Intervention de Alice Thourot

Réunion du mardi 22 janvier 2019 à 15h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlice Thourot, rapporteure :

Madame la présidente, mes chers collègues, après les propos complets de monsieur le ministre, il n'est pas utile que je vous livre une redite de sa présentation de la proposition de loi. Je me bornerai donc à formuler quelques observations liminaires, avant de poser quelques questions.

Cette proposition de loi, déposée au Sénat quelques semaines après les graves incidents observés en marge de la manifestation parisienne du 1er mai 2018, qui avait été marquée par la présence de centaines d'individus cagoulés appartenant à la mouvance contestataire radicale, a été examinée par les sénateurs au mois d'octobre dernier, quelques semaines avant les actes de violence et de vandalisme qui ont émaillé certaines manifestations des gilets jaunes, en particulier le samedi 1er décembre 2018.

Nous en voici saisis dans des délais encore plus contraints que d'habitude, ce que je regrette, mais qui n'ont pas empêché les commissaires aux lois de travailler. Ils ne m'ont notamment pas empêchée de mener à bien ma mission de rapporteure, grâce au concours de nombreuses personnes qui ont accepté d'être auditionnées dans ces délais, ce dont je tiens à les remercier. Je citerai en particulier les policiers, les gendarmes, les magistrats des ordres administratif et judiciaire et le procureur de la République de Paris, mais aussi la Confédération générale du travail (CGT), le Défenseur des droits – par écrit – et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Si nous partageons les objectifs de ce texte – mieux prévenir les violences lors des manifestations et sanctionner sévèrement leurs auteurs –, un texte, soulignons-le, pour la République et contre les violences, nous aurons l'occasion de discuter, demain, de l'opportunité et de la proportionnalité de certaines de ses dispositions. C'est donc une quête délicate de l'équilibre qui nous occupera demain et, dans l'hémicycle, la semaine prochaine ; je sais que nous parviendrons ensemble à le trouver. Nous devons en effet conserver à l'esprit le nécessaire équilibre entre les libertés fondamentales et la protection de l'ordre public dans une société démocratique. La liberté de manifester, constitutionnellement protégée au travers du « droit d'expression collective des idées et des opinions » et reconnue par tous les textes internationaux et européens, doit s'exercer de manière paisible ; sinon, elle ne peut pas s'exercer. Si l'État peut y apporter des restrictions, celles-ci doivent demeurer strictement proportionnées et garantir que le comportement inacceptable d'une minorité de manifestants ne prive pas la majorité de ce droit fondamental.

Pour éclairer nos travaux de demain, je vous interrogerai sur deux sujets, monsieur le ministre.

Le premier, de nature administrative, concerne la doctrine française de maintien de l'ordre à l'occasion de manifestations sur la voie publique. Cette problématique a traversé les auditions, celles des forces de l'ordre en particulier. Elle se retrouve en filigrane de nombreux amendements, déposés par plusieurs de nos collègues, tendant soit à encadrer l'usage par les forces de l'ordre de certaines armes, soit à autoriser le recours à des produits comme des marqueurs chimiques codés colorés, soit encore à prévoir des formations spécifiques pour les policiers et les gendarmes afin de diminuer les violences.

De quels moyens disposent les forces de sécurité intérieure dans l'exercice de leur mission de maintien de l'ordre ? Quelles sont, en substance, les règles d'utilisation des équipements à leur disposition ? Quel bilan tirez-vous des interventions menées au cours des dernières années ? Pour autant qu'il vous soit possible d'en parler, le ministère de l'Intérieur est-il en train de définir une nouvelle stratégie, une nouvelle doctrine en la matière ?

Le second sujet touche aux suites pénales des violences constatées lors des manifestations sur la voie publique, qui n'est pas sans lien avec le précédent. Il semblerait que se dessine une nouvelle doctrine commune à l'autorité judiciaire et à l'autorité administrative, permettant que la priorité traditionnellement accordée au rétablissement de l'ordre public aille de concert avec le traitement judiciaire des violences.

Dans ces conditions, pouvez-vous nous indiquer l'évolution, au cours des derniers mois, du nombre d'interpellations et de condamnations pour des faits de violences lors de manifestations ? Comment les acteurs de la chaîne pénale se sont-ils adaptés à la nécessité de mieux poursuivre et réprimer ces comportements violents ? Où en est la réflexion sur la « délocalisation », au plus près des manifestations, des OPJ afin de traiter les procédures de manière efficace ? Au-delà, pouvez-vous nous éclairer sur la nature de la réponse pénale apportée à des faits d'une gravité variable alors qu'un nombre non négligeable de leurs auteurs étaient inconnus de la justice ?

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