Pour terminer, nous souhaitons présenter le cadre réglementaire, financier et fiscal qui permettrait aux entreprises innovantes et recourant aux blockchains se développant en France d'être compétitives et de prendre des parts de marché à l'international. Je ferai l'impasse sur le projet de loi « PACTE » et les ICO. Vous pourrez vous référer au rapport sur ces deux sujets. Il faut aussi que ce cadre permette à la France d'être attractive pour que des activités économiques liées aux blockchains choisissent de s'y installer.
La régulation d'un secteur, d'une technologie ou d'un écosystème est d'autant plus délicate que l'innovation autour des blockchains est fortement évolutive et peu maîtrisable.
En tant que députés, comment devons-nous réagir et intervenir ? Une régulation trop forte tuerait l'innovation en France, qui se réfugierait dans des pays limitrophes comme la Suisse. Une régulation trop faible serait inutile : dans le cas des crypto-actifs, il y va pourtant de la protection des investisseurs et de la lutte contre les activités criminelles, car les bitcoins, par exemple, ne sont pas exempts de risques financiers importants. En outre, et c'est un dilemme bien connu dans le milieu numérique, la régulation est souvent rapidement dépassée, alors même qu'elle est fréquemment réclamée par les acteurs économiques concernés qui sont à la recherche de sécurité juridique pour développer leurs activités.
Une façon de sortir de ces dilemmes de l'intervention publique est de produire une régulation d'avance de phase : construire un cadre réglementaire expérimental, au périmètre borné, mais permettant de créer librement pour accélérer le développement de l'écosystème. Cette logique de bac à sable doit cependant être complétée par un cadre stable et sécurisant. Elle se couple, en France, au recours de plus en plus systématique à des consultations auprès de l'ensemble des acteurs concernés, par l'État ou les autorités régulatrices. C'est ainsi qu'ont été rédigées les ordonnances relatives aux minibons, ou le projet de loi « PACTE » s'agissant de la régulation des émissions de jetons. Cette démarche est essentielle à la bonne compréhension par l'ensemble des parties prenantes des enjeux et des solutions.
Le cadre que nous proposons repose sur trois piliers : la sécurisation des émissions de jetons grâce au projet de loi « PACTE » ; l'adaptation de la réglementation bancaire et fiscale grâce au projet de loi de finances ; la mise à disposition de moyens financiers et techniques publics suffisants et durables pour soutenir l'émergence et le renforcement de l'écosystème français des blockchains, notamment grâce au troisième programme des investissements d'avenir (PIA 3).
Pour que l'écosystème des blockchains puisse se développer en France, les pouvoirs publics ont une responsabilité : pas uniquement proposer un cadre juridique, bancaire et fiscal attractif, mais également des soutiens budgétaires publics ciblés sur cet écosystème. Des outils particulièrement efficaces, comme les programmes des investissements d'avenir (PIA) ou le Grand Plan d'investissement (GPI), permettent aux opérateurs que sont Bpifrance ou la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d'investir durablement dans les entreprises des blockchains.
Le Fonds pour l'innovation dans l'industrie (F2I), ex-Fonds pour l'innovation de rupture, pourrait aussi être utilement mis à contribution pour prendre des participations dans des start-ups prometteuses des blockchains. Cela serait d'ailleurs compatible avec la politique d'investissement de l'État dans les principaux secteurs d'innovation stratégique : les solutions liées aux blockchains convergent avec l'économie de la donnée – notamment le big data –, l'internet des objets ou l'intelligence artificielle. Nous appelons de nos voeux une reconnaissance rapide de la blockchain comme secteur stratégique pour la France, afin qu'elle devienne réellement – et non seulement formellement – une blockchain nation.