Intervention de Jean-Charles Ferré

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Charles Ferré, Ingénieur général, directeur central du service des essences des armées (SEA) :

Sans doute, mais le veulent-ils ? Il y a peu de volontaires aujourd'hui pour prendre la tête de ce type d'exercice. L'Allemagne, je l'espère, va se présenter. La France se sent parfois un peu seule dans sa position de leader…

Quant à un changement de nom du SEA, nous y avons déjà pensé, évidemment, mais il faut rester prudent. Les principales énergies restent aujourd'hui les carburants liquides. Les autres sont à l'étude et peu développées dans les armées. Si des moyens hybrides peuvent être utilisés dans certains projets terrestres ou maritimes, le carburant, qu'il soit fossile ou non, reste l'essentiel de l'approvisionnement des forces.

La dichotomie entre le SEA et le SID est porteuse d'une véritable logique en termes d'efficacité. Vous m'avez posé la question de savoir s'il ne serait pas plus efficace de regrouper l'ensemble des consommations énergétiques sous la coupe du SEA. Ce n'est pas l'approche qui a été choisie. Aujourd'hui, l'efficience du fonctionnement de l'infrastructure prend le pas sur les économies d'énergie. Lorsqu'il effectue ses achats d'électricité, de gaz ou de toute autre énergie, le SID s'inscrit dans une perspective de développement des infrastructures, avec des réseaux d'infrastructures fixes qui répondent à leur propre logique. Les armées ont fait le choix de séparer la mobilité et les infrastructures. Nous ne reviendrons pas dessus.

La question qui a été posée sur d'éventuels achats à l'ennemi concerne de toute évidence une zone géographique particulière, mais, sur le théâtre du Proche-Orient, nous soutenons uniquement les forces aériennes de l'armée française sur une base de Jordanie. Nous sommes en lien avec les fournisseurs de cette base et la question de savoir si nos approvisionnements viendraient de lieux interdits ne se pose pas. Elle pourrait se poser pour des déploiements de moyens terrestres, mais il n'y en pas aujourd'hui. Une réflexion sur l'origine des produits ne paraît donc pas nécessaire.

Comme je l'ai dit, le carburant utilisé dans la bande sahélo-saharienne vient de très loin, du Tchad, de la Côte d'Ivoire ou du Sénégal. Pour vous donner un ordre d'idée, c'est comme si, pour approvisionner Prague, nous partions de Brest ou de Kiev. Les distances que nous parcourons pour alimenter Gao et les zones environnantes sont très grandes, dans des conditions climatiques et d'infrastructures routières compliquées. Le SEA réussit, dans cette région, un véritable tour de force, reconnu par tous, y compris par nos camarades américains.

S'agissant du continuum entre sécurité extérieure et sécurité intérieure, le SEA a vocation à réaliser le soutien des forces armées françaises, mais lorsque d'éventuels blocages ou problématiques économiques surviennent, ses moyens sont aux ordres du Gouvernement. Il s'agit essentiellement d'équipages et de véhicules disponibles pour transporter des produits d'un point A à un point B. Nous tenons à jour les effectifs et les capacités disponibles sur le territoire national.

Avec le renouvellement des matériels de l'armée de terre, nous voyons en effet arriver des matériels nouveaux, beaucoup plus sensibles aux consommations et qui ont des rayons d'action beaucoup plus importants. Ils nécessitent une refonte de nos logiques de soutien logistique et constitueront sans doute une occasion de revoir nos capacités de transport en liaison avec l'armée de terre. Nous sommes très proches de l'armée de terre, car la logistique pétrolière terrestre est la plus compliquée à mettre en place pour le SEA. Il serait donc effectivement opportun de revoir les volumes de matériels que nous mettons en ligne. Sans doute faudrait-il des moyens supplémentaires, mais ceux-ci doivent être analysés au regard des matériels également déployés par l'armée de terre, puisqu'elle dispose de sa propre logistique pétrolière. Le directeur adjoint du SEA participait hier à une réunion bilatérale avec l'armée de terre. Ce point est à l'ordre du jour de nos discussions.

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