Je n'ai pas la prétention de vouloir vous convaincre, monsieur Prud'homme, mais je peux au moins tenter de répondre !
Il ne s'agit pas d'autre chose que de garantir le droit de manifester, qui est aujourd'hui menacé de façon systématique. De très nombreuses personnes redoutent d'aller manifester, car elles ont peur des conditions dans lesquelles se déroulent les manifestations. C'est aussi cela la réalité. Les militaires qui participent à l'opération Sentinelle, comme ceux qui étaient dans les tribunes tout à l'heure, contribuent par leur engagement à sécuriser la France chaque samedi.
Le droit français existant, dont la conformité avec la Constitution a été validée par le Conseil constitutionnel, permet à un préfet d'interdire une manifestation, et donc d'interdire à toutes les personnes qui voudraient manifester de le faire. Et certains prétendent qu'il ne serait pas constitutionnel d'interdire à une personne de manifester lorsque son comportement est dangereux pour l'ordre public. N'y a-t-il pas là un paradoxe ? De mes cours de droit de première année à l'université d'Aix-en-Provence, avec le professeur Favoreu, je garde le souvenir que s'il est considéré comme constitutionnel de pouvoir interdire une manifestation à toutes les personnes constituant le cortège, le fait d'interdire à une personne dont le comportement serait violent de manifester l'est aussi. Il faut évidemment que cette décision administrative puisse être évaluée et sanctionnée par un magistrat. C'est ce que nous faisons, y compris en prévoyant des délais précis à cette fin.
Il faut que la procédure se déroule dans de bonnes conditions. Mme Laurence Vichnievsky soulignait ainsi qu'il n'était pas question de demander à un manifestant de rester enfermé dans un commissariat pendant des heures. Dans un amendement que je défendrai bientôt, le Gouvernement prévoit la possibilité de demander à la personne de pointer, comme certains dispositifs le prévoient. Il s'agira seulement de pointer et il faut veiller à ce que la présence au commissariat n'excédera pas le temps que réclame ce pointage et l'entretien qui l'accompagne.
Monsieur Peu, vous vous êtes inquiété des conséquences de ces mesures pour les personnes qui prennent part à des conflits sociaux dans le cadre des entreprises, et des violences subies par les personnes qui manifestent. Vous avez cité certains noms, je ne les reprendrai pas. Les mesures dont nous parlons ne visent que les manifestations sur la voie publique – cortèges, défilés et rassemblements. En aucun cas elles n'auront des conséquences pour la gestion de l'ordre public sur le site d'une entreprise qui serait occupée par les salariés. Je veux vous rassurer sur ce point.
La proposition de loi vise donc, sur le fondement de critères objectifs, à empêcher celles et ceux qui viennent régulièrement casser de pouvoir continuer leurs violences.
Il y a un argument ultime, que j'entends : dans le cadre d'une sanction, un juge peut décider d'interdire de participer à une manifestation. Toutefois, vous savez comme moi qu'une décision judiciaire, avec toutes les procédures d'appel, peut durer trois ou quatre ans. Il est normal que le juge prenne son temps, mais allez dire aux commerçants et aux habitants de Bordeaux, de Montpellier ou de Bourges, qui n'avaient pas l'habitude de voir des violences et qui ont vu des casseurs se déplacer spécialement – le mot d'ordre était de venir à Bourges, parce que c'est une ville de bourgeois – , que les casseurs qui ont pu être identifiés, pour lesquels des plaintes ont été déposées, peuvent revenir manifester le samedi suivant, et celui d'après.
En aucun cas les manifestants qui veulent manifester ne se sentent menacés par ce texte. Au contraire, la proposition de loi leur donne les moyens de manifester en sécurité. C'est ce que l'on appelle la sécurité publique.