Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 13h00
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Madame la présidente, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir organisé, dans des délais contraints par l'urgence de la situation, cette audition sur le projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales. En effet, le texte a été adopté en conseil des ministres il y a moins d'une heure.

Les mesures qu'il contient ont été annoncées par le Président de la République le 10 décembre, et précisées par le Premier ministre à la tribune de cette assemblée jeudi dernier. Elles ont été élaborées en lien étroit avec les deux chambres, en amont de la discussion parlementaire, grâce notamment à un échange constant entre les rapporteurs Olivier Véran et Jean-Marie Vanlerenberghe. Je tiens à saluer cette démarche parlementaire, en particulier dans le contexte actuel, car elle témoigne de la capacité de la démocratie représentative à apporter à nos concitoyens des réponses à la fois rapides, fortes et concrètes, afin que chacun puisse vivre décemment de son travail et choisir sa vie professionnelle.

Aujourd'hui, cette capacité collective à concrétiser une société d'émancipation sociale, par le travail et la formation, de justice sociale, qui rompe avec les droits formels et le déterminisme, est questionnée. Depuis dix-huit mois, le Gouvernement a engagé une profonde transformation de notre modèle économique et social, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. C'est le sens des réformes du code du travail, de l'apprentissage, de la formation, de l'éducation et de l'investissement sans précédent dans les compétences ; c'est aussi le sens de la loi PACTE.

Tel est notre cap, stimuler la croissance, mais la rendre riche en emplois et inclusive, afin que chaque personne qui travaille puisse choisir, et non pas subir, son avenir. Ces transformations, parce qu'elles sont d'une ampleur inédite et qu'elles répondent à des questions posées depuis des décennies, nécessitent du temps.

Les dernières semaines ont rappelé cette vérité forte : un nombre important de personnes, qui pourtant travaillent, ont du mal à joindre les deux bouts et sont dépourvues de toute autonomie financière. Or tout notre projet s'articule autour du travail, qui doit payer et permettre de s'émanciper. Certains de nos concitoyens, alors même qu'ils travaillent ou qu'ils ont travaillé toute leur vie, commencent à éprouver des difficultés dès le 15 du mois – il est difficile d'envisager son avenir, celui de ses enfants ou de ses petits-enfants dans ce contexte.

Tout le monde reconnaîtra que la situation ne date pas d'aujourd'hui. Mais ce désespoir des vies empêchées s'est clairement exprimé depuis plus d'un mois dans une colère puissante ; cette souffrance s'est matérialisée dans le mouvement des « gilets jaunes » et les soutiens dont ils ont fait l'objet. Si les mesures de ce projet de loi n'ont pas vocation à résoudre tous les problèmes, elles constituent des réponses concrètes et rapides, à même d'apporter l'apaisement. Cet apaisement sera consolidé si nous parvenons à régénérer notre bien commun, la démocratie. C'est le sens du grand débat national qui débutera dans les prochains jours.

Pour l'heure, il s'agit de présenter des réponses visibles, qui s'adressent à ceux qui travaillent ou qui ont travaillé et qui en ont le plus besoin. C'est le sens des quatre articles du projet de loi ; je présenterai les deux premiers.

L'article 1er porte sur la prime exceptionnelle, la possibilité pour une entreprise de verser, de façon volontaire, aux salariés rémunérés jusqu'à trois fois le SMIC – soit 3 512 euros – une prime exceptionnelle qui sera exonérée jusqu'à 1 000 euros net de toute charge sociale et de l'impôt sur le revenu. La prime devra être versée avant le 31 mars. L'incitation est puissante puisque le brut équivaudra exactement au net : c'est la première fois que ce type de dispositif exceptionnel est exonéré de CSG et de CRDS.

L'article 2 permet aux salariés et aux fonctionnaires qui effectuent des heures supplémentaires de ne plus payer ni cotisations salariales ni impôt sur le revenu, à concurrence d'une rémunération annuelle nette, au titre des heures supplémentaires, de 5 000 euros. La mesure entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2019. Comme vous le savez, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait une mesure semblable, qui est donc avancée dans le temps et élargie quant à son périmètre, puisqu'à l'exonération des charges sociales vient s'ajouter celle de l'impôt sur le revenu. Le gain de pouvoir d'achat dépendra évidemment de la rémunération ou du niveau d'imposition des salariés. À titre d'exemple, un salarié qui effectue deux heures supplémentaires par semaine – ce qui correspond à la moyenne constatée –, et qui est rémunéré 1 500 euros net, constatera un gain de pouvoir d'achat annuel d'environ 500 euros net – 235 euros pour le volet social et 265 euros pour le volet fiscal.

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