Ainsi, comme cela arrive souvent, la commission des lois n'aura pas l'occasion de se prononcer sur cette nouvelle rédaction. Cette manière de procéder est encore une fois l'illustration concrète du fait que l'exécutif fait la loi.
Vous faites pencher le bras de la justice du côté de l'atteinte aux libertés publiques sans pour autant offrir des garanties claires de maintien efficace de l'ordre public. Des personnes pourront ainsi être frappées d'une interdiction de manifester parce que leur comportement constituerait une « menace d'une particulière gravité pour l'ordre public », notion vague et large. Cette imprécision, qui sera levée à la seule appréciation de l'autorité administrative et du préfet, peut être la source de dérives.
De plus, contrairement à la rédaction initiale, l'article 2 élargit la possibilité d'une interdiction de manifester à une interdiction pouvant aller jusqu'à un mois. C'est une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester et à la liberté de réunion dans toute société démocratique.
Il faut noter également que vous associez cette interdiction de manifester à une possible obligation de pointage. Une fois de plus, on constate une transcription dans le droit commun de mesures réservées aux situations d'urgence, ce qui n'est évidemment pas acceptable.
Enfin, en laissant à la simple acceptation du préfet, et non du juge, la possible commission de violences lors d'une manifestation, vous exposez nos concitoyens au risque de l'arbitraire. Tout repose sur la capacité du préfet ou du pouvoir politique à être en tout temps et en tout lieu un pouvoir démocratique. Malheureusement, l'histoire nous a enseigné qu'il n'en va pas toujours ainsi. Je tiens à votre disposition une liste des situations où tel n'a pas été le cas. Confier un tel pouvoir de restriction au pouvoir politique nous paraît inconcevable.