d'en revoir le montant à la baisse : on évoque entre 2 et 3 milliards, mais vous n'en avez rien dit dans votre propos liminaire.

Sur les 4 milliards d'économies, 2,5 milliards proviennent déjà, je l'ai dit, d'impôts supplémentaires sur les entreprises, somme qu'il faut donc ajouter à celle qui résulte de la différence entre 18,8 milliards et 20 milliards, soit 1,2 milliard. De plus, à en croire l'interview du Premier ministre dans Les Échos, de 1 à 1,5 milliard d'euros d'économies pourraient être réalisées via la fiscalité qui pèse sur les entreprises, si bien que l'on se dirige, en 2019, vers une aggravation de leurs charges fiscales et sociales et vers une réduction des aides dont elles bénéficient.

Troisième critère : la transition énergétique. Avec le mouvement des gilets jaunes, nos concitoyens ont clairement exprimé un ras-le-bol fiscal, d'autant que la hausse massive, initialement prévue, de la fiscalité énergétique frappait davantage les familles modestes, chez lesquelles la part des dépenses énergétiques est beaucoup plus importante que chez les familles les plus aisées. Une transition écologique, pesant proportionnellement davantage sur le pouvoir d'achat des familles modestes, fait courir le risque d'un rejet populaire. C'est ce qui s'est passé avec les gilets jaunes.

Face à la mobilisation des gilets jaunes, vous avez reculé et annoncé la suppression de la hausse des taxes sur les carburants, pour un coût de 3,9 milliards d'euros en 2019. Je constate que cette suppression est valable pour les trois années à venir car, en commission des finances, votre majorité a accepté le maintien de dispositions votées par le Sénat. J'espère que vous resterez sur cette position, monsieur le ministre, puisque les Français le demandent. En commission des finances, certains membres de la majorité ont rappelé que ce qu'une loi de finances faisait, une autre loi de finances pouvait le défaire. Nous attendons donc vos éclaircissements sur ce sujet.

Troisième critère : la justice sociale. Vous présentiez ce projet de loi de finances comme celui de l'augmentation du pouvoir d'achat des ménages. Vous avez donc annoncé la défiscalisation des heures supplémentaires, ainsi que leur « désocialisation » – j'ai horreur de ce terme, qui revêt pour moi un tout autre sens. Vous revenez ainsi à ce qui avait été fait du temps du président Sarkozy, ce qui est d'ailleurs assez savoureux. Monsieur le ministre, vous connaissez très bien l'Ancien Testament, ainsi que cette célèbre phrase : « Brûle ce que tu as adoré. » Vous faites l'inverse : vous adorez ce que vous avez brûlé. C'est tout à fait original, mais à tout pêcheur miséricorde !

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