Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mardi 5 février 2019 à 15h00
Débat sur l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Prendre des milliards aux pauvres pour les donner aux plus riches, c'est le prix à payer pour gagner en attractivité – du moins est-ce ce que vous dites aux Français, les yeux dans les yeux. En réalité, les mesures annoncées en fin d'année à grand renfort de communication n'ont pas permis de redistribuer un seul centime, car procéder à des exonérations de cotisations sociales, c'est encourager l'individualisme, le chacun pour soi.

Vous renforcez ainsi les clivages entre les travailleurs pauvres et les chercheurs d'emploi, entre les smicards à temps plein et les smicards à temps partiel, entre ceux qui ont la santé et ceux qui ne l'ont plus – alors que pour toutes ces personnes, c'est la même galère. Savez-vous ce que cela fait quand un intérimaire, un chercheur d'emploi, un jeune en survie ou une personne âgée n'a même plus les moyens d'avancer les frais de santé pour se soigner, la ministre de la santé refusant de rendre obligatoire le tiers payant ?

Près de chez moi, les usines ferment ou menacent de délocaliser, arrachant des vies au nom du libre-échange – je ne citerai que les entreprises Viskase et Knauf. Pourtant, vous faites cette année 20 milliards d'euros de cadeaux supplémentaires aux grandes entreprises, sans leur demander aucune contrepartie ! Avec la suppression de l'ISF, qui a coûté 4 milliards d'euros aux Français, les riches ont pu se payer des vacances supplémentaires – ils l'admettent eux-mêmes, c'est dire ! Avec 20 milliards d'euros supplémentaires sans aucune contrepartie, iront-ils sur la lune ?

Tandis que, selon les organismes de lutte contre l'évasion fiscale tels qu'OXFAM, la fraude fiscale nous fait perdre environ 100 milliards d'euros par an, et qu'avec le CICE, 40 milliards d'euros vont encore partir en fumée cette année puisqu'ils ne seront pas réinvestis, vous osez soutenir que les 25 milliards d'euros destinés aux plus modestes coûtent « un pognon de dingue » ! Où est donc passée votre conscience ?

Votre majorité planche actuellement sur un éventuel revenu universel d'activité, qui ne serait en réalité qu'une fusion d'aides existantes, et qui deviendraient conditionnelles ! Il faut responsabiliser les pauvres, dites-vous sans rougir, et, tandis que vous voulez fliquer davantage les chômeurs qui ne trouvent pas d'emploi faute d'offres, les moyens alloués à la lutte contre l'évasion fiscale sont en baisse. Doit-on comprendre que les riches, eux, sont déjà responsables, ou que plus on est riche, moins on triche ? L'expérience nous a montré le contraire, ce que confirme une étude menée par des chercheurs de Berkeley et de Toronto, qui a montré que les personnes aux statuts sociaux les plus élevés sont plus enclines à développer des comportements immoraux que les pauvres.

Plutôt que de l'inciter à gagner des milliards, comme le prône le Président de la République, faisons en sorte que notre jeunesse ne suive pas l'exemple de nos dirigeants actuels, imbus d'eux-mêmes et aveugles aux autres ! Les parents isolés, les travailleurs pauvres ou modestes, les précaires, les cassés, ceux qui ne sont rien, n'en peuvent plus de vos leçons : ils veulent pouvoir vivre dignement de leur travail et d'une juste redistribution.

Ils sont contre l'accaparement des richesses par les actionnaires, les grands cadres, les PDG et les fraudeurs fiscaux. L'automatisation des droits et la lutte contre le non-recours sont de très bonnes choses que nous soutenons. Cependant, si dans le même temps, l'enveloppe globale dédiée aux plus modestes diminue, les prix augmentent et les guichets ferment, ces mesures ne sont que de la poudre aux yeux, car l'accès aux droits sociaux n'a plus aucun sens lorsque ces mêmes droits sociaux fondent comme neige au soleil.

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