Cela a été dit à plusieurs reprises : cette nouvelle lecture du PLF pour 2019 est tout bonnement extraordinaire au sens littéral du terme, et même doublement extraordinaire : elle ne relève pas de la formalité habituelle, et elle s'inscrit dans le cours d'un événement historique, le cours de l'insurrection d'un peuple qui a refusé en bloc, quoi que vous en disiez, la logique de votre budget.
Cette nouvelle lecture doit donc enregistrer, et c'est son utilité première, ce que je considère comme la première grande victoire des gilets jaunes, c'est-à-dire le recul sur l'augmentation de la taxe carbone. Cela me permet de rendre hommage, une fois de plus, à ce mouvement, finalement le premier mouvement social depuis l'élection d'Emmanuel Macron à être parvenu à défaire votre politique. C'est le sens de l'article 18 terdecies – drôle de nom pour passer à la postérité ! – , que notre groupe votera évidemment sans réserve.
Pour le reste, ce budget n'est pas à la hauteur. Il consiste, dans une large mesure, en un bricolage. Et c'est normal puisque, malgré une situation qui le remet en question de manière globale, le Gouvernement a décidé de garder le cap coûte que coûte, faisant mine de ne pas comprendre ce que lui dit le peuple. Là où le peuple vous dit, ainsi qu'à vos collègues : « Stop aux injustices fiscales », vous entendez : « Moins d'impôts » tout court. Là où le peuple vous dit : « Plus de services publics et plus d'égalité sur le territoire », vous entendez : « Moins d'État », alors que c'est l'outil par excellence de la redistribution, des services publics, de l'égalité garantie à toutes et à tous.
Là où le peuple dénonce la vie chère, les trop faibles revenus du travail, les privilèges, vous entendez : « Pas touche au capital. » D'où une politique étonnante, qui varie d'ailleurs de jour en jour puisque, entre les annonces du chef de l'État la semaine dernière et celles d'Édouard Philippe ce matin, le moins que l'on puisse dire, c'est que la prime d'activité n'est plus tout à fait la même, mais cela évite de poser la nécessaire question de l'augmentation des salaires et, plus globalement, des revenus du travail.
Ce budget est donc fait de bric et de broc, au point d'aboutir à une caricature de débat. Sans doute êtes-vous encore trop subtils et trop intelligents pour être compris – pour reprendre les propos extraordinaires tenus par M. Le Gendre ce matin – , que les groupes d'opposition ne pourront même pas défendre les solutions alternatives qui avaient pourtant évidemment un sens particulier au regard du coût de l'annulation de l'augmentation de la taxe carbone comme, par exemple, le rétablissement de l'ISF, la création d'une taxe kérosène ou la remise en cause de la flat tax.
Sans doute était-ce trop pour vous que de considérer que ce débat devait se faire devant le peuple ?