Intervention de Gilles Roussel

Réunion du jeudi 22 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), président de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée :

- Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, je vous remercie pour cette invitation. Comme vous l'avez indiqué, nous avons d'un côté la partie algorithmique et les présentations faites m'ont semblé très claires. De notre côté, nous représentons le côté humain qui traite les dossiers.

Je voudrais au préalable rappeler la position de la Conférence des présidents d'université (CPU), favorable à la loi qui fonde Parcoursup. Comme l'a dit Philippe Baptiste, le directeur de cabinet de Mme la ministre, nous souhaitions que soit mis fin au tirage au sort et à la sélection par l'échec ; on retrouve bien ces deux termes dans le nom de la loi : orientation par opposition à tirage au sort et réussite par opposition à échec.

J'ajouterai qu'étant moi-même professeur d'informatique, j'avais aussi alerté sur la nécessité de prendre en compte la criticité du code qui était utilisé ; je pense que les efforts qui ont été faits pour cette campagne ont été véritablement importants.

Commençons par un état des lieux : globalement dans les établissements, cette rentrée se passe bien. Il n'y a pas eu de difficultés majeures, de bogues significatifs du fait de l'algorithme, ni de problèmes liés aux outils qui ont été proposés aux établissements.

Avant d'entrer dans les détails et de vous donner l'impression des utilisateurs dans les établissements, je tenais à remercier l'ensemble des acteurs qui ont contribué à cette réussite. Tout d'abord, les parlementaires, puisqu'il y avait tout même une course contre la montre pour l'adoption de cette loi, et le fait que l'on soit arrivé à un accord en CMP ont été extrêmement importants puisque sinon, il aurait été très difficile pour nous de mettre en oeuvre la loi et de donner les résultats aux étudiants. Merci aussi au gouvernement d'avoir fait le nécessaire pour mettre en oeuvre la loi adoptée.

Je souhaiterais remercier un deuxième acteur essentiel. Comme cela a été dit tout à l'heure, la mobilisation des lycées s'est faite, si j'ose dire, à marche un peu forcée. Il faut constater que ce qui nous a été fourni par les professeurs principaux des lycées était de grande qualité. Je tiens à les remercier publiquement.

Enfin, pour terminer par nous-mêmes, je tiens à remercier l'ensemble des collègues des universités, des écoles, des lycées qui, une fois que les lycées ont donné leurs avis, se sont mis au travail dans des conditions très contraintes dans le cadre d'un processus totalement nouveau, avec une appropriation préalable indispensable d'un certain nombre d'éléments et de règles.

Je ne cache pas que le travail dans les établissements a été important. Il a nécessité de mobiliser des commissions, des jurys, pour classer les candidats. C'était déjà le cas pour de nombreux établissements comme les classes préparatoires aux grandes écoles, les BTS, les IUT, qui procédaient déjà antérieurement à des classements. Ceux qui ont été le plus impactés cette année sont les universitaires responsables de licences, qui n'avaient pas l'habitude de voir un certain nombre de dossiers qui leur ont été transmis cette année et qu'ils ont dû comparer et classer, ce qui a été fait.

Il y a bien eu quelques oppositions, mais de façon très majoritaire dans nos établissements, nos collègues se sont approprié le processus : au-delà des présidents, beaucoup d'entre eux attendaient un changement dans la méthode et APB ne convenant plus, chacun a considéré qu'il devait au moins essayer de voir si ce qui était proposé à sa place améliorait le système. J'en ai fait moi-même les frais puisque j'ai dû procéder au classement pour une commission, ce qui me permet aujourd'hui de vous parler de façon concrète de la façon dont les choses se sont déroulées.

Pour revenir à la question de la sélection, le travail des universités est différent de celui d'une classe préparatoire ou d'un IUT. Pourquoi ? Parce que, dans une université, nous devons classer tous les candidats, ce qui n'est pas le cas dans toutes les filières sélectives. Cela nous a occasionné énormément de travail d'autant qu'il est plus difficile de classer ceux qui sont plutôt en bout de classement que les meilleurs.

Deuxième point : le traitement est humain, comme je l'ai dit en introduction. En effet, il existe une réelle diversité des candidats et de leurs dossiers. Dans l'imaginaire collectif, les candidats qu'on reçoit dans une licence ont un bac général. Si c'est une licence de mathématiques, on va penser qu'on aura quasiment que des bacs S, donc cela pourrait être assez simple et on pourrait imaginer utiliser un algorithme, voire un logiciel implanté permettant de classer ces candidats.

Or ce n'est pas du tout le cas. Il n'y a que 20 % à 30 % d'étudiants dans ces cas-là, le reste des candidats étant soit des candidats en réorientation, soit des candidats venant d'autres bacs, soit des candidats venant de l'étranger. Les commissions que nous avons mises en place ont donc été obligées de regarder quasiment au cas par cas ces différentes catégories, voire ces différents individus, pour les classer.

À titre d'exemple, lors du classement de ces voeux, j'ai découvert qu'il existait un bac européen. J'ai été heureux de l'apprendre, mais ne savais trop comment classer ce bac européen par rapport à un bac général ? L'humain intervient alors nécessairement, en procédant à des classements fondés sur des appréciations prenant en compte des notes, le parcours de l'étudiant, les lettres de motivation des candidats,…

L'outil peut probablement être amélioré, notamment certains aspects d'ergonomie, de production de données. Mais nous avons été globalement en mesure de procéder à ces classements malgré un délai contraint.

Nous sommes tout à fait en accord avec ce qui a été proposé par la ministre en termes d'améliorations de Parcoursup pour l'an prochain. Il est essentiel d'arrêter la procédure fin juillet, d'autant qu'il a été constaté dans les établissements que les classements avaient très peu évolué pendant la période du mois d'août.

Outre le stress des étudiants et la question pour les familles de savoir où l'élève va étudier à la rentrée, se pose aussi la question de l'organisation du côté des établissements. Je m'en suis entretenu avec le président de la CDEFI (Conférence des Directeurs des Écoles Françaises d'Ingénieurs). C'est là vraiment un point essentiel. Il faut essayer de faire en sorte d'avoir des informations beaucoup plus tôt.

A été évoquée également l'idée d'un répondeur automatique qui permettrait de diminuer un peu le stress pour les familles qui attendaient des résultats par téléphone et avaient peur de manquer les appels. Il y a eu heureusement peu de ratés, mais dans quelques cas d'urgence, il a fallu appeler le recteur pour réinsérer les étudiants dans le classement. Je pense qu'il faudra continuer à le faire mais l'idée d'un répondeur automatique va dans le bon sens.

Nous nous étions déjà exprimés en tant que présidents d'université sur la question du classement des voeux. Nous n'étions pas favorables au classement trop tôt dans l'année scolaire parce que les élèves peuvent faire alors des choix qui évoluent au cours de la période qui va de mars à juillet. Il faut respecter une période de maturation des choix d'orientation. Je voudrais donner pour preuve de l'intérêt de ne pas classer les voeux le fait que cette année, quasiment tous les étudiants qui avaient validé un voeu dans nos filières sur la plateforme Parcoursup ont transformé cette validation en une inscription effective. Avec APB, environ 10 % des élèves choisissaient l'université, mais sans s'y inscrire effectivement, ce qui prouve bien que laisser aux élèves le temps de « maturer » permet de préciser leurs voeux et d'affirmer des choix plus solides.

Au-delà, la vraie question n'est pas algorithmique : c'est celle de l'appropriation de l'outil, comme l'a dit tout à l'heure Jérôme Teillard, et celle du dialogue entre lycées et universités.

Emmanuel Roux va maintenant vous donner des éléments complémentaires, juridiques en particulier.

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