Il est pourtant bien évident que la perte de recettes occasionnée par ces cadeaux fiscaux aux plus riches est compensée aux dépens des plus modestes et des territoires les plus fragiles, soit par des mesures d'économies, sur les emplois aidés ou sur la baisse des APL, par exemple, soit par de nouvelles recettes, comme la hausse du taux de CSG pour les retraités et la forte hausse de la fiscalité écologique.
Vous avez complètement déséquilibré l'impôt, le rendant aussi injuste qu'inacceptable. Vous avez également plongé nos concitoyens les plus modestes dans l'angoisse des fins de mois difficiles. Oui, avec ces deux mesures, vous privez le budget de l'État de 5 milliards d'euros de recettes, au bénéfice du 1 % de nos concitoyens les plus riches, et pas de n'importe quels riches. Il ne s'agit pas des riches de nos campagnes, ceux que l'on connaît parce qu'ils y possèdent des maisons, des bois, des terres, ceux aussi que l'on respecte aussi parce qu'ils sont ancrés dans nos territoires, qu'ils y investissent et qu'ils y prennent souvent des responsabilités. Non, ce sont les riches du monde de la finance que vous favorisez, et pour une seule raison : éviter qu'ils quittent notre pays. Vous favorisez en quelque sorte ceux qui préfèrent le fric à la France !
Ne croyez-vous pas qu'avec une telle mentalité, il y aura toujours un pays prêt à surenchérir pour les accueillir ? Vous dites à ces gens-là : achetez autant d'actions que vous voulez, ça n'entrera pas dans l'assiette de votre l'ISF et, en plus, vous bénéficierez d'un allégement sur les bénéfices de ces mêmes actions.
Vous créez également la flat tax, c'est-à-dire le plus injuste des impôts. Vous savez pourtant que la justice d'un impôt repose d'abord sur une assiette large ainsi que sur une progressivité supportable, en lien avec les revenus auxquels il s'applique. Or, avec cette flat tax, vous faites tout le contraire : une assiette qui ne concerne que les revenus du capital et un prélèvement forfaitaire unique.
En deux mots, le taux d'imposition est unique – 12,8 % – quel que soit le montant de vos revenus du capital, et ce taux est inférieur à celui de la première tranche des revenus du travail, soit 14 % : qu'y a-t-il de plus scandaleux ? Et vous prétendez que le travail doit payer !
Après vous être privés de 5 milliards d'euros de recettes avec la suppression de l'ISF et la création de la flat tax, vous amputez ce projet de loi de finances pour 2019 de 20 milliards au travers de la transformation du CICE en réduction de charges. Il s'agit en premier lieu d'une double dépense qui aurait pu être évitée – partiellement ou totalement – sans pénaliser l'entreprise, en décalant tout simplement la date d'application de réduction des charges de quelques mois.
En second lieu, ce dispositif a été évalué : il n'y a donc rien d'illogique à le revisiter pour le réorienter, comme cela vous a été proposé, sur les TPE et sur les PME ainsi que sur la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise.
Il est quelquefois nécessaire d'avoir l'humilité d'évaluer, de constater des inefficacités, d'écouter et de rectifier des dispositifs que l'on a eu la responsabilité de mettre en oeuvre : il n'y a pas à en rougir, l'essentiel étant de rester fidèle à ses convictions.
Parlons maintenant de la méthode, du rythme, du ton : l'ambiance de cette période budgétaire aura été marquée de l'ADN du macronisme, c'est-à-dire par un rythme infernal aux dépends d'un examen sérieux, qui aurait pourtant été indispensable à l'écoute des propositions de l'opposition.
Nous aurons aussi subi, depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances pour 2019, l'expression de la majorité : teintée de beaucoup de suffisance et de beaucoup d'assurance, elle a, presque chaque fois, abouti à un rejet en masse de toutes les propositions émanant des rangs de l'opposition. Évidemment, dans de telles conditions et avec de tels dispositifs, cette période budgétaire ne pouvait que former le creuset d'une exaspération populaire.
Nous aurons l'occasion, au cours de cette nouvelle lecture, de débattre de vos nouvelles propositions. Nous ne tarderons pas, encore une fois, à nous apercevoir que vous êtes en décalage avec les aspirations du peuple. Dans vos propositions, rien n'est clair et tout divise. Vous aurez certainement, cette fois encore, la suffisance de penser ou de vous persuader que tout va bien : cela serait une grave erreur.
Nous vous proposons de réorienter les 25 milliards d'euros en reprenant aux riches plutôt qu'en alourdissant la dette de nos enfants, en récompensant celles et ceux qui travaillent ou qui ont travaillé dur, pour qu'ils puissent simplement sortir de l'angoisse des fins de mois et, pourquoi pas, profiter de petits moments de bonheur simple.
Prenez le temps d'entendre nos propositions : vous en sortirez grandis et vous redonnerez ainsi du sens à la démocratie représentative qui en perd chaque jour de plus en plus, au profit d'une demande croissante de démocratie participative.