Intervention de Olivier Noblecourt

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 16h30
Commission des affaires sociales

Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes :

Je vous remercie de me donner l'opportunité de vous rendre compte de l'état d'avancement de la stratégie annoncée par le Président de la République mi-septembre. Je dirai deux mots sur son contenu, pour me concentrer ensuite sur les modalités territoriales de son exécution.

Cette stratégie entend rompre avec la pente de nos politiques publiques, qui n'ont pas réussi à endiguer les deux grandes caractéristiques négatives de la pauvreté en France : prévalence de la pauvreté chez les plus jeunes et inertie sociale. Du fait de cette absence de mobilité, un nombre trop important de nos concitoyens ne parvient plus à devenir autonome par le travail.

C'est pourquoi le Président de la République a annoncé trois grandes priorités. Il s'agit en premier lieu d'un meilleur accès aux droits : nous devons faire en sorte que tous nos concitoyens qui rencontrent une difficulté dans la vie puissent bénéficier des droits octroyés par le législateur. Cet accès doit se faire dans un cadre incitatif, grâce à l'accompagnement et au lien entre droits et activité ou travail.

La deuxième grande priorité, c'est la prévention. Beaucoup d'acteurs locaux sont déjà mobilisés sur ces enjeux, afin de prévenir les vulnérabilités, sources de pauvreté des individus, en agissant par exemple dès la petite enfance sur les causes d'inégalités dans l'acquisition de compétences.

La troisième priorité, essentielle, vise à renouer avec les politiques d'accompagnement – social et vers l'emploi – dans le cadre d'engagements réciproques : les pouvoirs publics s'engagent à accompagner les individus en situation de fragilité, pendant que ces derniers s'engagent dans des dispositifs pensés pour eux et en direction de la société. C'est ce qui caractérise une société solidaire !

La stratégie a été construite au terme d'un long parcours de concertation avec les acteurs de terrain, les personnes concernées et les collectivités locales, afin que les différentes mesures de cette stratégie parlent aux praticiens, aux bénévoles et aux personnes concernées.

Cinq engagements la caractérisent. Le premier concerne la petite enfance : les orientations de notre politique familiale prolongent évidemment les priorités historiques de cette politique de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, mais répondent également à la situation sociale d'un nombre croissant de familles – notamment les familles monoparentales – et au phénomène de pauvreté des enfants. En effet, en France, un enfant sur cinq grandit sous le seuil de pauvreté, ce qui signifie qu'une personne en situation de pauvreté sur trois est mineure…

La convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche famille prévoit donc des mesures extrêmement fortes pour développer les différents modes d'accueil – collectif ou individuel – du jeune enfant. Les territoires les plus fragiles bénéficieront d'un bonus. En outre, tous les enfants de France, quelle que soit leur origine sociale ou géographique, doivent pouvoir accéder à un mode d'accueil. Dans ce cadre, un bonus « mixité sociale » va être mis en place à compter du 1er janvier 2019. De même, à la demande d'Agnès Buzyn, un référentiel sur l'attribution des places de crèche vient d'être produit par la coprésidente du groupe de travail « Petite enfance » de l'Association des maires de France (AMF), Élisabeth Laithier.

Au-delà, pour que cette mixité sociale profite pleinement à tous les enfants et notamment aux plus fragiles, nous devons élever le niveau d'ambition éducative des différents modes d'accueil du jeune enfant. C'est l'objectif du référentiel que va établir le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge dans les prochains mois : il permettra de penser le développement cognitif, social, psychomoteur et affectif des jeunes enfants dans une logique de continuité avec l'ambition portée par Jean-Michel Blanquer pour l'école maternelle.

En effet, les Assises de l'école maternelle visaient à repenser l'ambition éducative de l'école maternelle, à préparer l'apprentissage des savoirs fondamentaux et à prendre en compte tous les besoins du développement de l'enfant, dans une logique plus uniquement centrée sur les compétences cognitives. Cette exigence de qualité éducative trouvera une concrétisation dès la petite enfance : un plan de formation pour les 600 000 professionnels de la petite enfance de ce pays sera déployé à compter de 2020. L'année 2019 sera consacrée à l'élaboration du référentiel et à l'adaptation de l'appareil de formation continue pour faire face à ce plan inédit.

Enfin, dans le même objectif, nous allons renforcer les dispositifs de soutien à la parentalité. Les moyens de la branche famille sont renforcés, grâce à la signature d'une nouvelle convention avec l'État : déploiement sur le territoire de trois cents nouveaux centres sociaux au cours des quatre prochaines années, soutien aux lieux d'accueil enfants-parents et soutien spécifique aux espaces de rencontres parents-enfants, structures en grande souffrance depuis plusieurs années, alors que c'est là que se tiennent les médiations familiales sur décision de justice. Or, dans de trop nombreux lieux, les listes d'attente sont de plusieurs mois, ce qui est attentatoire au droit à la vie familiale des enfants et des parents.

Dans la même logique et pour traduire la volonté affichée par Agnès Buzyn de lutter contre les situations attentatoires aux droits essentiels des enfants et tenter d'y mettre un terme, le deuxième axe de la stratégie concerne l'accès au logement et à l'hébergement. Vous le savez, l'offre d'hébergement a pour une très large part été conçue pour des personnes seules – bien souvent des hommes. La prise en charge des enfants en centre d'hébergement est donc insuffisamment adaptée à leurs besoins. Il en est de même pour la politique du logement. Ces prochaines années, 125 millions d'euros de crédits complémentaires sont prévus en complément de ceux déjà budgétés sur le Programme 177, afin d'adapter l'offre d'hébergement et l'accompagnement vers le logement aux besoins des familles avec enfants.

En complément, nous allons financer des maraudes dédiées à la prise en charge des familles avec enfants à la rue ou en bidonville. Les moyens du plan de résorption des bidonvilles vont aussi être accrus au cours des prochaines années.

Au titre de ces droits essentiels, nous travaillerons en outre sur les enjeux d'accès à l'alimentation : alimentation infantile, tarification sociale des cantines, petit-déjeuner à l'école. La stratégie cible les privations matérielles et la pauvreté des conditions de vie – qui ne recouvrent pas uniquement une problématique monétaire. Dans le même ordre d'idée, l'enjeu énergétique sera pris en compte – on parle beaucoup de la nécessité pour les familles d'avoir accès au chèque énergie.

Le troisième axe important de la stratégie est l'accès aux compétences. Je ne vous apprends rien, c'est la meilleure prévention face à la pauvreté, car il permet d'accéder au marché du travail. Actuellement, en dépit des progrès des politiques publiques de lutte contre le décrochage, un nombre toujours insupportable de jeunes est durablement décrocheur. Ce sont les NEET (Neither in employment nor in éducation or training) c'est-à-dire des jeunes ni en emploi, ni en étude, ni en formation. Pour autant, ils ne sont pas non plus accompagnés… On les appelle parfois « les invisibles ». Malheureusement, et douloureusement pour eux, ils ne sont pas invisibles sur le terrain – on les connaît. C'est en pensant à eux que nous allons mettre en place une obligation de formation, qui sera contraignante pour tous les acteurs – institutions scolaires, plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs (PSAD) et missions locales qui bénéficieront d'un financement supplémentaire à partir de 2020 pour la développer.

Tous ces acteurs de la « première ligne de front » seront contraints de maintenir les jeunes concernés dans un parcours garanti de formation, d'aller vers eux et de leur proposer un accès à la formation. Le Plan d'investissement dans les compétences voulues par Muriel Pénicaud prévoit précisément de déployer plus d'un million de nouvelles formations en direction des jeunes qui en sont les plus éloignés. Cela suppose également d'agir sur les modes d'intervention les plus efficaces pour aller vers eux. Nous allons ainsi consacrer des moyens spécifiques au renforcement de la prévention spécialisée, du ressort des éducateurs de rue, avec des moyens dédiés à leur intervention, en particulier le soir et le week-end. Les « trous dans la raquette » sont actuellement trop importants.

Le déploiement du réseau des Points d'accueil et d'écoute jeunes (PAEJ) va également être financé. Ces structures d'hyper-proximité sont situées dans les territoires les plus fragiles, qui peuvent aussi être des territoires ruraux.

Le dispositif de sortie de l'aide sociale à l'enfance (ASE) va être rénové et les départements soutenus pour mettre un terme aux sorties sèches. Vous le savez, cette étape est souvent douloureuse pour beaucoup de jeunes, d'autant que certaines collectivités n'ont pas les moyens d'accompagner ces jeunes majeurs. Les ruptures que ces derniers connaissent sont absolument insupportables et humainement destructrices car elles anéantissent des années d'efforts d'accompagnement. Pour ces jeunes, les souffrances qui en découlent sont lourdes de conséquences sur leur destin. En effet, environ un quart du public en errance ou logé en centre d'hébergement d'urgence est issu de l'aide sociale à l'enfance.

Le quatrième grand engagement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté vise à simplifier et à renforcer l'accès aux droits. Le non-recours aux droits, mais aussi aux services, est devenu endémique. Nos concitoyens en situation de fragilité sociale ne vont plus voir les structures institutionnelles de l'action sociale.

Nous agirons à plusieurs niveaux. Nous financerons le déploiement d'accueils sociaux universels et inconditionnels, en labellisant des structures qui pourront ainsi accueillir tous les acteurs d'un territoire. Cela évitera que nos concitoyens soient confrontés à un perpétuel jeu de ping-pong, comme c'est actuellement le cas dans certains territoires.

Nous allons également simplifier l'accès aux droits. C'est en cours, puisque le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) inclut une mesure emblématique : la fusion de l'aide à la complémentaire santé avec la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). C'est un progrès considérable pour près d'un million et demi de nos concitoyens puisqu'ils auront accès à un panier de soins à moindre coût, pour une contribution plus faible. Le fonds CMU recense près de trois millions de ménages et de familles en situation de pauvreté qui n'ont pas accès à la CMU, à la CMU-C ou à l'aide à la complémentaire santé.

En outre, le renouvellement de la CMU-C sera désormais automatique pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Actuellement, trop de personnes sortent du dispositif car elles oublient d'effectuer cette procédure administrative. Elles se retrouvent alors dans des situations de non-prise en charge complexes, voire douloureuses.

Nous allons également mieux repérer les allocataires des caisses de sécurité sociale en situation de non-recours grâce au datamining.

Enfin, le chantier du revenu universel d'activité, encore plus ambitieux et qui va être engagé dans les prochains mois, permettra d'avoir une réflexion beaucoup plus large sur ce minimum social partagé, pleinement universel et davantage incitatif à l'activité que l'allocation actuelle.

Le dernier engagement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté vise à renouer avec l'accompagnement vers l'emploi, mais également l'accompagnement social. C'est important pour nos concitoyens les plus fragiles, le Président de la République l'a rappelé : notre volonté est bien d'éradiquer la pauvreté. Il ne s'agit pas d'un mantra ou d'un slogan général, mais de la seule façon de maintenir le cap de nos politiques publiques : si vous ne visez pas l'éradication, vous agissez seulement en direction de ceux qui vont un peu moins mal et vous oubliez ceux qui vont le plus mal…

C'est pourquoi, désormais, nous partirons de la situation des plus fragiles. Dès 2019, l'accompagnement médico-social sera très fortement amplifié. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) médico-social va augmenter de plus de 25 % sur les quatre prochaines années. Pour ne prendre qu'un exemple, il existe actuellement 1 200 appartements de coordination thérapeutique en France. Nous allons en ouvrir 600 dans les deux prochaines années. Ainsi, les personnes bénéficiaires, qui sont souvent dans des situations très difficiles, vont enfin trouver un accompagnement adapté.

Nous allons également démultiplier les solutions d'accompagnement vers l'emploi : accompagnement intensif porté par Pôle emploi et montée en charge contractualisée de l'accompagnement global entre Pôle emploi et les départements ; création de nouvelles formes et de nouveaux moyens d'accompagnement en lien avec les départements, par le biais d'appels d'offres, à hauteur de 15 millions d'euros l'année prochaine, puis de 100 millions d'euros à partir de 2021.

Cet accompagnement est essentiel. Or il s'est atrophié au cours des dernières années. Les dépenses d'insertion des départements représentent 670 millions d'euros. Rapportées aux 11 milliards d'euros de prestations versés aux bénéficiaires du RSA, le ratio allocationaccompagnement est de moins de 7 %. En 1988, lorsque le législateur a créé le revenu minimum d'insertion, il était de 20 % Vous le voyez, l'effort de l'État est substantiel.

Les moyens de l'insertion par l'activité économique vont également être renforcés : 5 000 aides au poste supplémentaires vont être financées chaque année. Actuellement, sur 140 000 personnes accompagnées, 70 000 bénéficient de cette aide. Cet effort nous permettra d'accompagner 100 000 personnes supplémentaires sur quatre ans, au titre des différentes prises en charge – ateliers ou chantiers d'insertion, entreprises d'insertion, entreprises temporaires d'insertion, associations intermédiaires de l'insertion par l'activité économique.

Enfin, les solutions portées par les associations qui ont démontré leur pertinence vont également être soutenues et développées dans les prochaines années : les « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) ; le dispositif « Travail alternatif payé à la journée » (TAPAJ), qui permet aux personnes en grande fragilité de travailler quelques heures, un peu plus jour après jour ; l'expérimentation Sève (SIAE – structures d'insertion par l'activité économique – et Entreprise Vers l'Emploi) ; la médiation en entreprise ; le dispositif « Convergence » qui organise l'accompagnement vers l'emploi à partir d'un hébergement, etc.

Pour mettre en oeuvre ces cinq engagements, nous allons d'abord agir à l'échelle législative. Vous avez déjà voté des mesures extrêmement fortes lors de la première lecture du PLFSS. Ainsi, l'action 19 du programme 304, qui labellise la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, alloue des crédits au fonds de contractualisation avec les départements et à certaines actions, notamment celles liées à l'alimentation. Il en est de même à l'action 11 pour la prime d'activité, à l'action 17 pour l'augmentation des points d'accueil et d'écoute des jeunes. Le programme 102 est mobilisé sur les politiques d'accès et de retour à l'emploi, l'insertion par l'activité économique. Il comprend également une remontée en charge des crédits du Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), dont la Garantie jeunes est une des modalités. 48 millions d'euros de crédits y seront consacrés en 2019 et 100 millions d'euros au terme de la mandature, contre 8 millions en 2018. Cet engagement très important permettra d'accompagner 100 000 jeunes supplémentaires chaque année au titre du PACEA.

Le PLFSS contient également les mesures relatives à l'ONDAM médico-social dont j'ai déjà parlé et les éléments de contractualisation avec la branche famille.

Au-delà de ce vecteur législatif fondamental, nous allons agir par le biais de la contractualisation avec les collectivités, et au premier chef avec les départements, responsables de l'action sociale. Nous avons travaillé sur la matrice de contractualisation avec l'Association des départements de France (ADF). Les contrats comporteront deux volets : un socle obligatoire, financé à hauteur de 60 millions d'euros, dans trois directions – aide sociale à l'enfance avec la fin des sorties sèches ; accès aux droits avec le déploiement des accueils sociaux inconditionnels et universels et la mise en place de référents parcours ; politique d'insertion avec l'accueil, l'accompagnement et l'orientation des nouveaux allocataires du RSA, mais aussi l'augmentation de l'offre d'accompagnement.

Une enveloppe complémentaire de 25 millions d'euros sera consacrée aux initiatives des territoires qui s'inséreront dans l'un des cinq engagements de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. L'État cofinancera alors ces actions. Les départements sont concernés, mais également les métropoles ou les régions qui souhaiteraient s'engager dans la mise en oeuvre de la stratégie – comme c'est le cas des Hauts-de-France depuis la semaine dernière.

Cette contractualisation sera engagée par dix territoires « démonstrateurs » qui vont délibérer d'ici à la fin de l'année, afin que les premières actions soient effectives sur le terrain dès le début 2019.

Pour conclure, nous souhaitons que tous les acteurs s'approprient les enjeux de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. J'ai déjà évoqué les départements et les autres collectivités, mais n'oublions pas les centres communaux d'action sociale (CCAS), les associations, les collectifs de personnes concernées ou de travailleurs sociaux. L'animation régionale de ces acteurs va être mise en place, et connaîtra des déclinaisons infrarégionales en fonction des besoins des territoires, pour que chacun des quinze grands chantiers de la stratégie soit porté et animé par un acteur du territoire. En effet, le bilan du précédent plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté – dont les bénéfices ont été importants pour beaucoup de nos concitoyens – souligne les défaillances de la territorialisation de certaines mesures. C'est pourquoi nous avons révisé la gouvernance des politiques publiques pour sortir du modèle descendant – la stratégie sera désormais initiée et déclinée à partir des besoins et de l'engagement des collectivités et des acteurs des territoires.

Cela va supposer une transformation des missions et un accompagnement des acteurs, notamment des travailleurs sociaux. En 2019, le Haut conseil du travail social va réfléchir à un grand plan de formation continue.

Enfin, nous allons développer les outils de pilotage de l'innovation sociale et élargir les expérimentations, grâce à un fonds d'investissement social de 100 millions d'euros. L'évaluation fera également l'objet de toute notre attention et de crédits spécifiques afin d'être à la hauteur des ambitions fixées par le Président de la République. Nous suivrons donc précisément l'évolution des indicateurs des politiques sociales. En effet, la confiance dans les politiques publiques et dans les politiques sociales passe par la preuve. Des preuves existent sur le terrain ; elles doivent être connues et reconnues de nos concitoyens.

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