Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, madame la rapporteure, la force d'un État de droit réside dans sa capacité à protéger d'eux-mêmes tous les citoyens tout en préservant les libertés individuelles, au premier rang desquelles figurent la liberté d'opinion et la liberté de manifestation, et à rendre effective une stricte séparation des trois pouvoirs – l'exécutif, le législatif et le judiciaire.
L'article 2, dont je comprends la logique et même la motivation, me semble méconnaître ce principe de séparation puisque le texte dispose que l'interdiction de manifester pourrait être prise, non par le juge, comme c'est le cas aujourd'hui, mais par l'État et ses représentants. Si j'entends l'argument du principe de précaution, je m'interroge sur le caractère flou des critères sur lesquels se fonde l'interdiction faite à une personne de manifester. L'amendement no228 rectifié du Gouvernement modifie le premier alinéa et introduit des critères proportionnés pour empêcher un individu de participer à une manifestation, mais il introduit aussi une nouvelle disposition, qui permet à l'autorité d'interdire à une personne de manifester pendant un mois sur l'ensemble du territoire national, sur la base de « raisons sérieuses ». Je comprends le principe, disais-je, car les images de l'Arc de Triomphe dégradé et les scènes de guérilla urbaine sont inacceptables – et je veux ici rendre hommage à l'ensemble des forces de l'ordre mobilisées depuis des semaines sur le terrain. Mais qui sommes-nous si, pour protéger l'État de droit, nous en affaiblissons les principes essentiels et fondamentaux ?