La première question vise à savoir pourquoi nous prévoyons un régime permanent plutôt qu'un régime exceptionnel. L'état d'urgence est une mesure réservée aux périls graves et imminents contre la sécurité et l'ordre public. En l'occurrence, nous prévoyons simplement que le comportement de quelques individus violents puisse être neutralisé, et nous ne parlons que de cela. Pour traiter cette situation-là, de quelques centaines, je pourrais presque dire de quelques dizaines de personnes, il nous faut un régime pérenne de droit commun sur lequel nous appuyer.
Émilie Guerel m'a interrogé sur le fichier FPR. C'est une des préconisations que nous ferons dans la discussion. Aujourd'hui, il est prévu un dispositif spécifique, compliqué à mettre en oeuvre, alors que dans le fichier FPR nous avons déjà des fiches qui permettent de traiter un certain nombre de sujets. Chacun connaît la fiche S. On pourrait parfaitement avoir demain une « fiche M ». Avec les moyens dont elles disposent, nos forces de sécurité auront ainsi la capacité d'interroger ce fichier et d'obtenir l'information. Aucune de ces fiches ne se croise. Ces fichiers sont contrôlés, placés sous l'autorité de tiers, et il ne s'agit pas d'introduire des croisements de fichiers. Nous pouvons d'ailleurs parfaitement prévoir une date limite de conservation et donc une suppression de ces fiches.
S'agissant du contrôle des personnes interdites de manifestation, Madame Karamanli, sachez qu'elles pourront être reconduites hors de la manifestation si elles sont identifiées. Le texte prévoit en outre que, si la personne interdite de manifestation vient sur place, ce sera délictuel. La personne étant identifiée, il y aura constat d'infraction et, si les forces de l'ordre en ont la possibilité, interpellation, mise en garde à vue et ensuite défèrement devant la justice, ou bien l'identification permettra ensuite d'ouvrir une procédure judiciaire. Le caractère délictuel nous permettra d'être assez offensifs sur ce sujet et je pense que cela aura des vertus préventives fortes. L'important c'est, non pas d'attraper les gens interdits de manifestation dans une manifestation, mais de les empêcher d'y entrer pour garantir le bon déroulement de celle-ci.
Je ne reviendrai pas sur la polémique sur les services de renseignement. Il a été décidé en 2015 de leur redonner des moyens humains. Les techniques de communication changent très vite et il faut que nos doctrines de renseignement évoluent au même rythme. La semaine dernière, plusieurs articles ont traité des modalités de gestion du renseignement par nos forces armées. Aujourd'hui, des gens utilisent les réseaux sociaux pour contourner les dispositifs de renseignement. Il faut donc être mieux armé sur ce sujet, mais de façon encadrée.
Vous avez raison, la réponse pénale ne suffit pas. C'est une évidence. Il faut revoir la question des moyens, celle de la doctrine et, j'ajouterai, celle du matériel. Sur les moyens humains, il est vrai que les effectifs relatifs à l'ordre public ont connu une forte baisse. Lorsque nous sommes revenus à une logique de création de postes dans la police, à partir de 2015, l'ordre public n'a pas été privilégié parce que le problème ne se posait pas – je faisais alors partie de la majorité et je l'assume. Et dans les arbitrages sur les 10 000 emplois que ce Gouvernement entend créer d'ici à la fin du quinquennat, nous n'avions pas non plus prévu de renforcer l'ordre public. Aujourd'hui le problème se pose. Dans la doctrine, la question des moyens humains, ainsi que celle des modalités d'intervention doivent donc être soulevées, monsieur Marilossian, et la réponse doit être apportée le plus vite possible mais sans se précipiter.
Monsieur Diard, nous avons su montrer notre capacité d'adaptation et de réactivité – c'est sûrement l'observation de M. Ciotti qui nous a convaincus. (Sourires.) Quand vous m'avez interrogé sur les VBRG, je vous avais répondu que je ne présenterais pas le dispositif pour le samedi à venir. Il fallait un effet de surprise. Mais vous aviez raison. J'ai considéré normal d'avoir recours aux VBRG, qui ne sont pas des engins militaires mais qui, bien qu'un peu anciens et pas en très bon état, ont montré leur efficacité et qui surtout apportent, ce qui est une priorité pour moi, de la sécurité à nos forces de l'ordre, évitant tout contact physique par exemple lors du dégagement de barricade « enflammée ».
Nous allons tenter, monsieur Marilossian, de définir la doctrine d'emploi rapidement. J'ai demandé qu'on y travaille. Nos services sont mobilisés, même si la priorité est toujours la préparation de la manifestation suivante. Certains pensent, c'est dit sur les réseaux sociaux, qu'à l'usure ils finiront bien par avoir les policiers. Je pense que la force de notre République, c'est que nos policiers et nos gendarmes seront toujours présents pour la défendre.
Le régime des interdictions de stade, monsieur Houlié, nous a certes inspirés, nous ainsi que les parlementaires qui ont travaillé avec M. Retailleau sur ce texte, mais nous sommes tout de même sur un schéma différent. On ne peut pas élargir cette proposition de loi à la question des hooligans et des événements sportifs.
L'évaluation et le contrôle ne nous posent évidemment aucun problème. Il faut se mettre d'accord sur les modalités de ce contrôle. Je commencerai par revendiquer le contrôle par les parlementaires eux-mêmes, y compris sur pièce. Demander un rapport annuel est peut-être excessif : cela pourrait être dans un an pour la mise en oeuvre et pas forcément tous les ans ensuite. Il faut laisser, sous le contrôle du Parlement, le dispositif vivre un temps suffisant pour pouvoir l'évaluer.
La formation, monsieur Marilossian, est essentielle car le risque est grand, si nos gendarmes et CRS ne sont pas formés, qu'ils aient des gestes inadaptés qui ne respectent pas la doctrine d'emploi ou la proportionnalité de la force. J'ai toute confiance en nos forces de sécurité mais il est certain qu'en ce moment, leur grande mobilisation conduit à suspendre les temps de formation. L'objectif doit rester la formation permanente.
Il faut faire confiance à nos forces de sécurité. Je sais qu'il existe une polémique sur l'usage du LBD. J'ai donc demandé, je vous l'annonce, que, dans toute la mesure du possible, les forces disposant de LBD soient à partir de samedi prochain systématiquement équipées de caméras-piétons et qu'au moment de l'usage d'un LBD, elles actionnent ces caméras pour qu'en cas de contestation, on puisse produire ces images, y compris dans le cadre judiciaire. Cela peut avoir une vertu pédagogique. Cela en a une préventive au quotidien pour nos policiers face à des agresseurs : ils me le répètent chaque fois que j'en parle avec eux. Je mets comme seule réserve à l'usage de la caméra un moment de réaction où l'agent serait bousculé, à terre et où je ne leur en voudrai bien évidemment pas d'utiliser leur arme pour leur propre défense. Nous allons tester cette pratique, ce n'est pas encore définitif, ni circularisé ; j'ai fait passer l'instruction ce matin aux états-majors des deux forces. Cela montre que j'ai toute confiance dans la façon dont nos forces utilisent cette arme.