Intervention de Pierre Jarlier

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Jarlier, vice-président de l'Association des maires de France :

Monsieur Jean-Claude Leclabart, vous avez évoqué la nécessaire souplesse de la future agence. Celle-ci devra être certes nationale, mais véritablement déconcentrée ; l'échelon départemental semble pour cela le plus adapté, car plus proche du terrain – en lien direct avec les intercommunalités.

Concernant les territoires qui bénéficieront, en priorité, de l'appui de l'agence, il ne me semble pas bon d'opposer le rural et l'urbain ; certains quartiers périurbains sont eux aussi en très grande difficulté. C'est pourquoi nous sommes favorables à la disposition, amendée par le Sénat, donnant la priorité aux territoires les plus fragiles, qu'ils soient périurbains ou ruraux.

Nous pouvons cependant nous interroger quant à l'éligibilité des métropoles à ce dispositif : même si elles sont dotées de moyens importants en ingénierie, il convient de ne pas les exclure d'emblée. Mais, bien entendu, les territoires les plus fragiles devront être prioritaires.

L'agence pourrait également avoir pour mission de faire remonter à l'ensemble des structures de l'État nos préoccupations. Un suivi serait alors nécessaire, car faire remontrer les problèmes, c'est bien, mais apporter des solutions, c'est mieux.

Monsieur Jean-Marie Sermier, s'agissant de la gouvernance locale, je vous ferai à peu près la même réponse que dans mon propos liminaire : le relais de l'agence doit se faire au plus près du terrain. En d'autres termes, le préfet – voire le sous-préfet – est selon nous l'interlocuteur idéal, proche du terrain et des élus.

Vous nous demandez ensuite comment devrait être financée l'agence. J'ai bien un élément de réflexion à vous soumettre, mais il appartient à l'État de répondre à cette question. Certains territoires possèdent une puissante dynamique économique et démographique, ainsi qu'une capacité d'intervention très forte. À partir de ce constat, nous devons nous poser la question de la juste répartition des richesses sur le territoire national et sans doute nous faudra-t-il aussi, à un moment donné, nous poser celle de la solidarité territoriale pour financer l'ingénierie nécessaire aux territoires qui ont le plus besoin de soutien.

Je vous rappelle la proposition de l'Association des petites villes de France : prélever 1 % des recettes de fonctionnement des métropoles pour le redistribuer aux territoires les plus fragiles. Je ne sais pas s'il s'agit de la bonne solution, mais c'est une voie intéressante – et surtout nécessaire.

Madame Aude Luquet, l'idée selon laquelle l'agence pourrait mettre des agents à la disposition des territoires, en complémentarité des agents départementaux – qui apportent déjà un certain nombre de services – est une idée intéressante. Que l'agence puisse apporter de l'ingénierie aux collectivités sur des sujets non traités par les agences départementales est effectivement une voie à explorer, d'autant que des outils existent. Je pense au CEREMA, qui dispose d'une ingénierie de premier ordre – vous avez d'ailleurs fait référence à sa capacité d'expertise sur de nombreux sujets – et qui travaille déjà beaucoup avec les départements.

En revanche, nous sommes très prudents quant à l'idée de fusionner d'autres agences de l'État au sein de l'ANCT. Pourquoi ? Parce qu'il a fallu quatre ans au CEREMA pour s'organiser. Or les territoires pour lesquels le risque de fracture territoriale est important ont besoin d'un outil opérationnel rapidement. Par ailleurs, l'objectif de l'agence n'est pas de restructurer les services de l'État, mais bien d'être un outil au service des collectivités, d'autant que l'ANAH, l'ANRU et l'ADEME remplissent leurs missions de façon très satisfaisante. Donc, ne bouleversons pas tout, fédérons des outils au sein de l'ANCT et laissons-la travailler sur le terrain.

Monsieur Guy Bricout, vous avez évoqué la question des inégalités territoriales et souligné le fait que l'agence ne devrait pas travailler au détriment d'agences existantes. C'est là toute la difficulté de l'exercice : trouver le bon équilibre entre l'ingénierie proposée par les agences départementales, qui offrent un vrai service de proximité, et celle de la future agence, qui devra venir en complémentarité.

Enfin, monsieur Bertrand Pancher, vous avez raison, ce n'est pas l'ANCT qui réglera la question de l'absence de politique d'aménagement du territoire. L'organisation territoriale a changé ; dorénavant, ce sont les collectivités qui assurent les différentes compétences de l'aménagement du territoire. Or elles ne sont pas toutes en mesure d'assumer ces nouvelles responsabilités. C'est pourquoi la solidarité de l'État devra être organisée de façon à éviter la fracture territoriale.

L'ANCT devra s'assurer, comme vous l'avez dit, qu'il ne reste pas de « trous dans la raquette », sans quoi nous verrons des métropoles relever les défis qui se présentent en matière de développement durable, de mobilité, de changement climatique, de transition énergétique, alors que les autres territoires ne seront pas en capacité de mener ces politiques.

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