J'aime beaucoup l'histoire de la grenouille qu'on met dans l'eau froide : si on fait chauffer tout doucement cette eau, la grenouille ne s'en rend pas compte et elle meurt à petit feu, alors que si on la plonge dans l'eau bouillante, elle réagit !
En l'occurrence, c'est la stratégie des petits pas. On va « responsabiliser » les chefs de juridiction ; ils vont devoir « faire remonter des propositions », notamment sur la spécialisation et sur l'organisation… Et finalement, ce sont eux qui prendront la responsabilité des changements et le ministère ne fera qu'appliquer les desiderata locaux. Notons au passage que ces desiderata seront naturellement exprimés en pleine conscience, sans aucun budget contraint, sans aucune injonction, sans aucun lien hiérarchique des procureurs avec le ministère…
L'objectif, alors même que le budget de la justice augmente, non certes de 25 %, mais tout de même pas mal, devrait être d'élargir les juridictions et leur maillage territorial. Or on nous propose un truc rabougri, technocratique, boutiquier, dérivant d'une simple volonté de rationaliser et de mutualiser. Nous sommes très loin de l'idée qu'on peut se faire de la justice.
Bien sûr, tout cela est présenté sous le jour avantageux d'un mode de saisine unique. Mais celui-ci n'est pas du tout lié au fait de cette fusion. Il est possible de l'introduire sans fusionner le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, ne serait-ce qu'en renforçant les services d'accueil unique du justiciable (SAUJ). C'est pourquoi il me semble sage de supprimer cet article, qui cristallise beaucoup d'opposition, que ce soit de la part des élus locaux, des parlementaires, des professionnels du droit, et d'une bonne partie des justiciables… Il ne manquerait plus que les « gilets jaunes » s'emparent du sujet ! Vous seriez alors bien embêtés. Ils seraient bon qu'ils le fassent, d'ailleurs…