Ce matin, M. Blanquer disait, à propos des jeunes lycéens et des étudiants, que leur violence était sans limite. C'est possible, mais ce que je trouve vraiment sans limite, c'est l'obstination, l'entêtement à suivre une politique uniquement guidée par la boussole des 3 % et de la dette, comme si l'on était incapable de penser que ce système austéritaire était le produit non pas d'un phénomène naturel mais d'intentions humaines, de quelques technocrates bruxellois placés sous la férule de banquiers et de financeurs. Retourner à l'université pour forger son esprit critique ne ferait de mal à personne.
Je suis sans voix, comme abasourdie par un tel rapport qui s'oriente définitivement vers ce type de politique. En revanche, je sais que les jeunes, eux, ne seront pas sans voix – ils sont d'ores et déjà de nouveau mobilisés contre Parcoursup – quand ils sauront ce que le Gouvernement prépare, si tant est qu'il suive ces conseils.
Tout ce bavardage au sujet des droits d'inscription à l'université ne date pas d'aujourd'hui – droits qui portent un coup au principe constitutionnel de gratuité de l'enseignement public, lequel est pour moi une avancée de la République, donc une avancée humaine.
Je suis sans voix mais sans surprise. Cela s'inscrit dans la continuité du processus de Bologne visant à l'harmonisation des diplômes, à l'autonomie des universités et aux fusions visant à créer des superstructures, puis une sélection par l'orientation. Je rappelle que Mme Vidal, qui a mis en place ce programme, a erré pendant trois ans en première année de licence avant de trouver sa voie. À l'époque, nous avions la possibilité de tâtonner dans nos orientations, ce dont ne bénéficieront plus les jeunes d'aujourd'hui. C'était un bénéfice pour se construire. Le processus de Bologne, c'est la marchandisation du savoir et son instrumentalisation au service des entreprises qui, avec leur vision court-termiste, ne savent même pas ce dont elles ont besoin. Je suis choquée de voir comment le monde des adultes ose parler d'orientation quand il est lui-même si myope et si court-termiste.
Mais puisqu'il s'agit ici d'être court-termiste, je vais vous poser quelques questions.
D'après vous qui savez si bien anticiper, à l'aune de ce qui se passe au Royaume-Uni, où l'on parle de « réfugiés des frais de scolarité », et aux États-Unis, combien de jeunes cette mesure, si elle est appliquée par le Gouvernement, va-t-elle détourner de l'université ? Combien de jeunes vont au contraire s'endetter, et pour quand prévoyez-vous la bulle financière ?