Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

Dans moins de six mois, en mai 2019, l'Union européenne vivra un moment démocratique important : pour la neuvième fois depuis 1979, les citoyens seront appelés à élire leurs représentants au Parlement européen. Ils siégeront à Strasbourg, capitale européenne, ville humaniste, à Strasbourg, qui a été meurtrie la semaine dernière. Nous avons encore une fois une pensée pour les forces de sécurité et les forces de secours, ainsi que pour les familles des victimes.

Le Parlement européen n'est pas seulement l'organe législatif de l'Union européenne. Ses pouvoirs ont été renforcés au fil des traités, et il est devenu, par essence, le lieu principal de l'expression démocratique des citoyens européens.

Pourtant, malgré cette élection au suffrage universel direct, le niveau de participation des Français aux élections européennes n'a cessé de baisser. Entre 1979 et aujourd'hui, il est passé de près de 60 % à moins de 43 %. Le déplorer ne suffit pas : il est maintenant vital d'agir pour redonner aux électeurs, par un dialogue vigoureux, de l'appétence pour ce scrutin.

Il faut mettre au crédit du Gouvernement l'idée d'instaurer des listes nationales. La maille régionale – ou plutôt supra-régionale – n'était pas pertinente. Peu de citoyens connaissaient les noms de leurs représentants, ou même les limites de leur circonscription – ces circonscriptions étant, pour la plupart, dénuées de profondeur historique, culturelle, économique, sociale ou même administrative.

Or, pour réussir ce défi du dialogue démocratique, une élection doit épouser les codes de son temps et les enjeux du moment. Disons-le clairement : la mobilisation des électeurs passe par la médiatisation du débat. Avec les anciennes circonscriptions, celle-ci était très faible. Placer le débat au niveau national devrait lui donner davantage d'écho, surtout dans un pays comme la France, qui reste très centralisé.

C'est le sens de notre vote en faveur de la loi du 25 juin 2018 relative à l'élection des représentants au Parlement européen. Cette loi était en fait la première étape d'une harmonisation, puisque la France s'était éloignée du modèle majoritaire dans l'Union, celui de la circonscription nationale, adopté depuis 1999 par vingt-deux des vingt-huit États membres.

Harmoniser pour redynamiser le projet européen, c'est aussi le sens de la décision du Conseil européen du 13 juillet, dont nous devons aujourd'hui autoriser l'approbation.

Il n'aurait pas été choquant de légiférer par procédure simplifiée, tant les modifications proposées sont finalement d'ordre technique. Comme le souligne Mme Saint-Paul dans son rapport, c'est une harmonisation a minima. Elle ne pose pour nous aucune difficulté, et nous la voterons. Nous sommes favorables à l'idée de rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens européens, et de renforcer les principes communs qui régissent les élections au Parlement européen, afin de conforter l'idée d'appartenance à cet espace politique.

Nous sommes également favorables à l'instauration d'une procédure uniforme dans tous les États membres pour l'élection au suffrage universel direct des membres du Parlement européen, objectif qui apparaissait déjà dans le traité de Rome.

Plus précisément, il nous paraît naturel de fixer un seuil minimal pour l'attribution des sièges – pratique qui existe déjà en France – , de fixer une date limite uniforme pour le dépôt des candidatures, de durcir les sanctions pour lutter contre le double vote, et enfin de permettre aux citoyens de chaque pays vivant dans des pays tiers de participer à l'élection.

Il est également louable de permettre l'inscription, sur les bulletins de vote, du nom ou du logo du parti politique européen, ce qui contribuera à la représentativité du futur Parlement.

En revanche, le Conseil n'est pas parvenu à un accord sur plusieurs sujets, notamment – hélas ! – sur la création d'une obligation de parité des listes, ni sur l'instauration d'une date d'élection unique dans chaque pays. Ce sujet paraît extrêmement simple, mais l'absence d'accord est révélatrice.

Les plus pessimistes se demanderont comment l'Union européenne peut parvenir à davantage d'harmonisation sociale, de convergence budgétaire et fiscale, ou encore à la construction d'une défense commune, si ses membres n'arrivent même pas à s'accorder sur un jour commun pour les élections.

Je crois cependant que c'est en tenant compte des particularités de chaque État que l'Union européenne pourra se renforcer. Je veux en témoigner en tant que membre du groupe de travail sur l'accord entre l'Assemblée nationale et le Bundestag, dont nous reparlerons le 22 janvier prochain dans cet hémicycle. Les convergences entre nos deux pays existent, mais il faut les provoquer et les renforcer. C'est tout le sens de cet accord, qui a nécessité plusieurs mois de travail.

De même, je veux en témoigner comme président du groupe d'amitié France-Bulgarie, pays où je me suis rendu fin novembre. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec le Président de la République et les parlementaires bulgares sur les grands enjeux européens. Bien que le leadership français en matière de défense et d'environnement soit explicitement reconnu, la Bulgarie, comme chacun des vingt-huit, a sa propre alchimie de partis et des débats politiques internes.

C'est là une des limites, à mon sens, de l'idée d'une liste transnationale, qui semble être, dans l'esprit de la rapporteure et de la majorité, la suite logique et attendue des évolutions législatives de cette année.

Si l'idée est séduisante sur le papier, je ne suis pas certain qu'une même thématique puisse être déclinée indifféremment dans tous les pays de l'Union. L'idée n'est sans doute pas mûre, car l'objectif doit rester celui d'une meilleure adhésion au projet européen, dont les élections au Parlement sont un outil précieux. Cela passe par une meilleure visibilité de ces élections, première étape incontournable pour parvenir à une meilleure lisibilité des institutions européennes en général.

Puisque, sur le fond de cette décision du Conseil européen, je n'ai pas de problème à soulever, je voudrais profiter de cette tribune pour former quelques voeux. Celui, d'abord, d'une élection européenne apaisée, où les débats nationaux seraient présents, mais pendant laquelle les sujets d'avenir pour l'Europe ne seraient pas considérés uniquement sous l'angle franco-français, ou à titre accessoire ; une élection où les atouts et les opportunités de l'Union européenne seraient mis en avant au moins autant que ses faiblesses – l'Union qui envisage aujourd'hui de réduire le budget de la PAC est aussi celle qui l'a créée, avec tout ce que cela apporte à notre agriculture et à nos consommateurs ; une élection, enfin, qui mobilise toutes les générations et qui soit utile – cela implique que les euro-députés prennent pleinement leur mandat à coeur, sans le considérer comme un passage ou un lot de consolation.

Le cadre démocratique européen, comme c'est également le cas pour ses États membres, n'évolue et ne se bonifie qu'à travers ses réponses aux crises. Le choc que constitue la sortie du Royaume-Uni provoque une secousse majeure, c'est vrai, qui oblige à revoir l'architecture de l'édifice commun. Il faut probablement savoir le consolider patiemment, dans un premier temps, en avançant par petits pas. Mais il faut surtout, et c'est indispensable, que s'exprime une vision claire et ambitieuse, et c'est précisément là que la France est attendue. Permettons qu'à travers la campagne électorale qui s'annonce, sa voix puisse s'affirmer avec force et sans détours. Je vous remercie et, comme on dit à Sofia, blagodarya !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.