Je ne vais pas revenir sur votre prédiction, Monsieur de la Verpillière. Nous verrons bien. De toute façon, il y aura un juge de paix. Je suis quelqu'un de pragmatique. Je ne dis pas que tout est parfait mais je constate que la situation serait beaucoup plus compliquée si les crédits n'augmentaient pas de 1,8 milliard d'euros. Je pense que nous pouvons nous rejoindre sur ce constat.
Pour revenir à un débat que nous avons eu précédemment, je crois qu'il est important que ce budget soit sincère en ce sens qu'il permet de financer des décisions prises dans le passé et qui n'étaient pas forcément financées jusqu'à présent. Comme nous avons déjà longuement disserté sur la situation des OPEX, je n'y reviens pas.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur notre décision d'armer les drones, ce qui répond à un objectif d'efficacité. Nos drones de reconnaissance ne pouvant pas intervenir, nous étions confrontés à des délais d'intervention qui pouvaient nous faire manquer une opération. Les garanties en matière de conditions d'emploi – que certains appelaient de leurs voeux – ont été apportées.
Les drones seront armés à partir de 2019, en commençant par les six drones que nous avons commandés. Lorsque ces six drones auront rejoint les forces, ceux qui sont en opération seront rétrofités et équipés d'armes. L'impact financier ne sera donc visible que dans le budget pour 2019. Pourquoi ce délai ? Nous disposons de drones américains et nous devons passer par une procédure officielle qui implique le gouvernement américain ; nous ne pouvons pas commander directement l'armement à l'industriel. Les futurs drones MALE sur lesquels nous travaillons pourront être armés. En tout cas, c'est ce que nous souhaitons.
Les études amont sont dotées de 720 millions d'euros, un montant ayant vocation à être porté à un milliard d'euros aussi rapidement que possible en fonction des prévisions de la loi de programmation militaire. Je ne peux pas vous dire à quel rythme nous allons y parvenir. Nous ajusterons la trajectoire. En tout cas, vous pouvez être assuré que j'y veillerai tout particulièrement. Ces études amont sont fondamentales pour pouvoir développer les programmes d'équipements et les nouvelles technologies dont nos armées ont besoin.
Monsieur Aliot, vous m'avez interrogée sur le rééquilibrage du fardeau. En ce qui concerne l'OTAN, force est de constater que les Américains sont – et de très loin – les premiers contributeurs. Il y a déjà quelque temps, ils ont manifesté leur souhait que les autres membres de l'OTAN accroissent leur participation. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de fixer un objectif, d'ailleurs identique à celui que nous poursuivons : les Nations membres de l'OTAN doivent consacrer 2 % de leur PIB à leur défense ; 20 % de la somme doit financer des investissements en équipements.
Certains pays – dont le Royaume-Uni, l'Estonie, la Pologne et la Grèce – remplissent déjà ces conditions. Dix-sept pays se sont engagés à augmenter fortement leur budget de défense entre 2015 et 2016. L'Allemagne a ainsi fixé à 3 % le rythme de progression de ses dépenses de défense. En 2016, la progression des dépenses de défense des membres de l'OTAN a été très supérieure à 3 % ; il me semble qu'elle frôlait les 4 %. Nous sommes donc clairement engagés dans ce processus. Cet effort supplémentaire, demandé à l'ensemble des membres de l'OTAN, tient compte d'un changement de contexte stratégique : contrairement à ce qu'on avait pu croire, après la fin de la Guerre froide les questions de défense, de protection et de sécurité ne relèvent pas du passé.
Qu'en est-il de l'Europe ? Les Européens contribuent d'ores et déjà aux opérations sur le terrain. On le voit dans le cadre des opérations que nous menons, même lorsque nous agissons hors cadre de coalition comme pour Barkhane au Sahel. Nos partenaires apportent des contributions en nature : mise à disposition de capacités de transport, ravitaillement en vol, etc. On voit bien que nos alliés et partenaires européens cherchent à nous soutenir. Les Américains le font également puisqu'ils interviennent au Sahel.
Certains États manifestent aussi leur volonté de s'unir entre eux, indépendamment des mécanismes européens qui sont en train de se mettre en place dans le cadre de l'Europe de la défense, afin de mener des opérations communes. C'est le but de la coopération structurée et permanente. À la Sorbonne, le président de la République a plaidé pour que ces interventions communes puissent se faire encore plus facilement : si certains États membres estiment qu'il est nécessaire d'intervenir lorsqu'un événement survient, ils doivent pouvoir le faire rapidement. Cette rapidité d'intervention implique une capacité à concevoir ces opérations ensemble en amont, une culture opérationnelle commune – que nous entretenons par l'interopérabilité développée à l'OTAN. Par le biais du fonds européen de défense, qui est en cours de constitution, les États peuvent aussi contribuer à des programmes communs d'investissement de défense.
On ne peut donc pas dire que la contribution de la France au budget de l'Union européenne progresse sans aucune contrepartie. Chaque État membre contribue, comme il se doit, au budget de l'Union européenne. La France mène aussi des opérations militaires avec l'appui de plus en plus manifeste d'autres États membres de l'Union européenne. Avec quelques partenaires européens, nous nous sommes ainsi mobilisés pour que la force conjointe du G5 Sahel puisse avoir des moyens effectifs et suffisants pour contribuer elle-même à la stabilisation de cette région. L'Allemagne, l'Italie, l'Espagne contribuent à la mobilisation de fonds ou de moyens pour soutenir cette force conjointe du G5 Sahel. De plus en plus, nous agissons de façon conjointe, y compris en dehors des financements communautaires.
S'agissant de Louvois, tout n'est pas parfait, mais ça va mieux : la situation est à peu près sous contrôle puisque 97 % des soldes sont payées comme elles doivent l'être, alors que ce taux n'était que de 90 % il y a quelques mois. Nous progressons et nous devrions afficher bientôt un taux de 100 %. Nous travaillons à la substitution de Louvois par Source Solde. Lors de mon déplacement à Toulon, je me suis rendue dans le service de la marine qui travaille au basculement d'un calculateur à l'autre. Nous serons attentifs aux différentes phases intermédiaires : nous ne basculerons pas d'un seul coup d'un monde à l'autre. Nous ferons des soldes à blanc, puis nous aurons un système de double calcul par l'un et l'autre logiciel. Lorsque tout cela fonctionnera parfaitement bien, nous envisagerons le basculement définitif vers Source Solde. A priori, c'est la marine qui devrait initier le processus, suivie de l'armée de terre.
Concernant Saclay, vous avez raison d'insister sur la nécessité de rapprocher nos écoles d'ingénieurs pour qu'elles aient la taille critique et la visibilité internationale qu'elles méritent. Il y va aussi de notre taille critique en termes d'innovation, donc de puissance économique de nos entreprises. J'assure la tutelle de deux écoles d'ingénieurs qui se trouvent sur le plateau de Saclay : l'École Polytechnique et l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA). Je suis très favorable à ce que ces deux écoles puissent se regrouper avec d'autres pour constituer un cluster dans la zone de Saclay. Parmi les autres écoles auxquelles nous pourrions penser, il y a au moins Télécom Paris et l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE). Je crois que le président de la République a l'intention de se rendre à Saclay à la fin du mois d'octobre. C'est une échéance intéressante pour essayer d'avancer d'ici là et de réactiver une stratégie collective entre, d'un côté, les différents établissements d'enseignement supérieur, et, de l'autre, les établissements de recherche.
La dernière question portait sur la manière d'associer la société civile à la réflexion sur la cybersécurité. Nous avons un premier rendez-vous : la revue stratégique à laquelle certains représentants de la société civile ont pu contribuer, et qui traitera notamment de ces sujets. Nous devons aller bien au-delà de la mobilisation de l'État puisque les attaques cyber concernent potentiellement des entreprises qui peuvent jouer un rôle très important dans la vie de nos concitoyens. Nous allons, en effet, devoir trouver la bonne façon de mobiliser la société civile et les forces vives, notamment dans le domaine des entreprises, pour renforcer notre niveau de protection par rapport à ces attaques cyber.