Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je m'inquiète de ces lois et de ces articles de circonstance qui visent à réagir à l'actualité. On ne peut pas expliquer l'emballement et la précipitation à examiner ce texte autrement que par le mouvement des Gilets jaunes. Sans les manifestations, la proposition de loi aurait été enterrée très profondément et n'aurait jamais resurgi avant l'arrivée – qui sait ? – d'une éventuelle majorité de droite.

Cette fuite en avant a déjà été observée lors de l'examen du projet de loi justice : renforcement des pouvoirs du procureur ; inscription dans le droit commun de dispositifs jusqu'alors réservés à la criminalité organisée et au terrorisme. Ce texte continue dans la même logique en intégrant des dispositions prévues dans le cadre de l'état d'urgence en se référant au concept de dangerosité alors que le droit retient normalement la notion de faits.

L'article 2 mentionne « toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ». Mais qui aura ces « raisons sérieuses » de le penser ? Qui va rédiger le procès-verbal ? Et sur quels motifs ? Sera-t-il fondé sur une impression, sur un regard, sur le fait que la personne a froncé les sourcils ou montré les dents ? Qu'êtes-vous en train de faire ?

On me dit : lorsque la personne, par exemple, tient une batte de base-ball. Mais, dans ce cas, il ne s'agit pas de « raisons sérieuses de penser » : il s'agit de faits pouvant tomber sous le coup d'articles de loi existants. On peut déjà punir quelqu'un parce qu'il a dans les mains une arme définie par sa catégorie. Nous ne parlons donc pas ici de ce genre de faits qui sont évidents et déjà couverts par le champ de la loi. Nous parlons ici de tout le reste : l'inconnu, la zone grise, la zone d'ombre. Nous réservions ces notions à la lutte contre le terrorisme, en faisant une certaine confiance à nos services de police et de gendarmerie.

Nous mettons les policiers dans une situation d'inconfort en leur demandant d'aller au-delà de leurs responsabilités et de mettre le doigt dans quelque chose dont ils ne veulent certainement pas. Je ne comprends pas comment on peut, avec autant de zèle et d'enthousiasme, transcrire une interdiction de manifester pour de tels motifs.

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