Je veux d'abord remercier tous les groupes, en particulier ceux qui s'engagent à voter favorablement et à soutenir cette proposition de loi.
Madame Gaillot, je vous sais gré d'avoir été présente à toutes les auditions préparatoires. Vous confirmez que le Président de la République s'est engagé, en ouvrant la voie à une reconnaissance de la responsabilité de l'État et à une réparation, à ce qu'un fonds d'indemnisation soit créé, que vous voulez rattacher au fonds d'indemnisation des victimes de l'usage des produits phytosanitaires dans leur ensemble, tel que nous l'avons créé ce matin.
Je crois pourtant nécessaire de dissocier les deux fonds. Dans le cas du chlordécone, nous sommes d'abord en face d'un seul produit et qui concerne des territoires bien particuliers, à savoir la Guadeloupe et la Martinique. Mais ensuite et surtout, nous sommes en présence d'un mode d'exposition tout à fait différent des autres pesticides, puisque ce produit n'est plus utilisé depuis vingt-six ans et que les effets que nous connaissons sont dus à sa rémanence dans le sol, particulièrement élevée. La contamination actuellement constatée, notamment chez les travailleurs de la banane, ne résulte donc pas d'une exposition directe au produit, mais d'une contamination par l'alimentation. Car les populations de la Guadeloupe et de la Martinique, chaque jour, continuent à se contaminer en consommant des produits pollués par le chlordécone. Il est donc difficile de rattacher la problématique du chlordécone à celle du fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, dans la mesure où il ne s'agit pas du tout des mêmes publics.
Certes, les ouvriers agricoles peuvent être effectivement indemnisés dans le cadre de ce fonds ; le problème est que nous sommes en présence d'une cohorte très réduite : cela fait vingt-six ans que ce produit, qui a été employé pendant vingt et un ans, n'est plus utilisé. De fait presque tous les travailleurs de la banane de cette époque ou bien à la retraite, ou bien plus de ce monde… D'où la difficulté à recenser le nombre d'ouvriers agricoles susceptibles de bénéficier d'une indemnisation.
Madame Guion-Firmin, je vous remercie pour votre présence lors des auditions. C'est vrai, le territoire de Saint-Martin que vous représentez n'est pas concerné par la contamination au chlordécone proprement dite, dans la mesure où vos sols ne sont pas pollués, mais ce problème vous affecte également dans la mesure où vous consommez des aliments et des produits en provenance de chez nous.
Madame de Vaucouleurs, je vous remercie pour votre soutien. J'ai bien compris que vous attendiez les conclusions des études et les rapports à venir. Les représentants de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) que nous avons auditionnés nous disent très clairement que le lien entre l'exposition au chlordécone et certaines maladies ne sera jamais prouvé à 100 % pour plusieurs raisons, et d'abord parce que le cancer de la prostate en particulier a des origines multifactorielles. Mais si l'on ne peut pas prouver formellement le lien de cause à effet, le lien de présomption en revanche est très fort : nous savons que toutes les populations de Guadeloupe et de Martinique présentent un taux de cancer de la prostate beaucoup plus élevé que dans l'hexagone – pratiquement deux fois plus élevé. On a donc bien montré que c'est un facteur déterminant dans la survenue du cancer de la prostate en particulier.
Monsieur Potier, nous avons effectivement conduit des auditions communes, et je vous remercie pour votre accompagnement et votre présence régulière. Il est en effet important de dissocier les deux propositions de loi, surtout quand on voit le sort qui a été réservé à celle que vous avez rapportée ce matin… En effet, madame Gaillot, votre groupe a supprimé la possibilité de réparation intégrale de toutes les victimes environnementales. Du coup, il ne reste pas grand-chose dans cette proposition de loi. Ce fonds d'indemnisation ne peut donc en aucun cas concerner des victimes qui sont des travailleurs agricoles pour l'essentiel et non des victimes environnementales. Les professionnels de la pêche par exemple ont subi un préjudice important, des cultivateurs ne peuvent plus exploiter leurs terres, considérablement dépréciées, et des éleveurs ne peuvent plus exercer leur activité. Il sera très difficile d'imaginer que les victimes du chlordécone puissent bénéficier du fonds d'indemnisation dont vous avez adopté le principe ce matin, mais en le vidant de sa substance.
Je remercie Mme Sanquer de son accompagnement.
Madame Benin, nous portons le même combat, nous connaissons les difficultés et la souffrance de nos populations. Tous les jours, nous devons leur expliquer pourquoi il faut modifier nos habitudes alimentaires et consommer des produits venant de l'extérieur, peut-être plus nocifs pour notre santé que ceux que nous ne pouvons plus cultiver. Il serait dommage que nous ne puissions pas, après l'engagement du Président de la République d'entamer un processus de réparation, convenir ici de l'importance et de l'obligation de créer un fonds, les modalités de fonctionnement et de financement pouvant être revues et amendées.
Je suis surprise enfin de constater que le groupe majoritaire n'a déposé aucun amendement sur ce texte. J'aimerais comprendre pourquoi ; cela nous aurait permis de savoir comment il imagine un tel fonds.