Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mardi 4 juillet 2017 à 15h00
Déclaration de politique générale du gouvernement débat et vote sur cette déclaration

Edouard Philippe, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, « Malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste. La vie m'a appris qu'avec le temps, le progrès l'emportait toujours. C'est long, c'est lent, mais en définitive, je fais confiance. » Ces mots sont de Simone Veil. Ils ont été prononcés en 1995, mais ils sont éternels et ils sont ceux de la France. Ils disent ce qu'il faut d'effort et de courage pour que le progrès advienne. Ils disent aussi combien confiance et progrès ont partie liée.

Je veux, alors que je m'exprime depuis cette tribune devant la représentation nationale et après avoir cité Simone Veil, vous parler d'une autre femme : une femme qui, à la fin de l'été 2003, poussait les lourdes portes d'une grande école parisienne ; une jeune femme que rien ne prédestinait à entrer dans ce lieu ; une jeune femme qui a grandi en Seine-Saint-Denis, suivi une scolarité dans des établissements situés dans des quartiers d'éducation prioritaire, à Villetaneuse et à Saint-Ouen ; une jeune femme dont les parents, chauffeur-bagagiste et aide-soignante, ne s'attendaient pas à ce qu'elle accède à cette grande école parisienne, puis devienne avocate, puis travaille dans les cabinets les plus prestigieux, puis fonde son propre cabinet. Cette jeune femme siège aujourd'hui sur vos bancs. Sa réussite est le produit de son travail, de son engagement, de sa ténacité.

Elle la doit aussi à la décision d'un responsable public, en l'occurrence le directeur de Sciences Po, qui avait, quelques années auparavant, bousculé son institution pour l'ouvrir à des formes d'excellence, peut-être un peu moins classiques. Cette politique publique, critiquée lorsqu'elle a été adoptée, copiée depuis, apparaît, quelques années après, grâce au travail et à l'effort de ceux qui en bénéficient, comme un modèle, comme un progrès. C'est long, c'est difficile, mais ça marche, et pas seulement pour cette jeune fille : au moins deux d'entre vous ont bénéficié de cette politique publique audacieuse, dont un jeune homme de Saint-Laurent-du-Maroni, l'un des benjamins de cette assemblée, qui sera peut-être une de ces grandes figures que la Guyane offre parfois à notre pays.

Ces parcours sont individuels, certes, mais ils sont rendus possibles par une politique publique. Ainsi va la République, ou plutôt, ainsi devrait-elle aller. Je regarde cette assemblée, je regarde ces bancs où je siégeais il y a quelques semaines encore.

Je vois un éleveur de la Creuse, agriculteur comme l'était son père, son grand-père, et tellement d'autres avant lui, enraciné dans sa terre au point que le lieu-dit où il vit porte le nom de sa famille. Il s'est battu pour continuer à y vivre, pour défendre l'excellence de l'agriculture française.

Je vois une jeune femme officier, qui a participé à deux opérations extérieures et a commandé une des compagnies de la Brigade franco-allemande.

Je vois un autre de vos benjamins, né au Rwanda quatre ans avant le génocide et recueilli par la République, qui lui a offert son meilleur visage et qui peut être fière de le voir aujourd'hui représenter la nation.

Je vois des sportifs de haut niveau, des entrepreneurs, des scientifiques, des militants du monde associatifs. Je vois même des matheux ! Des matheux qui, par leur talent et leur travail, constituent à la fois une fierté pour votre assemblée et une fierté pour la France.

Je vois une assemblée rajeunie, féminisée et largement renouvelée, puisque 430 d'entre vous font leurs premiers pas dans cette enceinte ; une assemblée qui porte l'héritage républicain, et qui ressemble à la France.

Et c'est devant cette assemblée renouvelée, mesdames, messieurs les députés, que se présente un gouvernement paritaire, lui aussi profondément renouvelé par la diversité de ses origines, professionnelles et politiques, et que le Président de la République m'a demandé de diriger.

Je mesure cet honneur. Je mesure la responsabilité, aussi, de la tâche qui est la mienne, et je l'aborde avec beaucoup d'humilité ; une humilité d'autant plus grande que, pour préparer cette déclaration de politique générale, j'ai relu toutes celles de mes prédécesseurs. Je dis bien toutes, depuis celle de Michel Debré, le 15 janvier 1959, jusqu'à celle de Bernard Cazeneuve, le 14 décembre dernier.

Tous ces discours étaient inspirés par les convictions les plus sincères, par un patriotisme digne d'éloges et par le sens de l'État le plus élevé. Il faut avoir le courage de le dire, même si c'est à contre-courant des idées reçues : la France n'a jamais manqué de responsables politiques compétents et souvent d'une exceptionnelle qualité. Je sais d'ailleurs ce que je dois à l'un d'entre eux, Alain Juppé, et je voudrais ici lui rendre hommage.

De toutes ces déclarations de politique générale, deux m'ont particulièrement marqué. Je cite un extrait de la première : « De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels […] : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l'État, enfin l'archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. » Ces mots sont d'une actualité criante. Ils ont été prononcés le 16 septembre 1969 par Jacques Chaban-Delmas, il y a quarante-huit ans – beaucoup d'entre nous n'étaient pas nés.

Le second discours est un peu plus récent : « Nos priorités ne sont pas celles d'une moitié de la France contre l'autre moitié, mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d'autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. Nous ne demanderons à personne de nous rejoindre par intérêt ni de trahir ses convictions. » Il s'agit des mots de Michel Rocard, prononcés le 29 juin 1988, il y a quand même presque trente ans

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