Hier soir, sans surprise, les députés britanniques ont massivement rejeté l'accord de Brexit négocié avec Bruxelles par la Première ministre Theresa May. À deux mois et demi à peine de la date prévue pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et à quatre mois des élections européennes, nous nous enfonçons dans l'incertitude.
La discussion nationale sur les mérites et inconvénients de l'appartenance à l'Union européenne ne s'ouvre que maintenant et le peuple britannique vient de découvrir la complexité et les conséquences du Brexit. Ce débat arrive malheureusement un peu tard.
L'accord sur le Brexit était un compromis équitable et le meilleur accord possible, mais il ne semble satisfaire ni les europhiles, partisans de liens plus étroits avec l'Union européenne, ni les eurosceptiques, désireux d'une rupture plus franche. La Première ministre Theresa May a jusqu'à lundi pour présenter un plan B. Elle pourrait être tentée de renégocier l'accord à Bruxelles, mais à part quelques clarifications, les négociateurs européens sont allés jusqu'au bout de ce qui pouvait être fait. Il serait inconséquent d'essayer de régler un problème de politique intérieure britannique en oubliant les intérêts des Européens. Comme l'a fait remarquer le chef de l'État, la pression est plutôt chez eux.
Que peut faire le Royaume-Uni maintenant ? La situation actuelle nous rapproche d'un Brexit sans accord, ce qui rend encore plus nécessaire l'adoption du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures qui s'imposent. Toutefois, il ne faut pas écarter l'éventualité qu'il n'y ait finalement pas de Brexit, par suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne permettant au Royaume-Uni de décider unilatéralement de renoncer à la procédure de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, sans avoir à demander l'aval des autres États membres, ni celle qu'un autre référendum soit organisé. Quant à la demande de report de la date du Brexit, elle risque d'entrer en contradiction avec le texte des traités. En effet, si cette date est fixée au-delà du 30 juin 2019, date de constitution du nouveau Parlement européen, le Royaume-Uni devra participer aux élections européennes qui se dérouleront entre le 23 et le 26 mai.
Quoi qu'il en soit, l'Union européenne ainsi que la France doivent se préparer au retrait du Royaume-Uni et ce dernier doit clarifier ses intentions aussi vite que possible.
Les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne soulèvent des inquiétudes, notamment s'agissant de la libre circulation des personnes et des marchandises. Pour rappel, ce sont chaque année 25 millions de tonnes de marchandises qui transitent par le tunnel sous la Manche ; on imagine aisément, en cas d'impréparation, les conséquences d'un rétablissement des frontières !
Malgré la méfiance instinctive que le recours aux ordonnances provoque chez les parlementaires, le présent projet de loi d'habilitation se justifie par le besoin, dans le contexte actuel, d'une réaction rapide. C'est pourquoi il est nécessaire et dans l'intérêt du pays de donner au Gouvernement les moyens de nous préparer aux conséquences du retrait britannique. Il importe de rappeler que ces mesures ne se substitueront pas aux décisions de l'Union européenne, mais qu'elles visent à les compléter.
Plusieurs points doivent retenir notre attention. D'abord, nous devons rester attentifs à la situation et aux droits des ressortissants français établis au Royaume-Uni. Le Gouvernement prendra d'ailleurs les mesures appropriées concernant les ressortissants britanniques installés en France, tout en tenant compte du statut accordé par le Royaume-Uni à nos ressortissants sur son territoire.
Afin de préparer au mieux un éventuel rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni, le Gouvernement pourra prendre par ordonnances des mesures permettant d'accélérer l'aménagement de locaux, l'installation ou le développement d'infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières.
D'autre part, nous savons, madame la ministre, que vous êtes vigilante quant au sort des fonctionnaires de nationalité britannique, lesquels risquent de perdre leur statut et leur avancement. Il serait doublement tragique, pour la France et pour ces personnels, que toute possibilité de collaboration soit perdue.
Je souhaiterais en outre revenir sur cette marotte que sont pour moi les zones franches. Serait-il possible de lancer une étude sur les zones portuaires, qui risquent d'être touchées par le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ? Certains ports français pourraient remplir les conditions requises pour devenir des zones franches. Une telle mesure serait assurément bénéfique pour leur santé économique, ainsi que pour la préservation des emplois et des entreprises.
Le texte qui nous est proposé apporte des réponses protectrices pour nos concitoyens et nos entreprises. Il permettra à la France d'anticiper la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et de s'adapter à tous les scénarios. Je tiens à saluer l'accord obtenu en commission mixte paritaire, ainsi que le travail réalisé par la commission spéciale, son président et son rapporteur.
Nous n'aimons pas les ordonnances – c'est une pharmacienne qui vous le dit – ,