Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 13h00
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

S'agissant tout d'abord de la prime exceptionnelle, les entreprises ont entre le 10 décembre et le 31 mars pour la verser. Pourquoi le 10 décembre ? Parce que c'est le jour de l'annonce du Président de la République et que nous avons considéré que les entreprises qui ont dès le lendemain voulu témoigner de leur effort et de leur compréhension de la situation d'urgence devaient pouvoir verser cette prime sans attendre. Nous n'avons pas encore de vision d'ensemble, mais nous recevons énormément d'informations d'entreprises de toutes tailles. Une des grandes demandes des PME était que le délai puisse courir jusqu'au 31 mars car la trésorerie a un poids très important dans ces entreprises et certaines nous disent que c'est au premier trimestre qu'elles ont plus de capacités à cet égard.

Pour aller jusqu'à cette date, il faudra un accord d'entreprise. Nous voulons valoriser le dialogue social, en cohérence avec les ordonnances, mais, compte tenu de l'urgence, tout ce qui est annoncé avant le 31 janvier, notamment dans les PME qui n'ont pas encore mis en place leur dispositif de dialogue social, pourra être réalisé de manière unilatérale. Puisque c'est un plus pour les salariés cela ne posera pas de problème.

Je rappelle qu'il n'y a pas de cotisation patronale, pas de cotisation salariale, pas de CSG-CRDS, pas d'impôt sur le revenu. Concrètement, pour une entreprise qui verse 500 euros, cela coûte 500 euros et le salarié reçoit 500 euros nets. On voit à quel point c'est exceptionnel ; si tout fonctionnait comme cela, nous n'aurions pas de quoi financer nos hôpitaux et nos écoles, mais le contexte est lui-même exceptionnel.

Plusieurs d'entre vous ont posé la question de l'égalité sectorielle. Nous ne sommes pas dans une économie administrée et ce n'est pas avec un indice général de toutes les entreprises qu'il est procédé à des augmentations de salaire. Les salaires sont négociés dans les entreprises et les branches ; dans ce contexte, il peut certes exister des différences entre entreprises mais elles existent depuis toujours. Je suis assez confiante car il y a une vraie dynamique autour de cette prime exceptionnelle. Beaucoup d'entreprises sont conscientes du sujet et je pense qu'une majorité la versera. Cela s'applique sans exception aux outre-mer.

Cela ne s'applique en revanche pas de la même façon dans le secteur public car, pour ce dernier, un dispositif de revalorisation des rémunérations a été négocié et sera mis en oeuvre à partir de 2019. On ne peut pas copier-coller un bout alors que tout le système est différent par ailleurs, cela n'aurait pas de sens. Il y a de la place pour la discussion dans le secteur public, dans le cadre du cap négocié et fixé avec les organisations syndicales.

S'agissant des heures supplémentaires, notre prévision, sur la base des expériences précédentes et de la demande des entreprises, c'est que, sur les 17,6 millions de salariés du secteur privé, quatre à cinq millions au moins devraient en bénéficier. C'est applicable aux trois fonctions publiques. Les personnes qui font des heures supplémentaires sont à 60 % des ouvriers et des employés, et pour le reste des cadres, plutôt aux premiers niveaux de rémunération. Nous sommes bien sur une mesure qui vise à valoriser le travail, pour que celui-ci paye plus, apporte plus à ceux qui ont des revenus modestes.

Nous avons prévu dans le projet de loi un maximum de 5 000 euros d'exonérations par an et par personne, pour éviter ce qui a été observé la dernière fois que des heures supplémentaires ont été exonérées, à savoir un effet de déport et d'aubaine sur les cadres moyens et supérieurs. Ce n'est pas l'esprit de la mesure. Ce plafond est élevé mais permet de limiter l'effet d'aubaine en haut de la pyramide. Les règles des heures supplémentaires sont évidemment applicables en outre-mer.

Les exonérations d'IR et de cotisations salariales sont en faveur des salariés. Sur la CSG-CRDS, je confirme ce que j'ai dit hier, même si cela a suscité des remous en séance de questions au Gouvernement, à savoir que cela n'a pas été fait précédemment. Avant, ce n'était pas retiré de la fiche de paye et, par ailleurs, les personnes bénéficiaires d'heures supplémentaires pouvaient déduire les charges au titre des heures supplémentaires de leur impôt sur le revenu. C'était un système assez injuste puisque l'IR n'est payé que par 40 % des Français. Nous nous adressons là aux salariés les plus modestes qui, par définition, sont beaucoup plus nombreux dans la catégorie de ceux qui ne payent pas l'impôt sur le revenu que les autres.

Nous n'avons pas retenu, sur les heures supplémentaires, une mesure de baisse des charges patronales parce qu'il y a concomitance de la dernière année du CICE et de la première année de baisse significative des charges patronales, et que par ailleurs en 2019, il n'y aura plus de charges patronales au niveau du SMIC et, de façon dégressive, jusqu'à 1,6 du SMIC. Cette concomitance permet à l'employeur de bénéficier d'un coût du travail inférieur et au salarié de voir son travail mieux rémunéré. Je pense que nous avons déjà là l'équilibre nécessaire.

La question de l'égalité entre les femmes et les hommes a été posée à juste titre. Vous avez voté en août la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui entrera en application au 1er janvier 2019 pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le dispositif est extrêmement rigoureux sur le sujet. Il existe encore 9 % d'écart à travail égal et 25 % sur la carrière compte tenu des problèmes de retour de congé de maternité, de carrières hachées et d'un certain préjugé qui fait que les augmentations de salaire sont moins importantes pour les femmes. Avec cette loi, nous allons passer à une obligation de résultat, à savoir qu'en trois ans, les 9 % d'écart doivent être supprimés et les chances d'obtenir les mêmes promotions augmentées. Nous jouons à la fois sur l'instant t – à travail égal salaire égal – mais aussi sur la perspective de carrière.

Pour cela, nous avons abouti le 22 novembre avec les partenaires sociaux, qui ont été extrêmement proactifs sur le sujet, tant du côté syndical que patronal, à un consensus sur l'indicateur qui servira de référence dans toutes les entreprises. Nous avons retenu cinq critères dans cet index. Presque toutes les données sont dans la déclaration sociale nominative (DSN) et la base de données économiques et sociales (BDSE), ce qui signifie que cela n'implique pas de travail administratif en plus pour les entreprises. Ces critères sont : à travail égal salaire égal, mêmes chances de promotion, mêmes chances d'augmentation, respect de la loi sur le retour de congé de maternité, qui prévoit que les femmes de retour doivent avoir la moyenne des augmentations générales de l'entreprise, et, cinquième critère, la part des femmes dans les dix plus hautes rémunérations de l'entreprise, quelle que soit la taille de l'entreprise. Ces cinq indicateurs permettront une vraie photographie des entreprises. Je pense que beaucoup découvriront quelle est la réalité en leur sein et, comme tout cela sera public, dans bien des cas elles n'attendront pas les trois ans.

Je tenais à le souligner, même si ce n'est pas le sujet du jour, car le problème des femmes qui ont des salaires inférieurs, souvent bas, durablement, est un problème d'égalité et de justice sociale. Quand nous disons que le travail doit payer, nous ne pouvons pas ne pas traiter ce sujet. Je rappelle également que la loi sur l'avenir professionnel donne, dans le compte personnel de formation, des droits supplémentaires aux personnes à temps partiel et que, comme cela a été rappelé, ces personnes sont à 80 % des femmes.

Nous avons signé ce matin le décret d'augmentation du SMIC au 1er janvier 2019. Compte tenu de l'inflation constatée, l'augmentation est de 1,5 %, ce qui signifie que le brut mensuel passera à 1 521 euros et le net mensuel à 1 204 euros. Au 1er janvier 2017, il y a deux ans, le SMIC net mensuel était de 1 153 euros. C'est donc une augmentation de près de 23 % en deux ans. Le net augmente plus vite que le brut puisque nous avons supprimé les cotisations d'assurance chômage et maladie. Il y a un double effet de l'indexation et de la cotisation.

Cela ne change rien au fait que nous pensons qu'il faut aller beaucoup plus loin que le SMIC. D'où la prime d'activité pour tous les ménages à revenus modestes.

Puisque le SMIC augmente, il en est tenu compte dans la revalorisation. Toutes les personnes qui n'ont que le SMIC comme revenu auront bien, entre le SMIC et la prime d'activité, plus 100 euros nets par mois. Et c'est vrai pour toutes les personnes seules qui n'ont que leur salaire comme revenu et qui gagnent jusqu'à 1 550 euros ; nous allons donc beaucoup plus loin qu'avant. Pour une femme ou un homme seul avec un enfant, ces 100 euros en plus sont garantis jusqu'à 2 000 euros. C'est un élargissement des montants mais aussi de la base des personnes concernées.

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