Intervention de Nathalie Elimas

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 15h00
Débat sur l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Elimas :

Le débat qui s'ouvre aujourd'hui à l'initiative du groupe majoritaire revêt une importance particulière à l'heure où notre pays connaît une crise sociale d'envergure.

Le principe de droits sociaux est directement issu de la notion d'État-providence et implique donc une responsabilité des pouvoirs publics pour protéger ces derniers, pour les garantir, mais aussi pour les octroyer – d'aucuns parlent d'ailleurs des droits sociaux comme des droits de l'homme de seconde génération.

Si notre pays est l'un des pionniers en la matière – je pense notamment à notre système de sécurité sociale, à notre droit du travail ou aux diverses prestations et aides sociales – , il est aujourd'hui confronté à plusieurs problématiques qui menacent très sérieusement leur accessibilité pour une partie de nos concitoyens.

Ces problématiques sont diverses mais le résultat est le même : une partie de la population française renonce à ses droits. C'est d'ailleurs tout le paradoxe du système de protection sociale français : il est l'un des plus généreux du monde, mais son efficacité est compromise par le non-recours.

Ainsi, selon l'Observatoire des non-recours aux droits et services, près de 36 % des ayants droit du RSA n'en bénéficient pas, ce qui représente environ 5 milliards d'euros par an. Le cas de l'aide à la complémentaire santé, l'ACS, était encore plus criant avant qu'elle ne fusionne avec la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, puisque le taux de non-recours pouvait atteindre 70 % dans certains départements.

De nombreux rapports et études ont établi un diagnostic cinglant du manque d'accès aux droits sociaux. Il résulte d'un déficit d'information et de pédagogie, d'une trop grande complexité des démarches à la charge du bénéficiaire, mais aussi de lacunes dans l'accompagnement.

Ce ne sont donc pas les droits sociaux en tant que tels qui sont problématiques, mais tout l'écosystème qui les entoure. C'est sur ce point qu'il faut oeuvrer, et ce dès maintenant.

En effet, la lutte contre le non-recours pose la question de l'égalité entre tous les territoires et, de fait, entre tous les bénéficiaires. L'actualité illustre le constat que nous venons de dresser : la fracture territoriale et sociale est immense ; elle n'a cessé de s'accentuer depuis plus de trente ans.

Si le non-recours aux prestations sociales est l'un des symptômes, le manque d'accès à la santé en est un autre, tout aussi préoccupant. Néanmoins, il ne s'agit pas d'adopter une démarche symptomatique pour sortir de cette impasse : notre groupe s'évertue à défendre une approche holistique, impliquant l'ensemble des parties prenantes, mais aussi et surtout les territoires.

En ce sens, s'il faut bien sûr rendre les droits sociaux plus accessibles, il est également indispensable de les simplifier, de les rendre plus justes tout en impulsant une dynamique d'incitation à l'activité.

Le Président de la République fait preuve d'une grande ambition, comme en témoigne notamment la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée en septembre dernier. Ce plan d'investissement de près de 8,5 milliards d'euros, fléchés d'une part vers la prévention, l'éducation et la formation et d'autre part vers l'accompagnement et l'émancipation par l'emploi, va sans conteste dans la bonne direction.

Plusieurs mesures concrètes de ce plan ont déjà été discutées et adoptées au sein de cette assemblée – je pense par exemple à la fusion de la CMU-C et de l'ACS votée dans le PLFSS, ou encore à l'augmentation substantielle et à l'élargissement du panel des bénéficiaires de la prime d'activité.

Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, et le groupe MODEM sera très attentif à la déclinaison des autres dispositifs dans les mois qui viennent. La création du revenu universel d'activité, prévue en 2020, sera le point d'orgue de la transformation entreprise. Nous soutenons fermement le principe d'universalité et d'automaticité du versement de la prestation sociale, tout en insistant pour que celle-ci soit conditionnée à un mécanisme incitatif à l'insertion vers l'emploi. C'est là le seul et unique moyen de sortir d'une logique palliative qui montre un peu plus ses limites chaque jour.

Enfin, cette ambition ne pourra réussir qu'à travers une mobilisation de tous les acteurs, en donnant aux territoires les moyens nécessaires à un pilotage efficace, en impliquant les acteurs économiques, mais aussi en développant l'accompagnement social.

Je veux ici rappeler notre reconnaissance pour le travail et le dévouement des travailleurs sociaux, qui oeuvrent chaque jour pour le bien commun dans des conditions parfois très difficiles. Une meilleure reconnaissance de ces métiers est essentielle pour parvenir à atteindre notre objectif.

Le constat est sans appel : notre modèle social, notre modèle de solidarité nationale ne répond plus pleinement aux enjeux actuels. Ces débats qui se déroulent partout en France doivent être l'occasion de faire émerger les conditions d'une refonte de l'accès aux droits sociaux et, plus largement, d'un nouveau pacte social.

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