Intervention de Marielle de Sarnez

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères :

Merci à Laetitia Saint-Paul pour son excellent rapport. Comme elle, je suis favorable à un scrutin organisé dans un cadre national unique pour l'élection du Parlement européen. Cela permettra enfin d'organiser le grand débat national – dont nous avons tant besoin – sur le projet de la France pour l'Europe. Car, nous le savons tous, notre démocratie est placée devant l'un des plus grands choix de son histoire. C'est pourquoi il est nécessaire et légitime que le débat retrouve le forum national et que tous les électeurs de notre nation soient invités à y participer ensemble. C'est comme cela que nous pourrons renouer avec l'idéal européen. Je crois aussi qu'il faudra aller plus loin en favorisant demain l'émergence de listes européennes pour permettre un véritable débat démocratique à l'échelle de l'Union.

Mais derrière la question du mode de scrutin, c'est bien celle de l'avenir de l'Europe qui est posée. L'Europe vit une crise de confiance et des doutes croissants s'expriment quant à son avenir. Notre Europe connaît des disparités économiques et sociales fortes entre États et entre régions. Ainsi, l'Italie, l'Espagne ou la Grèce affichent des taux de chômage encore supérieurs à 15 %, dont les jeunes sont les premières victimes. Dans ces pays, comme dans d'autres, le niveau de vie des citoyens ne progresse pas, bien au contraire. À ces fragilités viennent s'ajouter les incertitudes suscitées par le Brexit : incertitude économique de part et d'autre de la Manche, qui pourrait peser sur des investissements qui demeurent précaires ; mais aussi incertitude politique avec la situation exigeante de l'Irlande du Nord, où rien ne doit être fait qui risquerait de fragiliser le difficile chemin de paix issu des accords du Vendredi saint.

Devant tant d'incertitudes, l'unité, la cohérence et la solidité de l'Union sont mises à mal par le jeu d'influence des grandes puissances qui, ne nous y trompons pas, veulent l'Europe divisée. Mais nous, Européens, si nous regardons l'état du monde qui nous entoure, nous voyons bien que l'Europe est la seule voie crédible vers une réelle souveraineté.

La capacité d'influence d'une nation comme la nôtre, de taille moyenne et d'ambition universelle, dépend aujourd'hui plus que jamais de la construction d'une Union européenne au sein de laquelle la France compte, et qui compte enfin dans le monde.

Du Sahel au Moyen-Orient, notre voisinage est profondément déstabilisé. Nous en avons déjà vu certains effets avec, par exemple, la montée en puissance du terrorisme. Dans le même temps, l'ordre multilatéral, qui nous a permis de bâtir la paix depuis 1945, se trouve remis en cause comme jamais par l'unilatéralisme américain, le rêve impérial de la Russie et la volonté de puissance de la Chine.

Cet état du monde instable et désorganisé semble s'aggraver, alors même que l'humanité affronte des défis majeurs. Je pense évidemment au changement climatique : les maigres résultats de la COP 24 sont venus nous rappeler que tout reste encore à faire. Je pense aussi à la paix et au désarmement, au moment où les États-Unis sortent unilatéralement du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire en Europe. Je pense enfin aux inégalités qui ne cessent de croître dans le monde, et qui sont la cause de grandes déstabilisations et de mouvements migratoires toujours plus importants.

Nous avons un besoin vital d'Europe. Mais l'Europe dont nous avons besoin est non seulement à reconstruire, mais aussi à repenser. Elle doit être forte et unie. Elle ne peut rester affaire d'experts. Sa force, elle ne peut la tirer que des peuples, alors qu'elle les a jusqu'ici largement ignorés.

Réconcilier les peuples avec l'idéal européen, cela implique d'entendre les inquiétudes qu'ils expriment sur les questions d'identité, d'inégalités, de mondialisation, et d'y apporter des réponses.

La France a pour cela une responsabilité historique. Il dépend d'elle, il dépend de nous que se renforce une Europe qui s'intéresse enfin à l'essentiel, aux destins des peuples qui la forment et à ceux des citoyens au nom desquels elle agit.

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