Cette matière n'est pas encore stabilisée, et nous ne pourrons sans doute pas répondre dans le détail à l'ensemble de vos questions. Je répondrai par grands chapitres.
S'agissant du droit des obligations, la blockchain peut certes avoir une incidence sur les modes de règlement des différends : le principe d'automaticité et de conditionnalité des traitements informatiques qui pourraient s'appliquer aux contrats, par exemple les contrats d'assurance, peut poser question. Ce n'est cependant pas, selon moi, de nature à bouleverser complètement les règles actuelles du droit civil. Que l'on utilise un langage écrit ou un langage codé, il existe toujours un lien synallagmatique entre deux parties qui échangent des données, des biens ou des services. De ce point de vue, la blockchain ne me semble pas entraîner de changement substantiel dans les obligations créées par les contrats.
Nous aurons sans doute, cependant, à faire évoluer nos dispositifs en matière de droit de la preuve. C'est le sens d'un amendement que j'ai porté en première lecture du projet de loi de programmation et de réforme de la justice.
Au-delà des questions techniques, se pose une question d'acculturation et de formation, car le sujet peut nous éloigner de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre d'une règle de droit, à savoir qu'elle soit simple et facilement compréhensible. Il y a un travail pédagogique à conduire, en même temps qu'un travail à destination du milieu judiciaire qui doit appréhender ces nouvelles technologies, notamment celle de la blockchain, particulièrement complexe du fait de son caractère cryptographique. Je pense toutefois que cette dernière ne remet pas totalement en cause l'équilibre juridique.
S'agissant du Règlement général de protection des données (RGPD) et du caractère immuable des données fixées sur la blockchain, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a rendu il y a quelques semaines un avis sur le sujet, dont la conclusion est que, sous certaines conditions, la blockchain pourrait être compatible avec le RGPD. La blockchain n'a pas vocation à stocker l'ensemble des données personnelles ; ce que l'on appelle le hash pourrait suffire comme preuve. Il faut s'assurer que les éléments figurant dans cette preuve soient compatibles avec le RGPD.
Les notions de droit à l'oubli ou à l'effacement pose question. On peut considérer que le recryptage des données personnelles en vue de les masquer complètement pourrait être de nature à respecter ce droit à l'effacement.
S'agissant de la cybersécurité, au niveau du ministère de l'intérieur le travail sur la cybercriminalité est plus ou moins rassurant, selon la nature des blockchains. Dans la blockchain du bitcoin, ouverte et où chaque transaction conserve une trace, les spécialistes pensent que, dans la mesure où tout est traçable, cela renforce d'une certaine manière la capacité à retrouver des cybercriminels. Tout n'est pas encore éclairé à ce stade, et ces sujets mériteront évidemment d'être approfondis.