Je commencerai par la première question, sur la résilience des services publics. En effet, le SEA réalise des stockages stratégiques au bénéfice exclusif des forces armées. Lorsque nous accompagnons les services publics pour leur approvisionnement, il s'agit de marchés de cartes accréditives pour les véhicules ou de recomplètement pour les stations-service, par l'intermédiaire de contrats avec des entreprises privées Les stocks militaires ne sont absolument pas prévus pour ravitailler les services publics en cas de crise. Ils sont réservés aux forces armées. Le Gouvernement peut bien sûr faire ce qu'il veut, mais aujourd'hui, les calculs de stockages stratégiques sont effectués au profit des forces armées exclusivement.
En ce qui concerne les partenariats public-privé, il faut savoir que les stockages nécessaires pour l'économie française sont parfaitement réglementés au niveau français et européen. Ils doivent correspondre à environ 90 jours de fonctionnement de l'économie française. Ces besoins de stockages obligatoires et réglementaires sont satisfaits au travers d'une société anonyme, la SAGESS, qui stocke, au bénéfice des pétroliers et d'autres partenaires, les volumes référencés pour l'économie française.
Nous avons des liens particulièrement étroits avec la SAGESS puisque, jusqu'à encore récemment, un officier du SEA y était détaché. Nous travaillons donc en collaboration, mais chacun poursuit ses objectifs propres. Les stocks militaires sont pour les armées ; les stocks de la SAGESS sont pour l'économie. En revanche, rien n'empêche le Gouvernement de solliciter la SAGESS pour qu'elle délivre auprès des armées, si nécessaire, une partie de ses stocks.
La production française représente, en effet, environ 1 million de tonnes de produits bruts, ce qui n'équivaut évidemment pas à 1 million de tonnes de carburéacteur. Dans une raffinerie, sur 1 tonne de pétrole brut, seuls 8 % sortent en carburéacteur. Le reste est du diesel, de l'essence, du gaz et du bitume, sans rapport donc avec le besoin des armées.
Sur l'avenir de la filière pétrolière et sur ce que le Gouvernement pourrait décider d'autoriser ou non, je ne peux évidemment pas me prononcer.
S'agissant de l'impact des opérations extérieures, je dirai tout d'abord qu'il est négatif sur les personnels eux-mêmes. Compte tenu de la répétition des projections, 30 % d'entre eux – parfois plus : 40 % pour les mécaniciens pétroliers – partent à un rythme extrêmement soutenu sur des théâtres d'opérations extérieures, pratiquement tous les ans. Évidemment, les familles ressentent difficilement ce rythme effréné. Nous essayons de déployer des solutions innovantes, notamment en employant sur le territoire national la manne des réservistes, qui nous permet d'alléger le rythme de travail. Nous n'avons pas encore franchi le pas qui consisterait à envoyer des réservistes sur les théâtres d'opération, mais nous y réfléchissons.
Sur le moral des personnels, j'étais encore assez pessimiste il y a quelque temps. D'après nos évaluations, il était noté à 60, soit un résultat plutôt mauvais, les armées se situant autour de 75. Aujourd'hui, le moral du SEA remonte et nous sommes plus proches des 70. Les solutions palliatives que nous avons mises en oeuvre, ainsi que les premières actions du plan famille, ont un véritable effet sur le moral des personnels.
Une question a été posée sur la recherche. Comme je l'ai dit, le SEA ne se place pas en amont des problématiques liées au carburant. Il est un acteur qui participe à un certain nombre d'institutions internationales. Il n'est pas engagé dans un autre projet que celui des camps déployables.
Le SEA se trouve au coeur de la mobilité des forces : son domaine est celui des carburants et de leur action sur les matériels mobiles. Le déploiement de camps, en revanche, ainsi que l'utilisation de l'électricité et les infrastructures, dépendent du Service d'infrastructure de la défense (SID). Nous nous sommes donc partagé le fardeau : au SEA la mobilité, au SID la recherche sur le stationnement, les économies d'énergie et les camps déployables.
Nous n'avons pas de projet de recherche au SEA, mais nous allons bientôt mettre en place notre cellule dédiée aux nouvelles énergies et engager la réflexion. L'EMA a par ailleurs mis en oeuvre un groupe de travail, à travers le groupe d'orientation de la stratégie militaire (GOSM), qui doit présenter des propositions début 2019.
J'éviterai de vous faire un cours trop long sur les différents types de carburant. Il y a donc le carburéacteur, produit unique au monde, qui sert à propulser les avions. Le gazole est destiné, quant à lui, à la propulsion des véhicules terrestres dotés de moteurs à autoallumage. Il faut noter, cependant, que les armées sont en mesure d'utiliser le carburéacteur à la place du gazole dans les véhicules terrestres. On y ajoute alors un additif particulier, qui est un améliorant en termes de lubrification et d'indice de cétane. Cette possibilité simplifie considérablement la logistique pétrolière en évitant deux chaînes d'approvisionnement séparées. Nous pouvons ainsi utiliser un seul carburant pour tout ce qui roule, tout ce qui bouge et tout ce qui vole. Je ne parle évidemment pas ici des bateaux.
Autre avantage, le carburéacteur bénéficie d'une norme internationale. Que vous atterrissiez à Niamey ou à New York, le plein de l'avion est fait avec le même produit, répondant aux mêmes normes et spécifications. Tous les carburéacteurs du monde possèdent donc la même qualité. Lorsque l'on se déploie sur un théâtre d'opération, on peut recourir facilement à cette ressource, centralisée dans les aéroports. En revanche, la qualité des gazoles est parfois très mauvaise dans les pays où nous nous projetons.
Nous avons aussi un carburéacteur spécial pour l'aviation embarquée. Sur le porte-avions, les hélicoptères comme les avions utilisent un carburéacteur premium, qui a la caractéristique d'être moins inflammable, ou inflammable à des températures plus élevées. Il y a donc une différenciation entre le carburéacteur terrestre et le carburéacteur embarqué.
Enfin, le carburant de la marine, le gazole marine F-76, est un gazole également premium, différent du gazole utilisé par la marine marchande. Toutefois, le gazole standard peut également être utilisé dans les soutes de la marine nationale.
En ce qui concerne les taxes, je ne saurais vous dire ce qu'elles représentent en euros pour le SEA, si ce n'est qu'elles sont exactement en regard des taxes payées dans l'économie. Les mêmes taxes, TVA et TICPE, s'appliquent sur le litre de gazole payé par un Français et sur le litre de gazole payé par le ministère des Armées. Il n'y a aucune différence.
En revanche, vous savez sans doute que les taxes sur le carburéacteur sont beaucoup plus légères, puisque la TICPE ne s'applique pas. Le prix du carburéacteur est aujourd'hui autour de 60 centimes d'euro le litre alors qu'au mois d'octobre, celui du gazole délivré par le SEA était de 1,44 euro. Les prix sont mensuels et n'évoluent pas aussi vite que les prix à la pompe.
Quant à nos achats pétroliers, ils font l'objet d'une stratégie variable en fonction des produits et du type de délivrance. Les achats massifs sont réalisés auprès de compagnies capables de nous délivrer, par mois, des volumes oscillant entre 11 000 et 12 000 mètres cubes, sur des entrées à Lavéra ou au Havre. De manière ponctuelle, certains achats massifs peuvent atteindre 60 000 mètres cubes. Pour effectuer ces achats, nous lançons des appels d'offres sur des accords-cadres. En général, les grandes compagnies pétrolières se présentent et nous font des propositions. Nous choisissons évidemment la moins-disante. Nous n'avons pas d'attente particulière quant à l'origine des produits, qui peuvent venir du Moyen-Orient, de Russie, de mer du Nord ou d'Afrique. En revanche, nous disposons d'un panel suffisamment large de modes d'achat pour nous prémunir contre une unicité de source.
La situation est similaire pour les avions ravitailleurs de l'armée de l'air. Dès lors que le carburant est vendu et délivré sur un pétrolier de la marine ou sur un tanker de l'armée de l'air, le produit n'est plus à nous. Il appartient à la marine ou à l'armée de l'air, qui le gèrent avec leurs propres moyens. Nous nous situons en amont du développement pétrolier de la marine et de l'armée de l'air.
J'ai naturellement rencontré Emmanuel Chiva récemment. Nous nous sommes promis de nous voir, mais il a un agenda chargé. En tout état de cause, nous nous accordons sur le fait que les évolutions énergétiques constituent un vrai enjeu pour les armées.
Enfin, le budget du SEA. Vous aurez sans doute compris, d'après ma présentation, qu'il est désormais intégré à un compte de commerce. Celui-ci achète les produits pétroliers, dont un pourcentage de la vente revient au budget de fonctionnement du SEA, qui s'élève à 25 millions d'euros. Les achats de produits pétroliers représentent environ 600 millions d'euros. Ce matin, à 7 heures 30, le prix du baril était à 61,10 euros, soit 25 % de moins qu'au mois d'octobre. Cette baisse aura un impact à long terme car le prix que nous payons aujourd'hui n'est pas le prix actuel de la délivrance. Seront pris en compte l'ensemble des stockages, les fameux 200 000 mètres cubes, qui viendront atténuer les prix comme un amortisseur. Nous ressentons l'augmentation ou la diminution du prix du pétrole sur une dizaine de mois.