Intervention de Patrick Lefas

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Patrick Lefas, président de chambre à la Cour des comptes :

Le compte d'emploi est un élément essentiel dans les mécanismes, par exemple quand on verse une subvention publique à une association. Jusqu'à présent, cette information n'était pas communiquée. C'est le cas du CNC, qui ne présentait jamais de rapport sur les conditions d'utilisation de l'ensemble des produits qu'il avait reçus, alors que son homologue britannique transmet systématiquement un rapport très détaillé sur l'utilisation des fonds. Demander un compte d'emploi et un rapport d'activité qui rendent compte des conditions d'utilisation des taxes affectées, ce qui équivaut dans une certaine mesure à un rapport annuel de performances, permettrait de gagner en lisibilité. Il nous a semblé en tout cas que les acteurs étaient prêts à le faire.

S'il convient de prendre en considération la problématique du coût de recouvrement des taxes, le recouvrement est assez facile dans la mesure où il est de plus en plus numérisé et qu'il s'agit souvent d'une taxe additionnelle à un autre impôt – par exemple une taxe additionnelle à la TVA. Il est donc logique que les grands collecteurs d'impôts et taxes en soient les initiateurs. À cela s'ajoutent les problématiques de fraude et de conflits d'intérêts qui justifient également notre proposition n° 8 qui posent le principe de confier la collecte d'abord aux grands collecteurs d'impôts, sauf cas particulier.

S'agissant du consentement à l'impôt, le cadre essentiel, M. Jean-Louis Bourlanges l'a rappelé, reste le principe d'universalité. Il ne faut surtout pas entrer dans une logique d'affectation où le contribuable ferait en quelque sorte son marché, en choisissant de payer tel prélèvement plutôt que tel autre. Cela n'a pas de sens, et cela reviendrait évidemment à remettre en cause les principes essentiels de la démocratie. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est tout à fait claire sur les conditions dans lesquelles on peut venir en exception au principe d'universalité ; l'affectation est quand même un principe second par rapport au reste. Par ailleurs, ceux qui ont fait le lien avec la fiscalité écologique savent que l'enjeu est d'abord celui de l'efficacité des politiques publiques et la façon dont on rend compte des conditions dans lesquelles l'argent est utilisé.

Dans le cas du Conseil national des barreaux, par exemple, la question que l'on doit se poser en la matière est celle du bien-fondé d'un mécanisme mêlant des crédits budgétaires et des ressources extrabudgétaires provenant d'un prélèvement sur le produit d'amendes pénales et d'une taxe spéciale sur les contrats d'assurance, ce qui amène à faire intervenir une multitude d'acteurs, y compris les caisses de règlements pécuniaires des avocats, dans des conditions qui ne sont pas nécessairement d'une transparence totale. Comme nous l'indiquons à la page 74 du rapport, ce circuit complexe a été monté pour financer 17 % de l'aide juridictionnelle par taxe affectée. La question est de savoir s'il est pertinent de poursuivre un système de ressources affectées de cette nature.

Il est intéressant de voir que le rapporteur général du Sénat s'est appuyé sur le rapport que nous lui avons remis. Vous aurez à vous prononcer sur un certain nombre d'amendements à l'article 29 du projet de loi de finances qui prévoient la remise en cause des écrêtements au bénéfice du budget général sur le produit de la vente des quotas carbone affecté à l'Agence nationale de l'habitat, sur la contribution vie étudiante et campus, la baisse des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, ainsi que sur deux dispositions concernant le budget annexe Contrôle et exploitation aériens. Une bonne part de vos délibérations est consacrée aux conditions dans lesquelles on peut jouer sur les différents curseurs. Nous essayons de vous donner différentes options possibles pour vous aider dans la manière d'arbitrer ces points. De ce point de vue, l'écrêtement n'est clairement pas la panacée ; la diminution du taux va certainement dans le sens de la baisse des prélèvements obligatoires, et c'est sans doute mieux que la pratique, déjà utilisée par le passé, consistant à prélever sur les fonds de roulement des opérateurs affectataires. Le niveau de taux est évidemment un élément à prendre en compte dans la perspective d'une réduction du taux des prélèvements obligatoires à l'horizon 2022, conformément aux engagements affichés par le Gouvernement.

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