Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 13h00
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Pour conclure sur la prime d'activité, vous m'avez, monsieur Ratenon, posé la question des outre-mer. La prime d'activité est ouverte à tous les salariés, indépendants, fonctionnaires dans les outre-mer mais les taux sont moindres dans le département de Mayotte ; c'est une différence historique.

La prime est ouverte dès l'âge de dix-huit ans à tous les gens qui travaillent mais aussi aux étudiants s'ils ont le statut d'étudiant salarié, d'apprenti ou de stagiaire, à condition qu'ils perçoivent 78 % du SMIC sur chacun des trois mois utilisés. Les critères sont un peu différents. L'objectif est de ne pas détourner ces jeunes de leur formation en prévoyant un seuil trop bas. Nous ciblons ceux dont le statut de travailleur prévaut sur le statut d'étudiant.

Notre choix de ne pas revaloriser la totalité des salariés au SMIC et de tenir compte des revenus de la famille a été questionné. Aujourd'hui, 1,2 million de personnes touchent le SMIC dans des foyers correspondants aux trois derniers déciles, c'est-à-dire plus de 5 000 euros de revenus par mois et par famille, et 300 000 personnes touchent même le SMIC dans des familles dont les revenus sont supérieurs à 10 000 euros par mois. Il ne nous semblait pas très cohérent, par rapport aux attentes exprimées de regagner du pouvoir d'achat pour les travailleurs modestes, d'élargir à ce point l'augmentation de 100 euros au niveau du SMIC, d'autant plus que nous aurions perdu en efficacité par rapport à des travailleurs modestes à 1,2 SMIC. La prime d'activité telle qu'elle est aujourd'hui paramétrée descend à partir de 1,2 SMIC, ce qui signifie que, si nous revalorisions la totalité des personnes au SMIC, y compris celles qui sont dans les trois derniers déciles de revenus familiaux, nous priverions de toute prime d'activité des couples dont les deux revenus sont à 1,3 SMIC, par exemple, c'est-à-dire autour de 2 500 ou 2 600 euros par mois, avec des enfants. En termes de justice sociale, il nous a semblé plus cohérent, par rapport aux attentes qui émergent de la contestation depuis un mois, de redonner du pouvoir d'achat à toutes les personnes vivant entre 1 000 et 3 000 euros par mois, selon la composition familiale, en élevant le plafond de revenu des familles et le point de sortie de la prime d'activité, jusqu'à 1,9 SMIC pour les familles monoparentales.

Les 100 euros de gain supplémentaire de revenu au niveau du SMIC, c'est bien 10 euros liés à la revalorisation du SMIC, telle que signée aujourd'hui par la ministre Muriel Pénicaud, et 90 euros liés à la revalorisation de la prime d'activité. C'est la somme des deux.

Je rappelle les mesures que nous avons prises, cette année, en faveur des salariés rémunérés au SMIC : outre la réduction des cotisations salariales à hauteur d'environ 23 euros par mois, nous avions décidé, en octobre dernier, une première revalorisation, de 20 euros, de la prime d'activité – à laquelle s'ajoutent donc les 90 euros prévus dans le texte, soit 110 euros en un an –, sans compter l'exonération des heures supplémentaires proposée dans le projet de loi.

Madame Fiat, je comprends que la prise en compte des pensions alimentaires dans le calcul des revenus suscite des interrogations mais, si nous n'en tenions pas compte, nous créerions une inégalité entre celles des familles monoparentales qui touchent une pension alimentaire et celles qui n'en touchent pas. Le mode de calcul retenu permet en quelque sorte de maximiser l'effort consenti en faveur des secondes, dans une perspective de justice sociale. Je veux bien que cette question figure dans le rapport pour les personnes dont les revenus se situent entre 1 000 et 2 000 euros. Mais, si l'objectif est de cibler celles qui en ont le plus besoin, il me semble logique d'intégrer les pensions alimentaires dans les revenus du foyer.

Monsieur Lurton, nous avons fait le choix de n'appliquer l'annulation de la hausse de la CSG que jusqu'à 2 000 euros mensuels pour les personnes seules, soit un revenu fiscal de référence de 22 580 euros, et jusqu'à 3 000 euros mensuels pour les couples. Pour ces derniers, ce sont les règles fiscales qui s'appliquent : des demi-parts sont ajoutées en fonction de la composition des foyers. Une demi-part ne valant pas la moitié de la première part, deux demi-parts ne font pas une part supplémentaire. C'est pourquoi, pour les couples, l'annulation de la hausse s'applique jusqu'à 34 628 euros de revenu fiscal de référence – contre, je le rappelle, 23 000 euros auparavant.

Pourquoi l'annulation de cette hausse prend-elle plus de temps que son application ? Tout d'abord, la première mesure avait été travaillée en amont du vote de la loi. Surtout, nous créons, ici, un troisième taux de CSG puisque nous revenons au taux de 6,6 %, qui avait disparu, ce qui complique les choses. J'ai néanmoins demandé aux caisses de retraite d'accélérer leurs procédures. Elles se sont ainsi engagées à être en mesure de rembourser les retraités du trop-prélevé aux alentours de début mai – j'essaie de faire en sorte que cette date soit encore avancée. La date butoir inscrite dans le projet de loi pourra donc probablement être modifiée si j'ai la certitude, d'ici à demain, que le remboursement peut être effectué au mois de mai ; je déposerais alors un amendement à cette fin. L'objectif est bien entendu d'aller le plus vite possible mais, puisque nous prenons en compte le revenu fiscal de référence, nous devons attendre son envoi par la DGFIP, qui intervient en mars. Il n'est donc pas possible de procéder à un remboursement avant le mois d'avril.

En ce qui concerne les retraités dont la pension est inférieure à 1 200 ou 1 300 euros et qui ne sont donc pas concernés par l'annulation de la hausse de la CSG, je rappelle que le minimum vieillesse fera l'objet d'une revalorisation très importante de 100 euros par mois en l'espace de deux ans et demi. Le PLFSS comporte d'autres mesures très importantes en faveur des retraités dont les pensions sont les plus faibles. Je pense notamment à la création d'une complémentaire santé à moins d'un euro par jour, qui représente un gain de pouvoir d'achat considérable de 30 euros par mois – 60 euros pour un couple – pour l'ensemble des petits retraités. Cette nouvelle complémentaire devrait concerner, je le précise, jusqu'à 3 millions, voire 4 millions de foyers modestes, alors que l'aide à la complémentaire santé ne concerne actuellement que 1,2 million d'entre eux. Je rappelle également que les retraités seront les premiers bénéficiaires du « reste à charge zéro », puisque les lunettes, les soins dentaires et les audioprothèses sont un poste de dépense important pour les personnes âgées.

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