Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 17 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Nous commençons aujourd'hui l'examen en nouvelle lecture d'un projet de loi de finances pour le moins paradoxal.

Paradoxal, il l'est car nous allons nous prononcer sur un budget dont les annonces faites en matière fiscale et sociale le 10 décembre dernier par M. Macron pour tenter de répondre au mouvement des gilets jaunes vont bouleverser l'équilibre. Paradoxal, il l'est encore car ces mêmes annonces modifient la trajectoire des finances publiques, notamment le déficit budgétaire inscrit dans ce projet de loi de finances : il devrait passer de 2,8 % à environ 3,2 % du PIB.

Paradoxal, enfin, ce texte l'est en ce que certaines mesures décidées par le chef de l'État avaient été présentées par les députés de l'opposition, mais rejetées par la majorité et le Gouvernement en première lecture. Voilà, vous l'admettrez, de quoi susciter quelques interrogations, voire des discussions ubuesques !

Bref, nous allons discuter aujourd'hui d'un texte déjà obsolète, ce qui pose, d'autres orateurs l'ont dit avant moi, un réel problème de sincérité.

Tout au long des discussions sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, l'opposition n'a cessé de vous alerter sur l'injustice de vos propositions, mais votre arrogance a primé.

La hausse des taxes sur le carburant en est malheureusement l'exemple le plus criant. Si vous aviez écouté opposition et Sénat, nous n'en serions sûrement pas là. On peut dire que nos collègues du jardin du Luxembourg ont eu le nez fin puisqu'en 2018 déjà, ils avaient voté la suppression de cette hausse, craignant qu'elle ne soit « déraisonnable » et ne fasse naître une nouvelle vague de « bonnets rouges ». Les bonnets sont devenus gilets et le rouge a viré au jaune, mais à ces détails près, la Chambre haute ne s'est guère trompée !

Quant à l'exonération des heures supplémentaires, nous étions nombreux, sur ces bancs, à la réclamer. Il faut croire que Nicolas Sarkozy a su être plus convaincant que nous tous réunis, puisque, finalement, le 10 décembre dernier, le Président de la République annonçait des heures supplémentaires « sans impôts ni charges dès 2019 ». Or voilà qu'en commission, la majorité a voté contre les amendements allant dans ce sens au motif que le dispositif figurera dans le projet de loi annoncé pour mercredi. Bref, on marche sur la tête.

Venons-en au prélèvement à la source. Vu le contexte social actuel, vous risquez fort, si vous n'en décidez pas le report, de susciter une fois encore l'ire de nos concitoyens. D'après vous, quelle sera la réaction des Français qui réclament davantage de pouvoir d'achat lorsqu'ils verront, fin janvier, que l'impôt a été prélevé directement sur leur feuille de paie et que, partant, leur salaire net a diminué ?

Même si cette question concerne le PLFSS, je ne peux évidemment pas laisser de côté les retraités. Ils ont été les premiers sacrifiés du fait de votre décision d'augmenter la CSG de 1,7 point. Alors que, selon leurs propres mots, ils ne s'en sortent plus, le Président de la République qualifiait encore, il n'y a pas si longtemps, de « retraités aisés » ceux qui gagnent 1 200 euros par mois ! II a fallu qu'ils battent le pavé, eux aussi, pour que, finalement, M. Macron fasse marche arrière – et c'est tant mieux ! S'il me reste la moindre chance d'être entendue ce soir, je n'aurai qu'une seule requête : déplafonnez les pensions de retraite.

Enfin, contrairement à ce que M. Macron a laissé entendre, ce n'est pas une hausse directe du SMIC qui sera appliquée, mais une hausse de la prime d'activité. Or, contrairement à une hausse du SMIC, celle-ci peut être supprimée et ne comptera pas pour le calcul de la pension de retraite. En outre, tous les bénéficiaires du SMIC n'y auront pas droit, puisque ce sont les revenus du foyer, et non ceux du salarié seul, qui sont pris en compte dans le calcul de la prime d'activité.

Le président de notre assemblée a affirmé, s'agissant de cette mesure : « Il n'y aura pas de carabistouille ». Pourtant, voilà que nous apprenons que le projet de loi qui sera présenté mercredi en conseil des ministres prévoit que « le bonus individuel de la prime d'activité sera augmenté de 90 euros au niveau du SMIC » : 90 euros, ce n'est pas 100 euros ! Le subterfuge consiste à y ajouter la revalorisation du SMIC qui devait de toute façon entrer en vigueur au 1er janvier. Ça commence très mal ! Et c'est sans parler de la mise en oeuvre effective de la mesure : là encore, c'est la cacophonie !

Bref, le compte n'y est pas. La bonne nouvelle annoncée ce matin par le ministre de l'économie et des finances s'agissant de la taxation des géants du numérique, les fameux « GAFA », à partir du 1er janvier et sur une base élargie, ne suffira malheureusement pas.

La politique, c'est « l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ». Cette fois, les gilets jaunes auront fait mentir Paul Valéry – et c'est tant mieux !

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