Avant tout, je tenais à féliciter les rapporteurs pour leur travail. Le rapport comprendra une contribution traduisant la vision du groupe La France insoumise sur ces questions, dont je me propose de vous livrer ici les principaux éléments. Annoncée il y a quelques mois, l'initiative du Gouvernement visant à établir une véritable stratégie pour l'espace est louable, dans la mesure où l'espace intéresse particulièrement la défense de la souveraineté des Françaises et des Français et constitue un facteur d'entraînement pour l'industrie, tant civile que militaire. Néanmoins, le groupe auquel j'appartiens souhaite rappeler des principes qui nous paraissent essentiels, sur lesquels le Gouvernement ne doit, d'après nous, pas transiger et qui constituent une base pour établir une orientation ambitieuse visant à faire de l'espace une nouvelle frontière de l'humanité, et prenant en compte les enjeux humains et écologiques.
Selon nous, la première des préoccupations de notre pays doit être d'éviter que l'espace ne devienne un nouveau champ de confrontation. L'attitude des grandes puissances spatiales ces derniers temps ne devrait pas conduire à renoncer à cet objectif. L'espace est un symbole de paix et de coopération entre les nations et doit le demeurer. Je citerai deux exemples : premièrement, la présence permanente de l'homme dans l'espace, par le biais de la station spatiale internationale, doit être renouvelée ; deuxièmement, la conduite d'un grand projet de dépollution de l'espace, aujourd'hui nécessaire comme vous l'avez, du reste, parfaitement exposé. Pour ce faire, la France doit faire preuve de circonspection, et ne doit ni stigmatiser, a priori, telle ou telle puissance, ni considérer que tel État serait, par essence, un ennemi, quand un autre serait, à coup sûr, un allié. Je pense notamment aux États-Unis, la mise en place du système GRAVES ayant ainsi largement démontré qu'il ne fallait faire preuve d'aucune naïveté à leur égard. Dès lors, toute démarche visant à renforcer notre autonomie en la matière doit être poursuivie. En ce sens, la réduction de notre dépendance aux composants industriels d'origine étrangère me paraît être une très bonne chose.
En outre, il nous faut refuser l'arsenalisation de l'espace et engager une action diplomatique constante en ce sens. Le meilleur moyen pour y parvenir est de veiller au maintien, au respect et au renforcement de la réglementation internationale. Osons aller plus loin : j'irais même jusqu'à dire que la signature d'un nouveau « Traité de l'espace », plus ambitieux que celui de 1967, doit être un objectif de notre diplomatie et, ce, quelles que soient les difficultés qui s'y attachent. Je ne reviendrai pas sur le fait que l'espace ne doit pas être une sorte d'Eldorado du XXIe siècle, dont la conquête et la possession occasionneraient des violences et des désastres. L'espace doit rester une res nullius et nous nous devons d'empêcher l'appropriation des ressources spatiales : l'espace ne doit pas être un objet de conquête mais d'exploration. À l'échelle de l'espèce humaine et l'aune de l'histoire universelle de l'humanité, c'est bien l'intérêt général humain qui doit prévaloir en la matière. Ceci m'amène à souligner l'enjeu écologique, alors même que nous ne parlons pas suffisamment du rôle essentiel de l'espace dans la lutte contre le réchauffement climatique et son observation. J'ai déjà eu l'occasion de mentionner la question de la dépollution de l'espace et, plus largement, ce qui est vrai dans le domaine écologique l'est également en matière économique. La plupart des personnes auditionnées par la mission d'information ont souligné combien le New Space, trop souvent présenté comme une révolution trouvant son origine dans la libre entreprise, est en réalité le fruit de l'interventionnisme étatique, notamment américain. Aussi le groupe La France insoumise redit-il ici son opposition aux privatisations qui ont eu lieu dans le secteur spatial ces dernières années ainsi qu'aux transformations qui ont affecté le financement de la recherche depuis 2008, par le choix d'opérer des financements de projets, au détriment du soutien à la recherche fondamentale. Pourtant, chacun sait que les découvertes dites « de ruptures » sont le fruit de cette dernière.
J'en viens à présent à la question de la gouvernance. Là aussi, force est de constater que l'idéologie conduit parfois à des aberrations. Ainsi, si certains se félicitent de voir augmenter le budget de la Commission européenne dédié à l'espace, il s'agit en réalité d'un doublon des financements de l'Agence spatiale européenne. De plus, le principe de « retour industriel » qui prévaut dans ce type de programme conduit à subventionner des industries nationales immatures, au détriment de la crédibilité et de l'efficacité des projets conduits au niveau européen. Les déboires de nombre d'entre eux – pensons à Galileo – devraient servir d'avertissements. L'Agence spatiale européenne est, au contraire, le symbole de l'efficacité, au travers de partenariats choisis, autour de nations volontaires désireuses d'avancer ensemble. Mon groupe regrette d'ailleurs que la France soit si naïve, notamment face à l'Allemagne, qui bafoue pourtant les accords de Schwerin.
Enfin, d'un point de vue strictement militaire, le groupe La France insoumise souhaite renouveler ses réserves face à ce que nous pourrions qualifier de « fuite en avant technologique ». Les armées françaises sont historiquement caractérisées par leur capacité à opérer en articulant rusticité et maîtrise des technologies les plus avancées. La maîtrise des technologies spatiales et les possibilités qu'elles offrent aux armées créent autant de vulnérabilités ; il faut mesurer systématiquement leur portée et évaluer l'utilité de ces technologies à cette aune, ainsi qu'évaluer les moyens de remédier aux éventuelles défaillances qu'elles pourraient provoquer. La dépendance de plus en plus certaine de notre dissuasion aux technologies spatiales ne peut que nous conforter en ce sens.