Je suis la première à admettre que le budget 2018 ne permet pas, en l'état actuel des choses, de faire face à 100 % du coût final des opérations extérieures – coût que nous ne connaissons d'ailleurs pas à l'heure où nous nous parlons mais dont on peut considérer qu'il sera supérieur à 650 millions d'euros. On appelle cela comme on veut – sous-budgétisation ou autre, peu importe le terme –, mais il est certain que la situation n'est pas optimale. Elle est moins mauvaise qu'il y a un an puisque la provision aura été augmentée. En même temps, nous ne pouvons pas, compte tenu de la difficulté des temps et des contraintes qui ont pesé sur les arbitrages d'ensemble du budget 2018, imaginer de franchir d'un seul coup d'un seul une marche d'escalier qui représenterait entre 600 et 800 millions d'euros, pour pouvoir d'entrée de jeu avoir dans notre base budgétaire l'essentiel des crédits représentatifs du coût des OPEX. Par ailleurs, je ne suis pas pressée d'aller trop vite dans ce sens car j'ai l'espoir – peut-être infondé, nous verrons – de pouvoir obtenir un financement interministériel de ces opérations. Vous avez donc raison : nous n'avons pas budgétisé les OPEX à 100 % dans le projet de loi de finances pour 2018. Cela étant, la Cour des comptes pourra aussi reconnaître et souligner qu'un effort a été fait et que celui-ci sera très probablement poursuivi dans des proportions qui seront précisées ultérieurement.
Eu égard au bâtiment B2M, peut-être ma langue a-t-elle fourché : c'est une livraison, et non pas une commande, qui sera enregistrée cette année.
S'agissant du service national, l'objectif recherché – après la suppression, il y a de nombreuses années, de la conscription – est de reconstituer un lien entre l'armée et la Nation en tenant compte du fait que la menace est perceptible par chacun d'entre nous. Nous avons d'ores et déjà subi des événements dramatiques tels que le contexte est propice à la reconstitution de ce lien. On le voit quotidiennement à l'accueil positif et chaleureux qui est fait aux forces Sentinelle au cours de leurs patrouilles auprès de la population. Tout l'enjeu est de déterminer quelle forme donner à ce service national dont les contours ont été tracés en partant de l'idée qu'il ne serait pas étalé sur un an mais plutôt sur un mois. Il est aujourd'hui encore trop tôt pour dire selon quel calendrier ce service national sera instauré. Nous allons travailler, pendant les prochains mois, à la préfiguration de ce dispositif. Pour en revenir à la question du périmètre budgétaire, il est clair que le budget 2018 ne prévoit pas de moyens alloués à ce service national, d'une part, parce que tant que nous n'en connaissons pas les premières modalités, nous n'avons pas d'estimation de ce coût total ; d'autre part, parce que la question de la répartition de son financement sera posée. Je ne vois pas de raison particulière pour que le ministère des Armées en assume seul la charge. Il est vrai que j'ai plus d'interrogations que d'éléments de certitude à vous fournir à ce sujet, mais je peux vous dire que nous allons y travailler et que nous associerons à notre réflexion les parlementaires qui le souhaitent.
En ce qui concerne l'entretien programmé des matériels, vous avez rappelé que l'effort était notable mais qu'il existait pour autant des problèmes plus structurels : ceux-ci sont traités depuis un certain nombre d'années sans nécessairement que, dans le domaine aéronautique en particulier, les performances et la disponibilité opérationnelles soient jugées suffisantes. L'entretien programmé des matériels et le maintien en condition opérationnelle sont complémentaires. Si l'on raisonne non pas en termes de delta mais de masse budgétaire, l'entretien programmé des matériels représente près de quatre milliards d'euros au total, toutes armées confondues, et le MCO, six milliards d'euros. L'effort de 450 millions d'euros est considérable puisqu'il représente une progression de 13 %. La situation et la disponibilité de nos matériels sont assez variables suivant les armées. En gros, dans le domaine naval, cela va plutôt bien. Au sein de l'armée de terre, il faut distinguer clairement les matériels qui sont en opération des matériels qui sont restés sur le territoire national. Il en va de même dans l'armée de l'air où les coefficients de disponibilité sont très élevés pour les matériels qui sont en opération extérieure et peuvent, suivant la génération de matériels – lorsqu'il s'agit de matériels anciens – être dramatiquement bas sur le territoire national. D'ailleurs, ils peuvent aussi être dramatiquement bas pour des matériels plus récents, ce qui suscite de fortes inquiétudes. C'est pourquoi je souhaite porter toute mon attention dans les prochains mois sur la disponibilité des avions. J'ai confié une mission à Christian Chabbert qui doit me rendre ses conclusions à la fin de l'année 2017 afin que nous puissions agir dès 2018. Cette action portera certainement sur plusieurs leviers. Je puis en tout cas vous assurer de la forte mobilisation des personnels du ministère chargés du maintien en condition opérationnelle des avions. Je ne mets donc pas du tout en cause les efforts qui ont été réalisés. Il reste que la complexité des processus et la multiplicité des interlocuteurs nous empêchent d'atteindre le taux de disponibilité que l'on pourrait souhaiter. L'avion A400M est d'ailleurs un sujet d'inquiétude en soi.
J'en viens maintenant à la Corée du Nord.
Vous avez rappelé le mouvement de sortie auquel avait procédé cet État vis-à-vis du Traité de non-prolifération. S'agissant des moyens dont nous disposons pour contrôler les États qui ne respectent pas ce traité et, plus globalement, pour contrôler ce qui se passe en matière nucléaire, c'est l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui est chargée de vérifier le respect des engagements pris par les signataires du traité ou d'autres accords internationaux – je pense en particulier à l'Iran. Le problème, c'est qu'à ma connaissance, l'AIEA n'a pas accès aux installations nucléaires de la Corée du Nord.
Nous pouvons alors appliquer des sanctions. Différents régimes se sont succédé en la matière. De nouvelles sanctions ont été décidées lors de la récente Assemblée générale des Nations unies mais comme vous l'avez rappelé, Monsieur le député, il ne suffit pas d'énoncer des sanctions, encore faut-il faire en sorte qu'elles soient respectées. Il est cependant des motifs d'espoir dans ce dossier désespérant : la Russie et la Chine ont voté les sanctions sans difficulté majeure. En outre, il ressort des contacts que le ministre des Affaires étrangères a pu avoir que ces deux grandes nations ont pris conscience de la responsabilité particulière qu'elles pouvaient avoir dans la mise en application de ces sanctions. Je ne puis vous en dire plus : le ministre des Affaires étrangères sera mieux à même que moi d'en parler. Mais il est tout à fait indispensable que ces sanctions soient appliquées sérieusement. J'ai quand même entendu les autorités chinoises s'exprimer en des termes qui montrent que le sujet préoccupe désormais beaucoup Pékin alors que jusqu'à présent, la Chine n'était guère impliquée en ce domaine.
Il convient également de mentionner les sanctions que l'Union européenne sera amenée à prendre : la France souhaite jouer un rôle d'influence important vis-à-vis de nos partenaires européens pour qu'un régime de sanctions sévère et efficace puisse être institué.
Je peux difficilement aller beaucoup plus loin, Monsieur le député, car je n'ai malheureusement pas la solution clef en main – à vrai dire, personne ne la détient. Cela a été dit à plusieurs reprises, ce régime de sanctions est aussi destiné à permettre d'aboutir, à un moment donné, à une négociation avec la Corée du Nord. Force est de constater que nous n'en sommes pas là.