Notre commission est saisie pour avis des articles 8, 9, 22, 23 et 24 du projet de loi de finances pour 2018.
L'article 8 propose de réformer le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Le CITE est l'un des principaux outils à destination des particuliers qui souhaitent améliorer la performance énergétique de leur logement. Cet article trouve son origine dans un engagement du Président de la République, réaffirmé par M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, dans le cadre du plan Climat. En 2019, le CITE serait supprimé au profit d'un dispositif de prime perçue dès l'achèvement des travaux et non plusieurs mois après.
Bien que produisant certains effets vertueux, le dispositif du CITE souffre de plusieurs limites. Son coût pour les finances publiques – soit 1,675 milliard d'euros en 2016, et 1,7 milliard d'euros en 2017 – est particulièrement élevé au regard de son efficacité.
Le projet de loi propose de proroger d'une année l'application du dispositif, en prenant en compte les dépenses exposées jusqu'au 31 décembre 2018, et en retenant plusieurs aménagements pour deux catégories de dépenses. Le taux du crédit d'impôt applicable à l'acquisition de matériaux d'isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants et de portes d'entrée donnant sur l'extérieur serait abaissé à 15 % à partir du 27 septembre et ces matériaux seraient exclus à compter du 28 mars 2018. Les dépenses d'acquisition de chaudières au fioul ne seraient plus dans le champ de la mesure à compter du 27 septembre 2017. Des mesures transitoires pour les personnes ayant engagé des dépenses avant ces dates sont prévues.
D'après le rapport relatif aux aides à la rénovation énergétique des logements privés, remis par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et l'Inspection générale des finances (IGF) en avril 2017, les dépenses afférentes aux fenêtres représentent 38 % du coût total de la mesure en 2015, et elles ont quasiment quintuplé entre 2013 et 2015, alors même qu'elles présentent un rapport très défavorable entre l'euro dépensé et l'économie d'énergie induite par rapport aux autres équipements.
Pour assurer davantage de prévisibilité et de lisibilité de la mesure, je présenterai un amendement afin que les modifications prévues par l'article 8 ne soient applicables qu'à compter du 1er janvier 2018 et que la suppression des fenêtres du champ d'application du CITE n'intervienne qu'à compter du 1er avril 2018. Les mesures transitoires seraient maintenues et adaptées en conséquence.
L'article 9 traite de la contribution climat énergie (CCE), dite « composante carbone », mise en place en 2014. Cette taxe est proportionnelle aux émissions de CO2 émises lors de la combustion d'un produit énergétique utilisé comme carburant ou combustible. Elle constitue une composante de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Il s'agit d'un droit d'accise sur les produits énergétiques mis en vente ou utilisés comme carburants ou combustibles pétroliers et assimilés.
Le Gouvernement projette de poursuivre la hausse de la CCE pour atteindre 44,60 euros en 2018, 55 euros en 2019, 65,40 euros en 2020, 75,80 euros en 2021 et 86,20 euros en 2022. Ces objectifs sont plus ambitieux que ceux que le Parlement avait inscrits, en 2015, dans la loi de transition énergétique modifiée par la loi de finances rectificative pour 2015. En effet, les valeurs retenues jusqu'alors s'établissaient à 39 euros en 2018, et progressaient jusqu'à « seulement » 56 euros en 2020 avec un objectif final de 100 euros en 2030.
Nous ne pouvons que nous féliciter de ce regain d'ambition. Toutefois, pour éviter que cette volonté gouvernementale ne se retrouve en contradiction avec les chiffres inscrits dans la loi de transition énergétique précitée, je vous proposerai d'amender cette loi pour la mettre en conformité avec la loi de finances pour 2018. L'objectif de 100 euros la tonne de carbone en 2030 paraissant désormais dépassé, je vous proposerai également de le revoir à la hausse.
L'article 9 organise également la convergence entre la fiscalité du gazole et celle de l'essence sans plomb, prévue à l'échéance 2021. D'ici là, les taxes sur les carburants auront augmenté d'environ 15 centimes par litre pour l'essence sans plomb, soit une augmentation de 11,5 % du prix TTC, et de 30 centimes par litre pour le gazole, soit une augmentation de 25 % du prix TTC.
Le rendement financier de cet alourdissement de la fiscalité sur les carburants s'annonce particulièrement élevé puisque les services du ministère de l'économie et des finances annoncent une ressource nouvelle de 3,7 milliards d'euros en 2018, et de 14,2 milliards d'euros en 2022. Mais le basculement prévisible du parc du gazole vers l'essence sans plomb, conforme aux objectifs poursuivis, et une éventuelle réduction du kilométrage parcouru pourraient réduire les recettes prévues.
L'article 23 traite du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » qui a introduit, en 2015, une réforme du financement des charges de service public de l'énergie, essentiellement 1'électricité et le gaz. Composé du programme 764 « Soutien à la transition énergétique » et du programme 765 « Financement de la transition énergétique », le CAS vise des objectifs qui sont, principalement, le soutien aux énergies renouvelables électriques, le soutien à l'effacement de consommation électrique, et le remboursement du déficit de compensation accumulé auprès d'EDF.
Le projet de loi de finances abandonne la logique qui a consisté, en 2016 et 2017, à fixer un niveau de dépenses du CAS en fonction des ressources affectées, au profit de la logique inverse qui consiste à fixer les ressources du CAS en fonction du niveau de dépenses prévu, en grande partie déterminé chaque été par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). En effet, il a été jugé plus prudent de sécuriser les recettes en les inscrivant directement dans la première partie du PLF.
En conséquence, ce même article substitue, en toute logique, un montant à un pourcentage de la taxe intérieure de consommation sur les houilles, les lignites et les cokes (TICC) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) afin de s'affranchir des aléas de prévisions de rendement de ces taxes.
Ce même article comporte aussi des dispositions techniques dont vous trouverez le détail dans mon rapport. Il prévoit d'élargir de et diversifier les recettes du CAS « Transition énergétique », en y intégrant les revenus tirés de la mise aux enchères des garanties d'origine de l'électricité renouvelable bénéficiant des dispositifs de soutien nationaux. Ce mécanisme a pour objectif de certifier le caractère renouvelable de l'électricité produite, communément appelée « électricité verte ». Il vise également à rendre compatible le financement des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables électriques avec les articles 30 et 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui interdisent l'instauration de taxes d'effet équivalent à un droit de douane.
Enfin, les articles 22 et 24 du projet de loi de finances portent sur le secteur des transports, secteur au coeur des compétences de notre commission, dont l'évolution sera déterminante pour faire progresser la France vers les objectifs qu'elle s'est fixés en matière de transition énergétique et de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Ces articles concrétisent le respect des engagements pris.
L'article 22 permettra à l'État d'honorer sa parole à l'égard des régions qui ont conclu avec lui des accords leur transférant l'exploitation et l'organisation de la plus grande partie des lignes des trains d'équilibre du territoire (TET).
En mai 2015, dans son rapport « TET : agir pour l'avenir », notre ancien collègue Philippe Duron, écrit : « Deux mots résument assez bien l'appréciation des usagers à propos des trains d'équilibre du territoire : l'attachement et l'exaspération. » Le service des trains d'équilibre du territoire étant globalement déficitaire, et la qualité du service s'étant considérablement dégradée, le précédent gouvernement avait, sur la base des recommandations de ce rapport, engagé des négociations avec plusieurs régions pour que, compte tenu de la taille des nouvelles « grandes régions », certaines lignes de TET changent d'autorité organisatrice. Ces lignes devenant, géographiquement, « d'intérêt régional », les six régions concernées en seront désormais responsables. En contrepartie, l'État s'est engagé, d'une part, à continuer de contribuer financièrement à la charge que constitue le déficit de ces lignes, et, d'autre part, à participer au renouvellement de leurs matériels roulants. L'article 22 du projet de loi de finances opère les modifications nécessaires dans le compte d'affectation spéciale qui transcrit, sur le plan budgétaire, la participation de l'État à cette activité ferroviaire.
L'article 24, qui durcit le barème du malus automobile, permettra de financer le nouveau « calibrage » de la prime à la conversion et le bonus à l'achat des voitures électriques. Le bonus-malus automobile a été créé en 2008 pour dissuader les consommateurs d'acheter des véhicules les plus polluants et encourager l'achat de véhicules plus « propres ». On constate qu'effectivement, depuis sa création, le taux moyen des émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières a nettement diminué : de 149 grammes de CO2 par kilomètre, en 2007, il est passé à 110,4 grammes en 2016. Mais ce taux moyen est encore éloigné de l'objectif français et européen de 95 grammes de CO2 par kilomètre. Le Gouvernement en a tiré la conclusion qu'il faut renforcer le caractère dissuasif du malus.
Il est également nécessaire d'accroître les recettes de ce malus pour pouvoir financer un dispositif plus ambitieux de « prime à la conversion », notamment le doublement de cette prime pour les ménages non imposables.