Intervention de Jean-Michel Mis

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Mis, rapporteur :

La mission a travaillé dans une forme de neutralité intellectuelle vis-à-vis de la technologie – ni idolâtre, ni moqueuse. Je vais évoquer ses aléas et perspectives de perfectionnement. Nous n'entendons éluder aucun questionnement autour d'un procédé engendrant des usages inédits. De fait, suivant le type de protocoles, le rapport souligne que les blockchains présentent encore les signes d'une relative immaturité. Bien des projets peinent à franchir le stade du concept expérimental.

L'état de la technique invite à s'interroger, en premier lieu, sur les capacités techniques et la sécurité des protocoles. S'agissant des capacités techniques, la question posée est d'abord celle du stockage et du traitement des transactions inscrites sur une blockchain. Prenons l'exemple du bitcoin : les transactions enregistrées représentent aujourd'hui plus de 200 gigaoctets, soit l'équivalent d'une soixantaine de longs-métrages en haute définition. Or, chacun comprend qu'une éventuelle démultiplication des transactions réalisées avec ce crypto-actif appelle nécessairement une extension des données traitées et conservées dans le réseau. Cette évolution ne peut rester sans conséquence sur la gestion d'une telle blockchain.

En l'état de la technique, il pourrait être difficile à certains acteurs d'être un noeud de réseau du fait de la puissance de calcul nécessaire à la validation de milliers de transactions et de la mémoire requise pour stocker plusieurs téraoctets de données. Cette incertitude conduit d'ailleurs certains observateurs à se demander si un réel modèle distribué et décentralisé de gouvernement demeure viable à mesure que le réseau s'accroît. Certains n'écartent pas la possibilité que quelques acteurs puissent acquérir, dans certaines circonstances, un pouvoir de décision sans le consentement de l'ensemble des acteurs le contrôle d'une blockchain.

S'agissant de la sécurité, je salue le travail réalisé par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ici représenté par son premier vice-président, M. Cédric Villani, et par sa rapporteure, Mme Valéria Faure-Muntian. Ce rapport souligne que, suivant les spécifications des protocoles, des attaques informatiques peuvent remettre en cause l'immutabilité des données et la protection contre les « doubles dépenses ». On citera l'exemple de l'attaque des 51 % : un acteur peut, au moins temporairement, valider des blocs non conformes – voire réécrire des transactions, dès lors qu'il possède une puissance de calcul suffisante.

Ce cas de figure n'est pas théorique puisque le bitcoin gold a été victime d'une attaque. Toutefois, il ressort de l'expérience de ces derniers mois que la vulnérabilité des blockchains réside souvent moins dans les protocoles eux-mêmes que dans les outils et les procédures qui en permettent l'exploitation. Je pense ici aux plateformes d'échanges de crypto-actifs, aux clés privées dont le stockage est mal sécurisé, aux contrats intelligents mal codés.

En second lieu, il convient d'évoquer les enjeux qui s'attachent à la consommation d'énergie de certaines blockchains. D'après les estimations le plus souvent reprises, l'énergie électrique nécessaire au fonctionnement du bitcoin serait comprise entre 25 et 40 térawattheures (TWh) par an, ce qui équivaut à la consommation du Danemark en 2017.

En l'état, la technologie présente donc potentiellement un caractère énergétivore. Cela étant, la consommation d'énergie tient d'abord aux modalités de validation des transactions propres à chaque type de blockchain. La question se pose en particulier pour les protocoles dont le consensus fait appel à la « preuve de travail ». Mais d'autres projets ouvrent la perspective du développement d'autres modes de consensus – telle la « preuve d'enjeu » – moins consommateurs d'énergie.

C'est dire que la technologie des blockchains évolue sans cesse. Au-delà d'un perfectionnement des protocoles, il ne paraît pas déraisonnable d'estimer que demain, les recherches en cours permettront de résoudre des problèmes qui en limitent actuellement l'exploitation.

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