Intervention de Jean Bizet

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 17h15
Commission des affaires européennes

Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat :

Je me réjouis de cette nouvelle occasion d'échanger avec nos collègues députés et parlementaires européens. À l'approche des prochaines élections, il est indispensable d'avoir un regard rétrospectif sur la mandature écoulée, pour mieux préparer les défis que nous réserve celle qui vient.

Je voudrais d'abord saluer la démarche de la Commission européenne qui a souhaité se concentrer sur un nombre limité de priorités, dix au total, fidèle à son objectif de définir ce qu'on appelle « l'Europe de l'essentiel ». Cela me paraît indispensable pour répondre au reproche d'une Europe tatillonne et dispersée. Les discours annuels sur l'état de l'Union ont permis de conserver ce cap. Les initiatives présentées parallèlement se sont inscrites dans le cadre des priorités annoncées. De ce point de vue, le rôle du vice-Président de la Commission, Franz Timmermans, a été efficace pour ne conserver que les initiatives en lien avec les objectifs politiques annoncés.

Sur la base des initiatives de la Commission européenne, l'activité législative a été efficace, un accord a pu être trouvé sur près de la moitié des propositions entre le Conseil et le Parlement, et 20 % ont bien avancé dans le processus. Dans son programme de travail pour 2019, la Commission entend se limiter à un nombre restreint d'initiatives, qu'elle juge essentielles pour concrétiser ses dix priorités.

Nous devons saluer les progrès accomplis mais être conscients des défis à relever. Le marché unique est une réalisation majeure de la construction européenne, curieusement on vient d'en prendre une plus pleine conscience depuis le Brexit : nous sommes copropriétaires du premier marché économique mondial. Nous devons encore y intégrer les enjeux du numérique, et notamment les progrès de l'intelligence artificielle. Peut-être devons-nous réviser la politique européenne en matière d'autorité de la concurrence. Nous l'avons souligné à plusieurs reprises au Sénat ces dernières années. L'unanimité constitue un frein puissant à une véritable convergence fiscale ; le Président Juncker dans son discours de septembre sur l'état de l'union l'a rappelé avec insistance. Mais le travail continue car pour obtenir un changement en la matière, il faut un vote à l'unanimité.

L'union de l'énergie reste à parachever, même si le sommet de la zone euro a pu amener certains progrès. L'Eurogroupe sera appelé à travailler à une forme de budget de convergence et de compétitivité, avec une forme de budget d'investissement, ou de fonds d'investissement.

Lors du débat post-Conseil que nous avons eu avec elle, la Ministre des Affaires européennes soulignait également l'importance de l'appui des parlements nationaux en la matière, notamment lors des conférences réunies en vertu de l'article 13 du Traité de la Stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. La taille de cet instrument sera déterminée dans le prochain cadre financier pluriannuel.

On peut se réjouir que la position allemande ait évolué sur ce sujet. C'est au vu de ce qui sera proposé en janvier 2019 que l'on pourra avoir une appréciation plus précise de la portée réelle que pourra avoir cet instrument.

En matière commerciale l'Union semble sortie d'une certaine forme de naïveté, face à des partenaires qui n'hésitent pas à manier le rapport de force. Elle doit encore agir pour concrétiser le filtrage des investissements directs étrangers. Nous sommes impatients d'avancées plus significatives en matière de sécurité, avec notamment un parquet européen compétent pour lutte contre le terrorisme et la grande criminalité. Concernant les migrations nous prenons acte des progrès réalisés avec Frontex. Nous nous réjouissons que sa ligne budgétaire soit multipliée pratiquement par 2,6 dans le prochain cadre financier pluriannuel, et que le programme soit doté d'une nouvelle mission en rapport avec les procédures de retour. Les ratios ne sont en effet pas satisfaisants en France, puisqu'ils se situent autour de 14 % à 15 %. Mais Frontex a surtout une mission essentielle en matière de sécurité des frontières extérieures, nous relevons également l'augmentation du budget alloué. Le nombre de franchissements illégaux des frontières est revenu à son niveau d'avant la crise, mais il reste encore beaucoup à faire pour que l'Union parvienne enfin à une véritable maîtrise des flux migratoires. À cet égard nous regrettons le manque d'avancées sur un paquet de sept textes, dont la réforme du règlement dit de Dublin constitue l'élément central. Je regrette aussi que la présidence autrichienne n'ait pas réalisé une coordination européenne pour la signature du pacte de l'ONU sur les migrations, qui suscite inquiétudes et controverses.

Au total, nous voyons bien que l'Union européenne devrait poursuivre son recentrage sur les compétences pour lesquelles la valeur ajoutée européenne est bien perçue par les citoyens. Cette Europe recentrée doit s'affirmer sur la scène internationale et respecter pleinement la subsidiarité, sur ce sujet les propositions de la task force de Frans Timmermans sont restées en deçà de nos attentes.

L'Union européenne doit être plus lisible et plus proche des citoyens, elle doit réformer son fonctionnement pour faire toute sa place au contrôle démocratique, notamment grâce au contrôle des parlements nationaux.

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