Intervention de Christophe Castaner

Réunion du mardi 22 janvier 2019 à 15h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d'abord de nous accueillir, le secrétaire d'État Laurent Nunez et moi, ce mardi, pour échanger sur cette proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs.

Je sais que certains auraient souhaité plus de temps pour l'examiner, c'est légitime, mais, entre une semaine de contrôle et l'examen d'autres textes, l'ordre du jour est ainsi fait que reporter la lecture de cette proposition de loi reviendrait à la repousser de plus d'un mois. Or il me semblait nécessaire de reprendre cette initiative sénatoriale en évitant de perdre du temps. Je pense que la population attendait un signe fort, que le Premier ministre a donné lors de son intervention récente sur le sujet.

J'ai reçu aujourd'hui même un courrier, également adressé au ministre de l'Économie Bruno Le Maire, de sept grandes associations de commerçants de toute la France, dont les membres attendent aussi des messages forts parce qu'ils sont à bout de nerfs. Et il n'y a pas que ces sept associations, de très nombreux commerçants voient régulièrement des manifestations mal tourner, et c'est bien ce dont on parle : non des manifestations, mais des manifestations qui tournent mal, et j'y reviendrai. Les forces de l'ordre attendent également ce signe et ces dispositions ; il faut le dire. Je sais à quel rythme cela vous soumet et quelles difficultés cela représente, je sais que cela demande un travail particulièrement important, et je vous remercie, madame la présidente, d'avoir pris l'initiative de nous permettre d'échanger cet après-midi avec la rapporteure du texte mais aussi l'ensemble de celles et ceux qui s'intéressent à ce sujet au sein de la commission des Lois, et même – je le constate – au-delà de cette commission. Je ne doute pas que nous vérifierons dans l'hémicycle que le débat intéresse au-delà de la seule commission des Lois. Je crois important d'agir, même si, ancien ministre des relations avec le Parlement, je sais quelles difficultés cela peut représenter.

Face à la violence qui se déchaîne de manifestation en manifestation par des dégradations insupportables et, plus insupportable encore, par des attaques en règle contre les symboles de la République, les préfectures, les sous-préfectures et les mairies, que j'ai eu l'occasion d'évoquer devant vous avec M. Laurent Nunez à la suite des événements et dégradations du 1er décembre dernier, face aux agressions dont sont victimes, parce qu'ils sont gendarmes ou policiers, les membres des forces de l'ordre, nous ne pouvons rester sans réagir. Mais je tiens à dire quelque chose de clair immédiatement : je condamne les violences d'où qu'elles viennent, et je serai toujours intraitable si des manquements ou des fautes sont commis dans les rangs de la police ou de la gendarmerie. Chaque signalement, je le dis solennellement devant vous, chaque plainte fait immédiatement l'objet d'une enquête judiciaire. Aujourd'hui, quatre-vingt-un signalements ou plaintes ont été faits auprès du ministère, quatre-vingt-une enquêtes ont été diligentées ; elles le sont dans le cadre judiciaire, sous le contrôle de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et je serai parfaitement transparent sur leurs conclusions, quitte, si vous le souhaitez, madame la présidente, à vous les communiquer.

J'ai par ailleurs proposé à des experts du maintien de l'ordre et à des spécialistes des techniques policières d'intervenir devant vous, en petits groupes, pour expliquer la doctrine d'utilisation, face aux violences urbaines et parfois dans des opérations de maintien de l'ordre, des armes intermédiaires telles que les lanceurs de balles de défense (LBD), les grenades lacrymogènes instantanées GLI-F4, mais, je vous en conjure, ne jugeons pas sur des images confuses de vidéos tronquées et laissons l'IGPN faire la lumière sur les faits qui sont présentés.

Oui, il y a des blessures graves, parmi nos forces de l'ordre et parmi les manifestants. Depuis le début du conflit des gilets jaunes, dix personnes sont décédées. Il y a aussi des manifestants qui ont été blessés par l'utilisation des armes de défense de la police ou de la gendarmerie. Selon les dossiers qui me sont remontés, quatre personnes ont été frappées violemment à la vision ; on parle de pertes d'oeil, je préfère ne pas reprendre ce terme, mais il y a actuellement quatre personnes gravement atteintes à la vision. Et je ne compte pas les forces de l'ordre... Je me souviens d'avoir été, dès la première manifestation violente à Paris, le 24 novembre dernier, avec Laurent Nunez, à l'hôpital pour voir le premier policier blessé, dont, précisément, un oeil avait été emporté par l'explosion d'une bombe agricole.

Je vous ai indiqué que ces quatre-vingt-une plaintes donneront lieu à quatre-vingt-une enquêtes judiciaires. Sur ces quatre-vingt-une enquêtes judiciaires au titre des blessures par projectiles au moyen de LBD, il y a, au moment où je vous parle, quatre pertes de vision. Aucune n'est acceptable, mais toutes doivent faire l'objet d'une enquête pour que soient déterminées les raisons pour lesquelles cela s'est produit et les conditions dans lesquelles cela s'est passé. Une fois qu'on a dit cela, ce qui ne clôt pas le débat ouvert – parfaitement légitime, en particulier dans cette instance –, il est important de préciser que les attentes de la population, des attentes de calme et d'apaisement, sont fortes, que les attentes de nos commerçants, qui se sentent étranglés, empêchés de travailler, qui vivent dans la crainte, de samedi en samedi, de voir leur vitrine brisée et leur magasin pillé, ne peuvent pas rester sans réponse.

Avant de vous parler de cette proposition de loi, je souhaite revenir sur les manifestations qui ont eu lieu ces dernières semaines. Je souhaite en parler parce que le texte qui vous est proposé n'a rien à voir avec le mouvement des gilets jaunes. Il a été déposé au mois de juin, la discussion a été initiée en octobre. Le Gouvernement avait eu l'occasion, par la voix de M. Laurent Nunez, de s'en remettre à la sagesse des parlementaires et avait fixé un rendez-vous pour le 15 janvier, pour que nous puissions « plancher » devant vous en fonction des études complémentaires du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice – c'est le principe de la navette. Et puis il y a eu le mouvement des gilets jaunes. Je voudrais quand même l'évoquer, parce qu'il illustre aussi ces évolutions que nous connaissons depuis les manifestations contre la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi travail », ou celles du 1er mai dernier, que nous avons vues de samedi en samedi, et qui nous placent devant une situation inédite. Depuis la mi-novembre, nous faisons face à des individus qui, pour manifester, ont organisé spontanément des manifestations, des attroupements, des blocages de routes et de ronds-points, et ce tous les jours. Étant sur le terrain comme vous, mesdames et messieurs les députés, qui en êtes particulièrement conscients, je souhaite le rappeler, car les médias ont tendance à ne relater que les manifestations qui se déroulent le samedi : il y a des événements quotidiens auxquels nos forces de sécurité doivent faire face.

Des actes d'une très grande violence ont été commis. Par exemple, cette commissaire de police que j'ai rencontrée dans l'Aude et qui m'a expliqué qu'elle avait cru mourir lors de son intervention au péage de Narbonne. Arrivée sur place, elle a eu très peu de temps pour s'extraire de son véhicule et a dû s'enfuir en courant pour se protéger, en laissant son gilet pare-balles et son casque dans la voiture, laquelle a d'ailleurs brûlé quelques heures plus tard. J'ai rencontré des policiers et des gendarmes à Paris, dont l'expérience est réelle, qui m'ont dit qu'ils avaient eu pour la première fois le sentiment qu'on voulait les assassiner, les lyncher. Ils m'ont confié qu'ils avaient peur – avec cette gêne d'un policier ou d'un gendarme qui assume devant son ministre, le ministre de l'Intérieur, qu'il a eu peur. C'est dans ce cadre qu'un peu plus d'un millier de policiers ont été blessés. Sur le terrain, j'ai rencontré, comme vous, des commerçants, des Français qui subissent les blocages, qui n'en peuvent plus et qui ont le sentiment que les forces de l'ordre sont impuissantes. Disant cela, je fais bien évidemment la différence entre les manifestants et celles et ceux qui ont commis ces actes de violence. Bien évidemment, ce ne sont pas ceux qui tiennent un discours revendicatif légitime.

Le Gouvernement, le ministre que je suis, les préfets et les forces de l'ordre ont réagi, et nous avons décidé de modifier la doctrine du maintien de l'ordre. Les forces de l'ordre, aujourd'hui, sont plus mobiles. J'avais eu l'occasion, madame la présidente, au mois de décembre, de venir vous présenter ces dispositifs. Les CRS, les gendarmes mobiles travaillent dans ce cadre accompagnés d'officiers de police judiciaire (OPJ) pour permettre plus d'interpellations et des poursuites qui aboutissent. Nous avons aussi renforcé la présence des forces de l'ordre mobilisées tous les samedis. Leur très forte présence permet, je tiens à le souligner, de neutraliser ou de diminuer la violence. Il faut souligner leur implication, de tous les jours. Ces femmes et ces hommes passent beaucoup de temps à encadrer des manifestants, un temps qu'ils ne passent pas ailleurs, auprès de leurs familles, ou à faire appliquer la loi, et cela ne peut pas durer tous les samedis de toute l'année. Sinon, c'est notre dispositif d'ordre public mais aussi de sécurité du quotidien qui sera mis en cause.

Cette « hypermobilisation » ne suffit pas. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ces derniers jours, le niveau de violence au sein des manifestations ne baisse pas. Certains pourraient le penser mais, je le redis, c'est faux. Certaines villes l'ont constaté : Bordeaux, Nantes, Rennes, Bourges, Montpellier, Toulouse, pour n'en citer que quelques-unes. Certes, à Paris, les manifestations ont été plus calmes, mais les deux derniers samedis seulement ; au sein de cortèges organisés, un service d'ordre s'est mis en place, qui a montré son efficacité, avec une hypermobilisation de nos forces de sécurité. Ailleurs, on le sait, cela ne s'est pas forcément passé comme cela. Demain, samedi ou un autre jour, voire une autre nuit, la mobilisation pourrait de nouveau atteindre un haut niveau de violence, et tous ici, mesdames et messieurs les députés, vous pouvez en témoigner, vous le savez bien.

Le bilan de ces manifestations est sans appel, je n'y reviens pas, vous le connaissez. Il est dramatique. Il n'empêche qu'il a soulevé et qu'il soulève un problème politique, mais ce n'est pas ce sur quoi nous devons nous prononcer.

Je crois important que la défense de notre ordre public soit dotée des meilleurs moyens, parce qu'il n'y a pas, dans un pays comme le nôtre, de liberté sans ordre public, mais il faut évidemment un ordre public juste. Il vous appartient, mesdames et messieurs les députés, de veiller à cet équilibre. Je sais que vous y travaillez, notamment en examinant cette proposition de loi – déposée au Sénat par le groupe Les Républicains, ce qui ne me pose aucun problème. C'est précisément son discours de dépassement des clivages politiques qui fait que j'ai rejoint le candidat Emmanuel Macron, lors de l'élection présidentielle. Je ne vous invite pas à ce débat mais j'ai souvent eu l'occasion de dire en public qu'au fond, en quittant le parti auquel j'appartenais, je me suis libéré d'une contrainte : celle de devoir systématiquement me poser la question de la « couleur » politique de mon interlocuteur pour savoir si son idée était bonne ou pas. Aujourd'hui, je commence par me poser la question de savoir si l'idée est bonne ou pas, selon mon appréciation – je peux me tromper comme chacune et chacun d'entre nous –, pour déterminer ensuite si, comme ministre de l'Intérieur, avec le secrétaire d'État, je défends le texte en question. C'est pour cela que le Gouvernement a, dès le mois d'octobre dernier, remercié les sénateurs pour leur travail et leur a annoncé qu'un groupe de travail interministériel enrichirait notre réflexion sur le sujet.

Je vous le dis sans ambages : nous avons besoin de cette proposition de loi, tant en termes politiques qu'en termes pratiques. Le Premier ministre s'est engagé à donner des réponses concrètes. Elles sont aujourd'hui attendues par les forces de l'ordre, qui ont le sentiment de voir toujours les mêmes têtes : pas beaucoup mais systématiquement 50, 100, 150 ou, au maximum, 200 casseurs d'extrême droite, d'extrême gauche, qui s'infiltrent, saccagent, provoquent les violences, puis, profitant du chaos et parce qu'ils sont outillés pour le faire, s'enfuient sans être interpellés. Ces propositions sont aussi attendues par les Français.

Cette proposition de loi nous donnera des outils concrets pour lutter efficacement contre les casseurs. Pas contre les manifestants : contre les casseurs. Ce n'est pas une loi anti-gilets jaunes, ce n'est pas une loi anti-manifestations, c'est une loi anti-casseurs, c'est une loi qui doit permettre à ceux qui le souhaitent de manifester dans des conditions normales, sans peur et sans penser qu'en manifestant ils sèmeraient la peur. C'est tout l'enjeu. Le principal objectif de cette proposition de loi est de mettre en place de nouveaux outils qui permettront d'appréhender les personnes violentes. Je ne reviendrai pas en détail sur toutes les dispositions proposées mais je suis évidemment ici, avec Laurent Nunez, pour en discuter avec vous.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que ces dernières années ont été marquées par des mouvements ultra-violents au sein ou en marge de manifestations. J'ai évoqué la manifestation du 1er mai dernier. Rappelons-nous, c'était il y a moins d'un an, ce CRS transformé en torche vivante. Je pense aussi aux manifestations contre la « loi travail » mais également à Notre-Dame-des-Landes, avec l'utilisation de bombes artisanales, de pièges, de jets d'acide. Ces violences se multiplient ; encore hier soir, nous avons dû y faire face. Je pense à ces activistes violents qui se mobilisent à chaque événement. Sans aucun doute, les manifestations contre le G7 seront cet été infiltrées par ces casseurs ou autres Black Blocs qui se mobiliseront. Il s'agit donc bien d'un problème de fond.

Je sais que certaines dispositions ont suscité et suscitent des interrogations légitimes parmi vous et qu'il convient d'en parler. Avant de répondre à vos questions, j'aimerais revenir plus précisément sur elles.

L'article 1er prévoit la mise en place d'un périmètre de protection. Le but est de procéder à des fouilles de personnes et, le cas échéant, à la saisie d'armes. C'est le seul objectif : faire en sorte que ceux qui viennent manifester avec des matériels qui ne sont pas liés à la manifestation mais plutôt à la casse en soient exclus. C'est un moyen de protéger les manifestants eux-mêmes, ainsi que les commerces et les différents lieux qui sont à proximité – six immeubles ont été incendiés à Paris lors des manifestations du 1er décembre dernier. Il est exact que ces périmètres s'inspirent de ceux mis en place en application de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », donc pour prévenir le risque terroriste. Ils ont d'ailleurs permis d'écarter des personnes dangereuses pour mieux protéger celles qui voulaient participer à un rassemblement. Avec ce texte, il est proposé de permettre, sans référence au terrorisme, l'usage d'un certain nombre d'outils qui permettront aux forces de sécurité non pas de contrôler mais de filtrer et de distinguer les casseurs et les manifestants. En l'état, je le sais, la constitutionnalité et le caractère opérationnel de ces dispositions soulèvent des doutes. Il me paraît important d'affiner, au cours des prochains jours, avant l'examen du texte par votre Commission, la rédaction de l'article 1er pour assurer cet équilibre dont je vous parlais.

Ne visant pas à prévenir le risque de violences en manifestation, la « loi SILT » n'est donc pas forcément adaptée. Si ce dispositif a été particulièrement utile au mois de décembre dernier, si le préfet de police a pu signer des arrêtés en se fondant sur son pouvoir de police générale, c'est un procédé fragile. Si l'on considère qu'il n'est pas normal d'aller manifester armé – muni d'armes par destination ou de toute autre forme d'arme –, les responsables de l'ordre public doivent pouvoir vérifier qu'on ne l'est pas, bien évidemment sans sanction. C'est l'objet de cet article 1er dont il nous faut affiner la rédaction.

La possibilité d'édicter une interdiction administrative de participation à une manifestation est l'objet de l'article 2. L'ordre public a besoin d'un outil qui permette d'agir rapidement. Une condamnation définitive peut, aujourd'hui, prendre plusieurs années, ce qui est inacceptable dans le contexte actuel. Attendre la réponse judiciaire revient à accepter que ceux que l'on voit manifester et casser le samedi puissent, le samedi suivant, être à nouveau devant les mêmes forces de l'ordre. Non seulement c'est une provocation mais c'est aussi insupportable pour les victimes, c'est-à-dire les habitants et les commerçants, qui peuvent revoir d'une semaine sur l'autre des individus en attente de décision judiciaire. C'est la raison pour laquelle un dispositif assez proche de celui qui a été mis en place pour gérer les hooligans dans les stades est proposé, qui permette non pas d'interdire de manifester mais de prendre en compte la centaine, les 150 ou, au grand maximum, 200 personnes qui, aujourd'hui, commettent ces violences, incitent aux violences, s'en prennent systématiquement à nos forces de l'ordre, détruisent des magasins avec des techniques qui leur permettent le plus souvent d'éviter les interpellations.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de leur interdire de se mêler aux manifestations. C'est pour cela que ce texte tend non pas – j'y insiste – à interdire à tout va, à empêcher un gilet jaune de manifester, bien heureusement, mais à cibler une centaine d'individus appartenant souvent à des groupuscules qui viennent systématiquement casser dans les manifestations. Il est important de préciser que l'article 2 tel qu'il est rédigé – mais il faudra peut-être affiner cela aussi – permet de laisser le temps, une fois la décision administrative prise, de saisir le juge administratif pour faire annuler, le cas échéant, l'arrêté d'interdiction. Les délais qu'il conviendra de mettre en place devront systématiquement permettre à la personne à l'encontre de laquelle un tel arrêté sera pris, si elle le souhaite, de saisir un juge administratif pour qu'il se prononce. Il est important d'avoir cela à l'esprit. Il s'agit d'efficacité, il s'agit aussi et surtout de garantir le droit de manifester.

Le Gouvernement est prêt à débattre des dispositions de cette proposition de loi, mais nous avons besoin d'adresser un message fort : des interdictions administratives de manifester, bien encadrées, sont nécessaires et attendues. Il convient de faire en sorte que ceux que nous connaissons comme casseurs, ceux que les maires connaissent comme casseurs, arrêtent de prendre en otage les manifestations organisées.

Sans entrer dans le détail, je rappellerai deux points au sujet de l'article 3, qui permet l'inscription dans un fichier des personnes à qui il a été interdit de manifester. La fiche que nous souhaitons créer n'existera dans les fichiers que durant le temps de l'interdiction, pas au-delà. Il ne sera pas possible de croiser cela avec le fichier des personnes recherchées et, bien évidemment, il nous appartiendra de nous donner les moyens de contrôle nécessaires pour veiller à ce qu'un dossier ne puisse être constitué sur cette base.

Quant à l'article 4, j'ai cru comprendre que les députés membres du groupe La République en Marche souhaitaient préciser, par un amendement, le champ d'application de la sanction encourue en cas de dissimulation de son visage lors d'une manifestation. Il faut évidemment que nous regardions cela ensemble, mais il vous appartiendra de décider.

En séance, au Sénat, M. Laurent Nunez avait émis un avis défavorable sur l'article 5, que le Gouvernement estime satisfait. Nous n'avons cependant pas proposé d'amendement de suppression afin que le débat puisse, si vous le souhaitez, se poursuivre entre députés et sénateurs.

L'article 6 vise à rendre l'ensemble des peines complémentaires prévues pour le délit de port d'arme lors d'une manifestation – l'interdiction des droits civiques, civils, de famille et de séjour – applicable à l'ensemble des infractions existantes ou nouvelles en lien avec le fait de participer ou d'organiser une manifestation, l'infraction d'organisation illicite, l'infraction à l'interdiction de se couvrir le visage ou toute autre infraction. Évidemment, c'est au juge et à lui seul qu'il appartiendra d'employer ou non cet outil ; il ne revient pas à l'autorité administrative de se prononcer à ce propos. Nous avons proposé à la rapporteure d'étendre la possibilité de prononcer cette peine aux condamnations en matière de dégradation de biens et de supprimer la possibilité d'imposer l'obligation de pointage comme condamnation.

Enfin, le Gouvernement entend modifier la rédaction de l'article 7 issue des travaux du Sénat en ce qu'elle introduit une présomption de responsabilité du fait de la seule commission du délit, alors que les deux sont en principe indépendants. Pour obtenir une condamnation civile d'une personne, il faut un dommage, nous le savons, qui peut être une destruction ou une faute. Il ne faut donc pas introduire une présomption de responsabilité. En pratique, la proposition que nous vous ferons ne change rien au régime de la responsabilité civile mais elle permet de décorréler les possibilités d'une action récursoire de la nécessité d'une condamnation pénale – une déconnexion fréquente entre le civil et le pénal. C'est le principe du « casseur-payeur ». Je crois que les Français l'attendent, les élus locaux aussi, et je pense que c'est nécessaire. Nous prévoyons en outre un principe de solidarité entre les auteurs de dommages : quand plusieurs auteurs auront participé à un dommage, l'État pourra se retourner contre le plus solvable et lui demander l'intégralité de la réparation.

Mesdames, messieurs les députés, j'ai voulu rappeler, peut-être un peu longuement, ces principes d'efficacité, de pragmatisme et d'exemplarité, y compris dans la gestion de l'ordre par les forces de l'ordre, parce que l'exigence d'exemplarité s'applique effectivement plus à nous que n'importe qui d'autre. Il n'empêche que l'ordre public est incarné par des forces de l'ordre qui sont les seules à avoir le droit d'user de la force. La force doit être encadrée, préparée et proportionnée, c'est ainsi que nous devons agir, mais elle doit aussi être aidée. Évidemment, nous travaillerons avec vous à de possibles amendements mais je vous demande, mesdames et messieurs les députés, par l'adoption de ce texte, d'aider nos forces de l'ordre à bien exécuter leur mission principale : assurer la sécurité publique. Ce texte n'est pas une loi de circonstance, c'est une loi de bon sens. Ce texte, mesdames et messieurs les députés, n'est pas une loi de répression, c'est une loi de protection.

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