Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis très heureuse et très honorée d'être parmi vous aujourd'hui.
Il me revient de vous présenter ce projet de budget 2018 consacré aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens armée-Nation, notamment au travers de la jeunesse.
En préambule, je tiens à vous préciser les missions qui m'ont été confiées par Mme Parly – outre celle de la suppléer en cas de besoin.
Il y a, bien sûr, le monde combattant et la mémoire, mais aussi le lien armée-Nation, entendu au sens large : la jeunesse ; la culture, le ministère des Armées étant le deuxième acteur culturel français au travers de ses musées et de ses services d'archives ; la formation, avec les lycées militaires et les liens à tisser ou à renforcer avec les lieux de formation civile pour que nos armées puissent recruter des jeunes disposant des compétences requises ; la santé, avec le service de santé des armées, où j'aurai l'occasion d'épauler Florence Parly ; les liens entre le monde économique local et nos sites militaires, ainsi que le développement durable de nos sites militaires. Comme vous pouvez le constatez, le champ est très vaste, et les sujets abordés sont aussi passionnants les uns que les autres.
Je vais me concentrer aujourd'hui sur deux programmes de la mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », les programmes 167 et 169, qui sont classiquement présentés par le secrétaire d'État. C'est toujours un moment important de la discussion parlementaire, qui traduit la reconnaissance et la solidarité de la Nation envers nos anciens combattants.
Ce budget 2018 s'articule autour de quatre principes : maintenir l'ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation au profit des anciens combattants et victimes de guerre ; honorer les engagements pris, notamment par le précédent gouvernement ; apporter deux mesures nouvelles pour les anciens combattants, dans le sens de l'équité pour l'une, d'une meilleure reconnaissance pour l'autre ; enfin, respecter l'importance du cycle mémoriel que nous allons vivre en 2018 – en tenant compte bien sûr du contexte budgétaire qui nécessite l'engagement de tous dans la réduction du déficit public.
Le budget total s'élève à 2,36 milliards d'euros, en diminution de 3 % par rapport à 2017. La baisse du nombre de bénéficiaires étant estimée à 5 % pour l'année 2018, on peut considérer que ce budget reste dynamique.
Nous avons fait le choix politique de tenir les engagements pris, pour l'année 2017, par la majorité précédente à l'égard du monde combattant, au titre de la reconnaissance et de la réparation que lui doit la Nation. Notamment, nous maintenons l'ensemble des dispositifs au profit des anciens combattants et victimes de guerre.
La principale mesure mise en oeuvre en 2017 était l'augmentation de quatre points de la retraite du combattant – deux points en janvier, et deux points en septembre. Comme prévu, nous avons conforté cette augmentation de septembre 2017. Ainsi, le montant annuel de la retraite du combattant sera porté à 750 euros. Cela représente 30 millions d'euros supplémentaires en année pleine, qui sont inscrits dans le budget. Globalement, la retraite du combattant représente, dans ce PLF 2018, 744 millions d'euros pour un peu plus d'un million de combattants.
Les pensions d'invalidité représentent, quant à elles, le premier poste budgétaire de la mission, avec 1,074 milliard d'euros pour 2018, et 209 000 bénéficiaires. Le montant moyen annuel de la pension militaire d'invalidité (PMI) est de 5 078 euros. Il est évidemment fonction du taux d'invalidité, et peut aller de 700 euros à 12 600 euros pour 100 % d'invalidité.
J'ai souhaité prendre deux mesures nouvelles qui répondent à des impératifs d'équité, et améliorent des dispositifs qui guident la Nation dans son devoir de reconnaissance et de réparation envers nos anciens combattants.
Premièrement, les anciens combattants et conjoints survivants d'anciens combattants bénéficieront tous du même mode de calcul de leur pension d'invalidité et de leur pension de réversion. Jusqu'à présent, on avait appliqué aux anciens combattants de la guerre d'Algérie un calcul différent selon qu'ils avaient été considérés comme invalides avant ou après le 3 août 1962. Dorénavant, le calcul se fera de la même façon pour tous, sur la base du taux du grade. Six millions d'euros seront consacrés à cette mesure nouvelle dans le PLF 2018. Cela répond parfaitement à des demandes exprimées depuis bien longtemps par les associations. Sont concernées environ 7 500 personnes, dont 6 200 conjoints survivants, 1 000 invalides et 220 orphelins.
Deuxièmement, les dispositifs de réparation en faveur des harkis seront améliorés. J'ai souhaité revaloriser de 100 euros l'allocation de reconnaissance et la rente viagère pour les harkis. Une enveloppe de 550 000 euros est inscrite dans le budget au titre de cette mesure. Notez que le budget total de l'allocation de reconnaissance et de la rente viagère dans le budget 2018 est d'un peu plus de 15 millions d'euros.
Par ailleurs, nous avons évalué, avec les associations de harkis, le plan « harkis » établi en 2014. Celui-ci s'articulait entre un volet « mémoire » et un volet « réparations et intégration sociale ». Les résultats sont assez mitigés : si le premier volet a bien été mis en oeuvre, le second, surtout dans sa dimension d'intégration sociale, n'a pas eu les effets escomptés. Le 25 septembre, les associations de harkis ont été reçues par le président de la République qui leur a proposé de former un groupe de travail.
Après les harkis, je souhaite dire un mot des opérations extérieures (OPEX). Vous savez que nos militaires ayant participé à une opération extérieure d'au moins 120 jours, soit quatre mois, peuvent prétendre à la carte du combattant. Jusqu'à présent, 40 000 militaires ont fait cette demande. Mais le nombre des bénéficiaires potentiels s'élève à 150 000.
Bien entendu, cette carte du combattant donne aux intéressés une reconnaissance identique à celle des autres générations de combattants. Ils peuvent bénéficier des mêmes dispositifs. Pour l'instant, l'impact budgétaire est faible, car les personnes qui peuvent prétendre à cette carte au titre des OPEX sont des jeunes qui n'ont pas encore atteint l'âge de la retraite.
Ensuite, nous allons continuer à soutenir nos opérateurs, que sont l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et l'Institution nationale des Invalides (INI).
La subvention de 58 millions d'euros versée à l'ONACVG pour son fonctionnement est en augmentation par rapport à l'année dernière. Cela étant, l'Office s'apprête à intégrer en son sein le service central des rapatriés (SCR), qui était jusque-là rattaché au ministère de l'Intérieur.
L'ONACVG est un service qui s'est totalement restructuré en recentrant ses missions, tout en gardant une présence de proximité non seulement dans chaque département français et d'outre-mer, mais aussi en Algérie, au Maroc et en Tunisie. J'ai rencontré ce matin les directeurs départementaux de l'ONACVG, qui constituent de vrais liens entre le ministère et les anciens combattants, et servent la mémoire sur les territoires. C'est un opérateur de très grande qualité.
Le budget d'action sociale de l'ONACVG est maintenu à 26,4 millions d'euros, à destination des anciens combattants, des conjoints survivants et de la quatrième génération du feu. Il intervient dans la réinsertion des blessés physiques et traumatisés psychologiques afin qu'ils puissent retrouver un emploi et se réinsérer dans la société. Il soutient également les victimes d'actes de terrorisme, car cela fait maintenant partie de ses missions. Aujourd'hui, il en accompagne plus de 2 000 – victimes et membres de leur famille. Il accompagne enfin les pupilles de la Nation. Ainsi, au cours de l'année 2017, qui n'est pas terminée, l'ONACVG a pris en charge 105 pupilles supplémentaires – dont 53 après les attentats de Nice. C'est donc un opérateur indispensable.
L'INI est une très belle institution, qui est en pleine évolution – avec un projet médical, pour se recentrer sur la reconstruction physique et psychologique des blessés, et un projet de restructuration et d'amélioration des bâtiments. L'Institution a établi un plan d'investissement de 50 millions sur les cinq ans à venir. 800 000 euros en crédits de paiement sont d'ailleurs inscrits dans ce budget pour le démarrage des études et les premiers travaux en 2018. Quant à notre participation au fonctionnement de l'INI, elle reste inchangée – plus de 12 millions d'euros.
J'en viens au deuxième pan de ce budget : la mémoire.
L'année 2018 sera synonyme de commémoration, puisqu'elle marquera la fin du cycle mémoriel consacré au centenaire de la Grande Guerre. En honorant ces ultimes combats, nous rendrons une nouvelle fois hommage aux blessés et morts tombés pendant ce conflit mondial.
Une enveloppe supplémentaire exceptionnelle de 5,3 millions d'euros fera passer le budget « mémoire » à 28,2 millions d'euros, soit 25 % de plus qu'en 2017. Ce sont les opérateurs et les services du ministère qui mettent en place toutes les opérations mémoire. Pour le ministère, ce sera la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) et pour les opérateurs, l'ONACVG et la Mission du Centenaire pour tout ce qui a trait au centenaire de la Grande Guerre.
Pour l'instant, la Mission du Centenaire n'a pas arrêté complètement les manifestations qui auront lieu en 2018. Elle va le faire très prochainement. Je pense rencontrer d'ici peu son directeur, pour en définir les orientations. Je pense que ces commémorations se dérouleront autour du 14 juillet et du 11 novembre, avec des manifestations de dimension – au moins – européenne.
Au cours de l'année 2018, nous commémorerons des événements liés à d'autres conflits : le soixante-quinzième anniversaire de la mort de Jean Moulin et de la création du Conseil national de la Résistance (CNR), mais aussi le quarantième anniversaire de l'engagement de la France au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL).
Nous poursuivrons l'important travail de mémoire mené avec les établissements scolaires. Nous constatons une vraie appétence de la part du ministère de l'Éducation pour mener ce travail essentiel avec notre ministère et avec l'ONACVG. Les supports et les contenus ont été modernisés, et les jeunes y portent un véritable intérêt.
J'ajoute qu'un nouvel organe nous a rejoints. En effet, l'Ordre national de la Libération, jusqu'ici rattaché au ministère de la Justice, puisque c'était une chancellerie, a demandé son rattachement au ministère des Armées. Ce rattachement, dont je suis très heureuse, était justifié. Pas moins de 1,3 million d'euros seront donc consacrés à cet ordre national, qui fait un travail remarquable.
Ensuite, nos monuments et lieux de mémoire, qui irriguent nos régions, font vivre l'histoire de France. Ils sont autant de lieux d'apprentissage, de transmission et d'éveil à la citoyenneté. 11,2 millions seront versés en 2018 pour l'entretien, la rénovation et la valorisation culturelle et touristique des nécropoles des hauts lieux de la mémoire nationale.
Nous continuons à aider les territoires à créer ou à entretenir les lieux de mémoire. Cette action territoriale est très importante, et il nous revient de l'encourager.
Deux millions d'euros sont par ailleurs consacrés au développement du tourisme mémoriel, en partenariat avec Atout France. Nous avons travaillé sur des promotions, des labellisations de destinations, et pour tout dire, la commémoration du Centenaire a été un vrai facteur de déclenchement de ce tourisme mémoriel. On peut estimer en effet à plus de 11 millions le nombre de visiteurs sur l'ensemble de ces sites, ce qui est très important. Ce développement pourra perdurer dans notre pays si nous arrivons à entretenir les sites et à travailler sur ces réseaux touristiques. Tous nos territoires français y gagnent en vitalité.
Arrêtons-nous quelques instants sur le monument OPEX. Nos soldats morts pour la France sur les différents théâtres d'opérations extérieures doivent être bien évidemment honorés. Mais ce dossier traîne depuis neuf ou dix ans, ce que je trouve absurde. Il y a deux ans, après plusieurs tentatives, il a été décidé d'ériger ce monument dans le parc André Citroën, et plus précisément dans le jardin Eugénie-Djendi. M. Hollande en a posé la première pierre en avril 2017. Le lancement des travaux aurait dû normalement se faire rapidement. Malheureusement, nous nous heurtons à quelques obstacles. Je souhaite rencontrer Mme Hidalgo le plus rapidement possible – un rendez-vous a été sollicité -, pour faire avancer ce dossier. Quoi qu'il en soit, les sommes budgétaires sont inscrites sur nos budgets.
Je terminerai par les actions au profit de la jeunesse, qui constituent un enjeu majeur du lien armée-Nation – troisième pan de ce budget – dont j'ai la charge. La direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) a été mise en place en mai 2017. Ce service assure désormais la coordination de l'ensemble de ces dispositifs ministériels en faveur de la jeunesse. À savoir : la journée « défense et citoyenneté » (JDC), le service militaire volontaire (SMV) et le volontariat militaire d'insertion (VMI), les actions citoyennes et le plan « Égalité des chances ».
Les moyens consacrés à la journée « défense et citoyenneté », que vous connaissez bien et qui est organisée sur tous les territoires, représenteront 14,6 millions en 2018. C'est un peu moins qu'en 2017, parce que le nombre des jeunes concernés a un peu baissé. Par ailleurs, certains contenus ont été modifiés. Mais ce sont de petites modifications à la marge, qui ne changent rien au format de la JDC.
Je voudrais maintenant dire quelques mots du service militaire volontaire (SMV). C'est un service militaire expérimental, dont l'expérimentation a été prolongée jusqu'à la fin de l'année 2018. Il ne figure pas dans les lignes budgétaires que nous examinons aujourd'hui, mais dans le budget général de la défense – pour 30 millions d'euros. Il s'adresse à des jeunes en grande difficulté : rupture scolaire, désinsertion, etc. Il était piloté jusqu'à présent essentiellement par l'armée de terre. Le premier bilan du SMV est assez exceptionnel : sur les 1 000 jeunes qui l'ont intégré, on compte plus de 72 % de sorties très positives – sorties directes dans l'emploi. Comparé aux organismes d'insertion que l'on connaît, c'est un excellent résultat.
Reste le service national universel, auquel je suis pleinement associée.
Ce service national universel a été voulu par le président de la République. Pour l'instant, nous en sommes à une phase de réflexion et de mise place d'une commission de haut niveau qui sera en charge de ce dossier. Les armées ne seront pas les seules impliquées dans cette réflexion. Comme il ne s'agit pas d'un service militaire mais d'un service national, le ministère de l'Éducation nationale sans doute, le ministère de l'Intérieur peut-être, voire d'autres ministères y participeront.
Ce projet est piloté par le Premier ministre qui a demandé aux inspections générales des ministères concernées de faire le bilan de toutes les actions menées en faveur de la jeunesse, de la JDC au service civique. Ensuite, assez rapidement, dans le mois qui vient, la commission dont je vous ai parlée sera installée. Elle devrait réunir tous les ministères concernés, mais également des parlementaires et des personnes qualifiées. Je sais, Monsieur le président, qu'une mission d'information sur le service national universel a été créée à l'Assemblée nationale. Cette initiative viendra en complément de cette commission, et contribuera de façon positive à la réflexion menée autour de ce service national.
L'enjeu est important : faire en sorte que la jeunesse se rencontre, provoquer un brassage parmi les jeunes, leur parler de la sécurité, de la citoyenneté, de la Nation, etc. Tous ces sujets sont importants. Ce sera l'occasion de leur donner certains repères, en particulier pour ceux qui en manquent. Ce sera en tout cas l'occasion de leur montrer ce que sont les armées et nos systèmes de défense, et l'intérêt qu'il y a à se regrouper et à s'entraider pour défendre la Nation.
Je ne peux pas vous en dire davantage pour le moment. Juste qu'à titre personnel, je souhaiterais que ceux qui en ressentent le besoin puissent prolonger cette période de service national. Mais nous en rediscuterons. Sachez qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas de ligne budgétaire pour ce dispositif.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, tels sont les éléments que je voulais vous donner sur le budget des anciens combattants, de la mémoire et de la jeunesse.